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Porte d’entrée vers l’Arctique : Tromsø, Amundsen et l’âge héroïque de l’exploration

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Cabanes traditionnelles norvégiennes en bois, rouges et jaunes, à Tromsø.

Photo: JohnKruger/Shutterstock

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Durée de lecture: 12 Min.

Oui, on peut rejoindre Tromsø en avion, mais c’est une ville qui mérite absolument d’être abordée par la mer. À mesure que l’on avance, elle se déploie autour de vous. De grands ponts élancés relient l’île de Tromsøya au continent. Sur l’un des versants, on distingue le toit blanc et pointu de la cathédrale arctique, dressé sur une crête. Les rives sont bordées d’entrepôts lumineux, hauts de plusieurs étages, peints de rouge, de jaune ou d’orange, en contraste frappant avec les sommets enneigés et gelés qui forment l’arrière-plan majestueux de la scène.

Située à 69 degrés nord, avec une population avoisinant les 80 000 habitants, Tromsø est l’une des plus grandes villes au sein du cercle polaire arctique. À bien des égards, c’est une ville moderne, soignée. Elle revendique d’ailleurs plusieurs titres de gloire, comme celui d’abriter une promenade commerçante piétonne où se trouve une librairie (Norli Bokhuset) élue meilleure de Norvège – et, peut-être un peu moins prestigieux, le McDonald’s le plus septentrional du monde.

En arpentant ses rues, on se sent l’âme d’un explorateur. Est-ce la latitude extrême, ou simplement la sensation que, dès que l’on quitte la ville, des glaciers, des forêts boréales sans fin — et, qui sait, quelques trolls amicaux – vous attendent ? Sans oublier la présence inspirante des véritables explorateurs qui vécurent ici, et dont l’esprit semble encore flotter dans l’air.

Tromsø, surnommée la porte d’entrée de l’Arctique, abrite l’université, la brasserie et le jardin botanique les plus septentrionaux du monde. (Renata Meneses/Pexels)

Tromsø est une destination prisée pour la pêche, en mer comme en eau douce. Les eaux arctiques y sont riches en espèces telles que la morue, le flétan, l’églefin et le lieu noir. (Efrem Efre/Pexels)

Une vie rude mais magnifique

En débarquant du navire pour rejoindre un petit groupe en visite guidée, notre accompagnateur nous explique que Tromsø « était autrefois surnommée la Paris du Nord », en partie parce que ses habitants étaient vêtus avec élégance de fourrures. (Une nécessité plus qu’un choix esthétique, à l’époque.) Nous passons devant une statue de Roald Amundsen, que les passants semblent ignorer. Pourtant, ce Norvégien fut sans doute la figure la plus marquante de ce que l’on appelle l’Âge héroïque de l’exploration. Il avait fait de Tromsø sa maison, son point de départ.

Nous entrons ensuite dans l’excellent Musée Polaire, dont la porte arbore en grand le visage – comiquement disgracieux – d’un morse. À l’intérieur, notre guide nous mène à travers une série d’expositions consacrées à la manière dure, résistante, mais aussi profondément belle dont les populations ont vécu depuis des siècles dans l’extrême nord.

Une statue de cire représentant un chasseur de baleines se dresse au Musée Polaire. (photoeu/Shutterstock)

Les expositions présentent la vie des chasseurs et trappeurs, des phoquiers et marins. Des mannequins barbus emmitouflés prennent place dans une embarcation en bois, affrontant une mer sombre et hostile. Un autre se tient sur la glace, à la poursuite de sa proie. « La peau de phoque, pendant un temps, était le seul matériau imperméable disponible », explique notre guide.

En tournant dans une autre salle, une surprise nous attend – un objet très différent de tout le reste dans ce lieu : une maquette de dirigeable, suspendue au plafond. Le nom Norge y est inscrit en grandes lettres sur le flanc.

Amundsen survola le pôle Nord à bord du Norge en 1926. Mais ce n’était certainement pas le plus grand de ses exploits.

Les rennes sont originaires du nord de la Norvège et parfaitement adaptés aux conditions arctiques et subarctiques. (Efrem Efre/Pexels)

Amundsen l’explorateur

Durant l’Âge héroïque, qui s’étend de la fin du XIXᵉ siècle jusqu’à l’après Première Guerre mondiale, des explorateurs venus du monde entier se lancèrent dans une quête effrénée de « premières », voyageant — au péril de leur vie – jusqu’aux confins de la planète. Leur objectif : graver leur nom dans l’Histoire. Certains noms vous sont peut-être familiers – Sir Ernest Shackleton, Robert Peary, Sir James Clark Ross, Robert Falcon Scott. Mais le plus grand d’entre eux fut sans doute Roald Amundsen.

Roald Amundsen (à g.), Ernest Henry Shackleton (au c.) et Robert Edwin Peary étaient surnommés les Trois Étoiles Polaires pour leurs nombreuses expéditions dans l’Arctique. (Nasjonalbiblioteket/CC BY 2.0)

Pendant des siècles, l’un des joyaux que de nombreux explorateurs cherchaient à découvrir était le passage du Nord-Ouest, une voie légendaire menant vers l’Extrême-Orient. Ces expéditions dans l’Arctique étaient périlleuses. Sur leur route, les attendaient des ours polaires affamés et des tempêtes d’une violence inouïe, bien plus terrifiantes que tout ce qu’ils avaient pu connaître. Les navires restaient souvent prisonniers des glaces pendant de longues périodes.

Dans certains cas, comme lors de l’expédition de Sir John Franklin, le désastre fut total. Les deux navires sous son commandement, le Terror et l’Erebus, ainsi que tous les hommes à bord, disparurent purement et simplement pendant des centaines d’années. Ils n’ont été retrouvés que récemment, grâce à des technologies sous-marines ultra-modernes.

Amundsen fut le premier Européen à traverser avec succès le passage du Nord-Ouest. L’expédition dura trois années entières. Avec son équipage, il passa deux hivers dans une communauté inuit aujourd’hui appelée Gjoa Haven, du nom de son navire, le Gjóa. Les habitants de cette région lui permirent de réussir en lui enseignant des techniques de survie essentielles : porter des peaux d’animaux, construire des igloos, et conduire des attelages de chiens de traîneau pour se déplacer rapidement sur le terrain gelé. De retour au Musée Polaire de Tromsø, notre guide nous montre l’un de ces chiens exposés, mort depuis longtemps mais conservé par taxidermie.

Deux des chiens de traîneau de l’expédition sont exposés au Musée Polaire. (kasakphoto/Shutterstock)

Amundsen utilisa les techniques apprises auprès des Inuits pour atteindre le pôle Sud en 1911. Son expédition, composée de quatre hommes et d’une meute de chiens de traîneau, arriva environ cinq semaines avant celle de Scott. Tragiquement, Scott et toute son équipe périrent dans des conditions climatiques terribles lors de leur retour du pôle.

Et puis, bien sûr, il y a cette histoire de dirigeable. En 1926, lors du vol transpolar Amundsen-Ellsworth-Nobile, seize hommes décollèrent à bord du Norge depuis l’île de Svalbard, située très au nord. Ils traversèrent l’océan Arctique et survolèrent le pôle Nord avant de rencontrer un épais brouillard et une violente tempête, qui les dévia de leur trajectoire et les fit passer au-dessus du détroit de Béring.

Ils réussirent à poser le dirigeable en toute sécurité en Alaska. Ce fut la première traversée de l’océan Arctique et du pôle Nord, faisant d’Amundsen et de l’un de ses compagnons, Oscar Wisting, les premiers hommes à avoir atteint les deux pôles.

Roald Amundsen avec l’un des hydravions Dornier Wal utilisés lors de sa tentative d’atteindre le pôle Nord en 1925. (Preus Museum/CC BY 2.0)

L’expédition de Roald Amundsen au pôle Sud. De gauche à droite : Amundsen, Helmer Hanssen, Sverre Hassel et Oscar Wisting. (Domaine public)

Dans une mort aussi dramatique que sa vie, Amundsen – âgé de 55 ans – prit les commandes d’un hydravion en direction du nord, deux ans plus tard. En sortant du musée, mon guide me montre l’étendue d’eau d’où l’explorateur s’était envolé. Amundsen était décidé à porter secours à Umberto Nobile, qui avait volé avec lui au-dessus du pôle. Ce dernier pilotait un autre dirigeable, qui s’était écrasé près de Svalbard.

Amundsen ne fut jamais retrouvé.

Il est resté présent dans mes pensées lorsque je suis remonté à bord du navire. Nous avons franchi les ponts majestueux, laissant derrière nous les maisons colorées, les entrepôts, et la cathédrale perchée sur la crête, pour filer encore plus au nord, au cœur de l’Arctique. Une terre qu’Amundsen avait simplement qualifiée de « splendide ». Mon voyage personnel, malgré tout le confort moderne du bateau, m’a assurément fait sentir comme un explorateur, moi aussi.

Comment s’y rendre

L’aéroport de Tromsø (TOS) est modeste, mais efficace. Des vols directs vers le sud relient la ville à des destinations nationales ainsi qu’aux grandes métropoles européennes comme Paris, Francfort ou Zurich.

Se déplacer

Le centre-ville de Tromsø est compact et facile à parcourir à pied, ce qui permet de découvrir la plupart des sites principaux sans difficulté. Pour les endroits un peu plus éloignés, comme la cathédrale Arctique, vous pouvez prendre un bus urbain rapide, propre et efficace. Une autre manière agréable d’explorer est le bateau-express : consultez les horaires pour planifier vos déplacements.

Où séjourner

Le Radisson Blu Hotel est situé en plein cœur de la ville. Séjournez dans une chambre récemment rénovée et profitez de concerts live au pub sur place. Après une journée bien remplie d’aventures, détendez-vous au sauna avant de rejoindre votre lit.

À savoir

Tromsø est entourée d’une faune exceptionnelle. Offrez-vous une croisière en bateau d’une demi-journée pour observer phoques, marsouins, baleines, pygargues à queue blanche et peut-être le clou du spectacle : les petits macareux moines, robustes et adorables.