Rebiya Kadeer : l’histoire poignante d’une femme musulmane devenue guide de son peuple

1 septembre 2015 07:38 Mis à jour: 26 octobre 2015 17:48

WASHINGTON – Rebiya Kadeer, mère de 11 enfants, est l’une des plus farouches adversaires connue du Parti communiste chinois. Au moment de la rencontre, la présidente du Congrès mondial ouïghour attendait un taxi au centre-ville de Washington DC

La file de voitures qui passait projetait l’air humide du mois d’août sur Rebiya Kadder et sur son conseiller, Omer Kanat, chercheur ouïghour en exil.

« Dé-bor-dés, pas une minute de répit ! », annonce Rebiya avant de s’engouffrer dans le taxi qui les mènera à une réunion avec la Commission exécutive du Congrès consacrée à la Chine. La veille, elle s’était entretenue avec les responsables du département d’État.

Rebiya Kadeer est la dissidente la plus connue pour la cause des Ouïgours, un peuple d’Asie centrale, parent éloigné des Turcs. Cette minorité musulmane vit dans le nord-ouest de la Chine  – une région qu’ils nomment le Turkestan oriental mais que le Parti communiste chinois (PCC) appelle Xinjiang, la nouvelle frontière.

Après avoir annexé la région en 1949, le régime chinois colonisera quelques années plus tard le Xinjiang, une région désertique au nord-ouest du pays, terrain des momies, des pics enneigés et de villes ensablées.

Le Xinjiang fait quatre fois la taille de la Californie ; il abrite une zone riche en pétrole, de la taille de la France. Son sol est également riche en minéraux et en gaz naturel. La Chine a investi des milliards dans la région et les ressources naturelles du Xinjiang ont joué un rôle important dans la croissance économique chinoise.

Mais cet essor économique ne profite en rien aux Ouïghours. Le public occidental en sait très peu sur les malheurs qui frappent ce peuple. Relativement moins connus que leurs voisins tibétains, les Ouïghours partagent avec ceux-ci une frontière commune et des luttes similaires contre le régime chinois.

D’après le périodique Scientific America, le régime de Pékin a mené plus de 40 essais nucléaires atmosphériques dans le Xinjiang entre 1964 et 1996. Les experts en rayonnement estiment que les radiations auraient fait plus de 194 000 victimes.

Les nombreuses exécutions de dissidents politiques, les destructions de mosquées, le déclin de l’enseignement de la langue ouïghoure dans les écoles locales, et la situation générale des musulmans en Chine, sont longtemps passés inaperçus dans la sphère internationale. Jusqu’à ce que Rebiya Kadeer s’en mêle.

Rebiya Kadeer, une femme reconnaissable à ses deux longues tresses traditionnelles qui lui descendent sous les hanches, est à première vue une femme comme les autres. À 68 ans, son corps élancé et ses yeux noirs pénétrants lui confèrent l’apparence d’une jeune fille.

Impossible de deviner qu’elle est arrière-grand-mère et qu’elle a survécu à deux années d’isolement total dans les geôles chinoises. Bien qu’elle ait été battue et humiliée, qu’elle ait failli mourir d’une hémorragie de l’estomac au cours de ses cinq années de détention, sa candeur ne l’a jamais quittée.

Au cours du long trajet en voiture, son conseiller s’est endormi en plein milieu de la conversation. Elle en a souri, simplement. Quitte à se rendre en retard à une réunion, elle insiste pour que les visiteurs de passage chez elle prennent le temps de goûter à ses savoureux petits plats. Comme à cette carotte traditionnelle ouïghoure ou ce riz à l’agneau frit.

Et pourtant, cette hôte attentionnée est la bête noire du Parti communiste chinois. À juste titre : Rebiya Kadeer a consacré les 50 dernières années de sa vie à la cause ouïghoure. Pour l’heure, l’économie chinoise patine et l’autorité du Parti semble vaciller. C’est probablement le bon moment pour Rebiya Kadeer d’arracher un accord.

Car il est dans l’intérêt du régime chinois de parvenir à une entente avec les Ouïghours. L’économie chinoise a ralenti, mais le Xinjiang est une région critique pour le développement de la Chine dans les années à venir. Or, les investisseurs sont frileux lorsqu’il s’y produit des émeutes et des troubles.

Une étincelle

Même si la Révolution culturelle se targuait en premier lieu d’abattre la bourgeoisie, ce fut précisément pendant la Révolution culturelle que Rebiya Kadeer a réalisé à quel point le pouvoir dépendait de l’argent. Et, ironiquement, du bon usage que l’on pouvait en faire.

Elle a pris pleinement conscience pour la première fois de ce fait en voyant Zunun Kadir, célèbre écrivain ouïghour (sans lien de parenté avec elle), nu et en sang lors d’une « séance de confession publique », humiliante et douloureuse. L’évènement visait à prouver que Kadir était un « ennemi du peuple ».

La pancarte qu’il avait autour du cou portait l’inscription « les contre-révolutionnaires doivent être anéantis ».

Rebiya Kadeer a rassemblé les 50 yuans qu’elle avait dans sa poche – elle les avait gagnés avec la vente des chaussures pour enfants qu’elle cousait à partir de bouts de velours et de plastique – et les a discrètement remis au jeune homme responsable.

Ce dernier a libéré l’écrivain sur le champ, en s’excusant et disant qu’ils ne voulaient pas le tuer parce qu’ils « avaient encore largement de quoi le punir ».

La femme la plus riche de Chine

Avec l’accroissement des émeutes dans le Xinjiang dans les années 90, Rebiya Kadeer, la septième fortune de Chine à l’époque avait tapé dans l’œil du PCC qui lui a proposé de devenir « consultante spéciale » pour le gouvernement sur les questions du Xinjiang. Elle croyait naïvement, par ce biais, pouvoir voler au secours de son peuple.

Rebiya Kadeer, president of the World Uyghur Congress, at her home in Virginia on Aug. 20, 2015. (Samira Bouaou/Epoch Times)
Rebiya Rebiya Kadeer, présidente du Congrès mondial ouïghour, à son domicile en Virginie le 20 Août 2015 (Samira Bouaou/Epoch Times)

Rebiya Kadeer a été nommée déléguée à la Conférence consultative politique du Congrès national du peuple – un organe consultatif officiel du peuple chinois mis en place par le PCC pour entériner ses propres lois. Jiang Zemin, le chef du PCC de l’époque, lui a demandé de représenter les Ouïghours à la Conférence mondiale des Nations unies pour les femmes à Pékin en 1995.

Pendant qu’Hillary Clinton prononçait son discours à la tribune, Rebiya Kadeer était assise dans le public, flanquée de trois « traducteurs » qui étaient là en réalité pour de tout autre raisons. Chaque fois que Rebiya Kadeer essayait d’aborder un représentant international lors de la conférence, ses interprètes déversaient la propagande du Parti.

Rebiya Kadeer a repensé aux neuf femmes tibétaines qu’elle avait vues à l’extérieur de la salle de conférence avec des foulards en soie sur la bouche. Ces femmes voulaient rappeler à la presse étrangère qu’en Chine les minorités sont bâillonnées. Elle a trouvé ces Tibétaines bien organisées. Il y avait aussi le Dalaï Lama, qui était venu plaider en leur faveur, loin des murs chinois.

Les Ouïghours, eux, n’avaient personne pour les représenter. Rebiya Kadeer a décidé qu’à partir là de ce moment, elle serait cette personne pour le Turkestan oriental.

Un discours interdit

Rebiya Kadeer a écrit un discours qu’elle a présenté au Congrès national du peuple, pour approbation. Mais ce n’est pas celui qu’elle avait prévu de donner.

Elle était nerveuse. Sur le chemin pour accéder à la tribune, elle a accidentellement renversé une tasse de thé posée sur l’une des tables. Face à elle, trois mille représentants du Congrès. Pendant 27 minutes, elle a parlé des agriculteurs pauvres, du manque de système d’éducation, et du traitement violent que le gouvernement chinois inflige aux prisonniers politiques.

Elle a expliqué qu’il était interdit aux agriculteurs de se reconvertir dans la fabrication et de se réorienter professionnellement. Pourtant, les agriculteurs ne reçoivent aucune rémunération lorsque le régime chinois extrait les ressources naturelles de leurs terres.

En outre, le régime fait appel à des ouvriers chinois, et non ouïghours. Elle a dénoncé la façon dont les charges fiscales étouffaient les commerçants ouïghours, qui ont l’interdiction de faire affaire avec d’autres Ouïghours mais qui doivent payer une fortune aux intermédiaires chinois.

Après son intervention, Li Peng, le Premier ministre chinois d’alors, l’a félicité pour son « très bon discours » avant d’ajouter « qu’elle devait d’abord discuter de ces problèmes avec eux en privé ». Trois mois plus tard, elle était dépouillée de toute responsabilité et de ses titres. 

La résistance s’organise

Le passeport de Rebiya Kadeer a également été confisqué, ainsi que celui de ses enfants et de ses frères. Le régime lui a interdit de se déplacer sans permission et lui a adressé des avertissements. Mais il en fallait plus pour faire abdiquer Rebiya Kadeer.

Avec l’autorisation des fonctionnaires, elle a lancé le Mouvement d’un Millier de Mères, qui aide les femmes ouïghoures à créer leur entreprise.

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Rebiya Kadeer, dans ses jeunes années dans le Xinjiang. (Photo privée de Rebiya Kadeer )

Mais elle a commis l’erreur d’utiliser le mot « international » au cours d’un de ses discours. Le PCC craignant qu’elle gagne de l’influence à l’international a resserré sa surveillance. Dorénavant elle était suivie en permanence.

Cependant avant qu’il ne soit trop tard, Rebiya Kadeer a réussi à envoyer son second mari et ses quatre plus jeunes enfants aux États-Unis. Kekenus Sidik, sa plus jeune fille se souvient avoir quitté la Chine à l’âge de 7 ans. « J’ignorais que maman ne venait pas avec nous. C’est une fois dans l’avion, constatant son absence, que j’ai compris qu’elle ne nous accompagnait pas », se souvient-elle.

Rebiya Kadeer ignorait que dans l’année qui suivrait, elle irait en prison. Son crime : avoir essayé de faire passer au Congrès américain des coupures de presse couvrant un massacre dans le Xinjiang. Elle a été inculpée pour « divulgation de secrets d’État », alors que l’information avait déjà été publiée dans des journaux chinois. L’enfant n’a pas revu sa mère avant ses 14 ans.

La libération

Grâce aux efforts combinés des organisations comme Amnesty International et Freedom House, Rebiya Kadeer a remporté le Prix Rafto des droits de l’homme alors qu’elle était encore en détention, ce qui a attiré l’attention internationale. Puis, l’ancien secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice a obtenu la libération de Rebiya Kadeer en 2005, pour des raisons médicales.

Dès son arrivée à Washington DC, Rebiya Kadeer a suivi son instinct d’activiste. « Aujourd’hui, je suis vivante, parce que le monde avait les yeux braqué sur mon cas », a déclaré Rebiya Kadeer. Et d’ajouter : « il y a des milliers de Ouïghours qui meurent parce que personne ne peut voir qu’ils sont en train de mourir ».

Elle estime ne pas pouvoir se permettre de perdre du temps, car les horribles traitements que le régime fait subir aux Ouïghours vont au delà des seuls essais nucléaires. Depuis 1991, l’industrie médicale chinoise a procédé à des prélèvements d’organes sur des prisonniers ouïghours encore vivants, comme le relate le journaliste d’investigation Ethan Gutmann dans son livre The Slaughter : Mass Killings, Organ Harvesting, and China’s Secret Solution to Its Dissident Problem.

Le régime chinois a également renforcé ses politiques d’éradication systématique de la culture ouïghoure. Dans le Xinjiang, les écoles adoptent de plus en plus la langue chinoise comme principale langue d’enseignement. Nombre d’écoles urbaines enseignent uniquement en chinois.

Timothy Grose, professeur-assistant des études chinoises à Rose-Hulman Institute of Technology et spécialisé dans la recherche ouïghoure remarque : « Beaucoup de jeunes Ouïghours avec lesquels je me suis entretenu ont fait des études supérieures. Ils craignent sérieusement que dans un proche avenir, leurs compatriotes ne parlent plus que le chinois et ignorent tout un pan de l’histoire ouïghoure et musulmane ».

Mais il n’était pas évident pour Rebiya Kadeer d’endosser cette responsabilité avec l’énergie qui la caractérisait juste après sa libération. Suite à son emprisonnement et aux traitements subis dans une cellule obscure d’isolement, elle était devenue mentalement instable.

Dans ses mémoires, Dragon Fighter : One Woman’s Epic Struggle for Peace With China, Rebiya Kadeer raconte qu’après son emprisonnement, elle s’asseyait parfois dans sa cuisine en Virginie, et se remémorait d’anciennes conversations.

« Peu m’importe que vous me considériez coupable ou prisonnière. Vous pouvez me battre, ou me tuer, ça m’est égal ! », s’entendait-elle crier, encore et encore. « Je ne vais pas accepter votre autorité. Je refuse ! »

Tout faire pour rester en forme

Dix ans plus tard, Rebiya Kadeer a récupéré et son esprit est redevenu vif – aussi tranchant que lorsqu’elle avait transformé une petite buanderie individuelle, où on lavait les vêtements à la main dans un appartement miteux, en un empire commercial de plusieurs millions de dollars.

Rebiya Kadeer, President of the World Uyghur Congress, at her home in Virginia on Aug. 20. (Samira Bouaou/Epoch Times)
Rebiya Rebiya Kadeer, présidente du Congrès mondial ouïghour, chez elle en Virginie le 20 août (Samira Bouaou/Epoch Times)

« Peu de gens savent à quel point elle est douée », constate Dru Gladney, professeur d’anthropologie au Pomona College, et auteur de plusieurs livres sur la minorité musulmane installée en Chine. « Rebiya Kadeer est une femme musulmane intelligente et modérée, qui a réussi dans les affaires, non seulement en Chine mais aussi aux États-Unis », observe t-il.

Dernièrement, elle a rencontré à plusieurs reprises le Département d’État et la Commission sur la Chine pour discuter de la situation mondiale des réfugiés ouïghours et du fait que le PCC confisque leurs passeports.

Rebiya Kadeer a réussi avec brio à obtenir un financement de la part de la National Endowment for Democracy and private donors, pour les deux organisations qu’elle dirige : l’Association des Ouïghours en Amérique et le Congrès mondial des Ouïghours. Et cela, à un moment où il est très difficile pour des groupes musulmans de recevoir un soutien financier.

Dans une tentative pour déstabiliser Rebiya Kadeer, le régime chinois a emprisonné quatre de ses enfants en 2006. Ils ont été progressivement libérés ; en mai dernier, tous étaient libres.

Après la première arrestation de ses enfants, Rebiya Kadeer a accordé une interview à Radio Free Asia, dans laquelle elle déclarait avec fermeté ne pas renoncer à son activisme.

Après l’interview téléphonique, elle a fondu en larmes. « Si j’arrête maintenant, ils vont libérer mes quatre enfants », concédait-elle dans un documentaire à son sujet, intitulé The 10 Conditions of Love. Consciente, elle poursuit : « mais ils tueront mon pays et mon peuple. Alors mon bonheur sera au prix du sang de mon peuple ».

« Dalaï Lama » pour les uns, « Oussama ben Laden » pour d’autres ?

Depuis la libération de Rebiya Kadeer et son départ de Chine, les efforts déployés par les Ouïghours pour faire connaître leur situation sont mieux organisés et plus efficaces – ils tiennent des conférences dans le monde entier et parviennent à rencontrer les représentants de différents gouvernements tant aux États-Unis qu’en Europe et en Australie.

Pour certains, Rebiya Kadeer est le « Dalaï Lama du Xinjiang ». Ce qui mériterait d’être pondéré, car contrairement au Dalaï Lama, elle n’est pas un leader religieux pour les Ouïghours. Le régime chinois quant à lui, l’appelle la « Oussama Ben Laden chinoise ».

Lorsque les États-Unis ont réorienté leur politique étrangère dans la lutte anti-terroriste suite aux attentats du 11 septembre, la Chine a saisi l’opportunité pour former une alliance avec le président George W. Bush, insinuant que les Ouïghours étaient liés à des groupes terroristes internationaux.

Un petit groupe de Ouïghours qui s’appelle le Mouvement islamique du Turkestan oriental s’est engagé dans la lutte violente à l’encontre de la politique du régime chinois. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les Ouïghours reçoivent moins de sympathie de l’Occident que les Tibétains, même si l’accusation de terrorisme est sans fondement.

Rebiya Kadeer, President of the World Uyghur Congress with His Holiness the Dalai Lama in a photograph at her home. (Samira Bouaou/Epoch Times)
Une photo de Rebiya Rebiya Kadeer, présidente du Congrès mondial ouïghour, en compagnie du Dalaï Lama chez elle. (Samira Bouaou/Epoch Times)

« Ils sont préoccupés surtout par la libération du Turkestan oriental, et n’ont rien à voir avec les objectifs d’un djihad mondial », assure Gladney, notant que les pratiques d’al-Qaïda, comme le recours aux kamikazes, les prélèvements d’un impôt sur les infrastructures, et l’utilisation d’armes sophistiquées sont absents des attaques violentes des Ouïghours.

« Certains des incidents, très récurrents ces cinq dernières années, montrent qu’ils ne sont pas très bien organisés », explique t-il. « Il y a bien quelques actions sporadiques, comme des actes de violence à petite échelle commis avec des couteaux, parfois quelques armes à feu, mais rien ne peut laisser croire qu’il s’agisse d’une organisation manipulée par des organisations terroristes mondiales ».

Le Président George W. Bush a depuis reconnu que les Ouïghours n’avaient aucun lien avec le djihad. En 2007, à Prague, Rebiya Kadeer l’a rencontré en privé, lors d’une conférence sur la démocratie et la sécurité. Comme le relate un communiqué de presse archivé à la Maison Blanche, Bush a salué le travail de Rebiya Kadeer, qu’il a qualifié de « plus précieux que les armes militaires ou le pétrole [chinois] ».

L’Association des Ouïghours d’Amérique à Washington DC passe beaucoup de temps à analyser et à réfuter les rumeurs qui accusent des terroristes ouïghours d’être les auteurs de récentes tragédies – comme l’explosion et l’incendie du début du mois à Tianjin ou les bombardements d’un temple bouddhiste à Bangkok le 18 août dernier. « Le PCC aimerait que les Ouïghours s’engagent dans le terrorisme afin qu’il puisse les tuer à volonté », souligne Rebiya Kadeer. « Mais nous resterons pacifiques. Nous ne lui donnerons pas ce qu’il veut ».

La situation des enfants de Rebiya Kadeer, qui vivent encore dans le Xinjiang est très précaire. Ils vivent en résidence surveillée et ne peuvent pas trouver d’emploi. Ils ne sont pas autorisés à recevoir le soutien financier de leur mère. Selon Kanat, le directeur de la Fondation Internationale ouïghoure pour les Droits de l’Homme et la Démocratie, pour que le régime chinois accepte un tel soutien financier, cela équivaudrait à ce que « quelqu’un aux États-Unis accepte de l’argent envoyé par Al-Qaida ».

Rebiya Kadeer, President of the World Uyghur Congress, on her way to her office in Washington on Aug. 20. (Samira Bouaou/Epoch Times)
Rebiya Rebiya Kadeer, présidente du Congrès mondial ouïgours, en route vers son bureau à Washington, ce 20 août (Samira Bouaou/Epoch Times)

Même si Rebiya Kadeer a été nominée deux fois pour le Prix Nobel de la Paix, elle est consciente que le travail de sa vie n’est pas terminé. « Je n’aurai de repos que lorsque mon peuple sera libre », précise-t-elle en mandarin. « C’est plutôt l’inactivité qui me fatigue ».

La tâche qu’elle doit gérer s’annonce difficile, car les Ouïghours sont maintenant divisés. « Pour certains d’entre eux, Rebiya Kadeer doit s’attaquer au thème de l’indépendance du Xinjiang », a déclaré Gladney. « Jusqu’à présent, le Congrès mondial des Ouïghours a adopté une position semblable à celle des Tibétains – obtenir le respect des droits de l’homme et une plus grande autonomie. Ce n’est pas la même chose que réclamer l’indépendance ».

Loin de s’inquiéter, Rebiya Kadeer se concentre sur le présent et sur ce qu’elle peut contrôler. À chaque fois qu’une opportunité se présente, elle saute dans le premier avion. Sa fille raconte ainsi : « parfois, je ne sais même pas qu’elle a quitté le pays avant qu’elle ne m’appelle de l’étranger ».

Rebiya Kadeer voyage fréquemment et s’adresse aux médias du monde entier – tantôt en Australie, tantôt en Allemagne ou encore au Japon où elle a été réélue présidente du Congrès mondial des Ouïghours en 2012. Mais l’une des plus grandes difficultés que Rebiya Kadeer doit gérer de façon régulière, tient à la nature toujours changeante des relations sino-américaines.

Le président Bush avait reçu Rebiya Kadeer à la Maison Blanche. Mais l’administration Obama, qui a invité le Dalaï Lama, ne l’a pas reçue. Néanmoins S. Frederick Starr, président de l’Institut de l’Asie Centrale et Caucase, se réjouit de voir qu’elle a réussi à gagner le respect des fonctionnaires à Washington.

Rebiya Kadeer, president of the World Uyghur Congress, at her office in Washington on Aug. 20, 2015. (Samira Bouaou/Epoch Times)
Rebiya Rebiya Kadeer, presidente du Congrès mondial ouïgour, dans son bureau de Washington le 20 Août 2015. (Samira Bouaou/Epoch Times)

« Malheureusement » regrette Starr, « le désintérêt du Département d’État … a limité l’impact de Mme Rebiya Kadeer ». En outre l’équipe qui compose l’Association Ouighoure Américaine ne compte que six membres.

Le dimanche 23 août, son conseiller Omer Kanat a été hospitalisé pour des douleurs cardiaques. Il a continué à passer des appels téléphoniques de son lit d’hôpital, avant de revenir au travail le mercredi suivant. Kanat a déclaré « nous sommes un tout petit peuple, mais nous avons énormément de problèmes avec le gouvernement chinois ».

Sans parler du fait que les Ouïghours sont moins célèbres que les Tibétains. Mais cela ne décourage pas Rebiya Kadeer. Rien ne semble pouvoir la faire vaciller. Lorsque Rebiya Kadeer n’était qu’une femme musulmane au foyer, sans instruction, sa communauté disait que sa vie était finie après le départ de son premier mari — avec lequel elle a eu six enfants. Pourtant, après son divorce, elle est devenue un magnat des affaires.

Alors Rebiya Kadeer ne peut que croire en ses capacités d’apporter la liberté aux Ouïghours. Elle prévoit de retourner dans un Turkestan oriental autonome dans les 10 prochaines années.

 

CHRONOLOGIE

  • IXe siècle

Les Ouïghours, grâce à leur agriculture, forment l’un des empires les plus dominants d’Asie centrale. Ils rivalisent en richesse avec la dynastie des Tang en Chine. Au cours du IXe siècle, ils sont battus par une autre tribu turque. De nombreux Ouïghours fuient dans une région qu’ils appellent maintenant le Turkestan oriental (ou Région Autonome des Ouïghours du Xinjiang de la Chine).

  • 1949

Le régime chinois annexe le Turkestan oriental.

  • 1999

Kadeer est emprisonnée pour avoir rassemblé des coupures de journaux sur un massacre survenu dans le Xinjiang et pour les avoir transmis au Congrès américain. Elle est inculpée pour « divulgation de secrets d’État ».

  • 2004

Kadeer remporte le Prix Rafto des droits de l’homme alors qu’elle est en prison.

  • 2005

L’ancienne secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice obtient la libération de Kadeer. Comme condition de sa libération, le régime chinois impose à Kadeer de ne pas critiquer la politique chinoise, une fois aux États-Unis. Kadeer n’obéira pas.

  • 2006

En janvier, une camionnette blanche s’encastre dans la voiture de Kadeer. La fourgonnette enclenche la marche arrière, avant de foncer sur Kadeer pour une nouvelle collision. Comme la camionnette se préparait à la tamponner une troisième fois, Kadeer s’extirpe de sa voiture. Elle est hospitalisée pour une fracture de la colonne vertébrale. Le régime chinois emprisonne quatre de ses enfants.

  • 2007

Le régime chinois confisque la plupart des passeports ouïghours pour empêcher les Ouighours de se rendre à La Mecque.

  • 2009

Ilham Tohti, économiste et éminent militant ouïghour, est arrêté. À ce jour, il est toujours en prison. Certains le surnomment « le Mandela ouïghour ». Il a dirigé Uyghur Online, un site Web consacré aux problématiques ouïghoures. Tohti réclamait des lois en faveur de l’autonomie régionale.

  • 2015

En juillet, la Thaïlande déporte vers la Chine 100 réfugiés ouïghours.

 

Article original : Rebiya Kadeer: How One Muslim Woman Became a Leader for Her People

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