Violences conjugales : défaut de protection, les victimes perdent foi en la justice

Par afp
10 juillet 2019 06:00 Mis à jour: 12 juillet 2019 14:25

Des plaintes trop rarement prises en compte, un défaut de protection : alors que la liste des violence conjugales s’allonge tous les deux jours ou presque, des victimes ou leurs proches confient à l’agence France Presse (AFP) ne plus avoir confiance en la justice.

Il y a le cas emblématique de Julie Douib, assassinée le 3 mars en Corse après avoir déposé plusieurs plaintes. « Elle n’a pas été suffisamment protégée », s’était emportée deux jours plus tard la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa.

Le cas également d’Aïssatou, tuée en 2016 par son ex-petit ami, un an après leur séparation, alors qu’elle avait, selon son oncle Noël Agossa, déposé 14 plaintes, ensuite retirées une à une. « Une plainte, même retirée, c’est un appel au secours », soutient auprès de l’AFP M. Agossa, coorganisateur du rassemblement contre les violences conjugales qui s’est tenu samedi place de la République.

De nombreuses femmes qui ont survécu aux coups de leur compagnon ou ex-conjoint alertent à présent sur les réseaux sociaux sur les risques qu’elles continuent de courir, plusieurs mois, parfois plusieurs années après leur séparation d’avec leur agresseur.

« Je me suis vue mourir », assure Laura, gorge nouée, lorsqu’elle se remémore cette soirée d’avril 2018 où son compagnon d’alors rentre, ivre mort, dans leur appartement. « Il m’a étranglée, je ne respirais quasiment plus… Les voisins m’ont sauvé la vie en frappant à la porte », poussant son conjoint à relâcher son emprise.

Plus d’un an après les faits, Laura n’a « plus confiance en la justice de (son) pays ». Son ex-compagnon a dans un premier temps « été relâché », le 14 février, malgré sa « plainte pour tentative de meurtre ». « C’était comme si la justice m’abandonnait », confie-t-elle.

Aujourd’hui, si son ex-conjoint est de nouveau incarcéré, elle assure « vivre dans la peur » qu’il ressorte.

Fanny, qui a déménagé près de Toulouse, à des centaines de kilomètres de son précédent logement, pour s’éloigner de son ex-mari, affirme la même chose. Elle « en veut terriblement à la justice » depuis que son compagnon a été condamné à un mois de prison avec sursis à la suite de violences qui ont entraîné, pour elle, 21 jours d’incapacité totale de travail (ITT).

« J’ai toujours eu affaire à des policiers à l’écoute, de bon conseil. Mais j’ai subi cette violence institutionnelle » d’une justice qui, elle l’assure, ne la protège pas assez.

« Depuis octobre, je suis en survie », ajoute-t-elle. « J’ai appris à un juge ce qu’était la Convention d’Istanbul », un texte ratifié par la France et entré en vigueur en 2014, qui érige des standards de prévention en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

« Les méfaits sont toujours les mêmes », regrette Astrid, qui vit en Loire-Atlantique. Pendant trois ans, elle a subi les violences, physiques et psychologiques, de son mari. Ce jusqu’à novembre 2017 quand, en rentrant de son travail, elle remarque des marques d’étranglement sur le cou de son fils aîné.

Astrid affirme avoir déposé « neuf plaintes, dont seulement deux sont en cours d’enquête », les sept autres ayant été classées. « Ce n’est pas facile de parler, de dire des dizaines de fois ce qu’on a vécu. Finalement, quand on ne vous écoute pas, c’est une humiliation, un mépris total ».

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a affiché sa volonté de « généraliser » l’usage de bracelets électroniques d’éloignement, et reconnu que l’État ne faisait « pas assez, et surtout pas assez vite ».

Depuis le 1er janvier, 76 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon ou ex-conjoint.

D. S avec AFP

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