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Alerte des Restos du Cœur : l’instabilité politique met en danger les mécanismes d’aides

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Deux bénévoles discutent avec deux femmes et mères bénéficiaires de l'espace dédié aux nourrissons, bébés et jeunes enfants au centre des Restos du Cœur à Valence, département de la Drôme, le 19 mai 2025.

Photo: NICOLAS GUYONNET/Hans Lucas/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Quarante ans après l’appel historique de Coluche, les Restos du Cœur tirent la sonnette d’alarme. Dans un contexte où la pauvreté atteint des sommets inédits en France, l’association emblématique de la solidarité française se trouve confrontée à un paradoxe cruel : alors que les besoins explosent, l’instabilité politique fragilise dangereusement les mécanismes d’aide.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon l’Insee, près de 10 millions de Français vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté en métropole, un record historique qui illustre l’ampleur de la crise sociale traversée par le pays. Cette réalité se traduit concrètement dans les centres de distribution des Restos du Cœur, qui ont accueilli 1,3 million de bénéficiaires l’année dernière.
De 8,5 à 163 millions de repas : l’évolution d’une urgence sociale
L’évolution des Restos du Cœur reflète l’aggravation progressive de la précarité en France. Lors de leur première campagne en 1985, l’association distribuait 8,5 millions de repas. Près de quatre décennies plus tard, ce chiffre a été multiplié par vingt, atteignant 163 millions de repas distribués en 2023. Une progression vertigineuse qui témoigne de l’enracinement durable de la pauvreté dans notre société.
Les profils des bénéficiaires ont également évolué, révélant de nouvelles formes de précarité. Aux côtés des chômeurs traditionnellement aidés, on trouve désormais de nombreux travailleurs précaires, des familles monoparentales et une proportion croissante de jeunes. Ces « nouveaux pauvres » illustrent la mutation des inégalités sociales, où avoir un emploi ne garantit plus forcément de vivre dignement.
L’incertitude politique paralyse les donateurs
Patrice Douret, président des Restos du Cœur, pointe du doigt un phénomène inquiétant : l’instabilité politique génère « incertitude » et « attentisme » chez les donateurs, particulièrement les entreprises. Ces dernières, face aux turbulences gouvernementales successives, s’interrogent sur leur capacité à maintenir leur soutien financier aux associations de solidarité.
Cette frilosité des mécènes arrive au pire moment. « Le constat le plus terrible, c’est que les besoins continuent d’augmenter », souligne le dirigeant associatif. Alors que Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre le 9 septembre, peine à boucler son projet budgétaire 2026 dans un climat social tendu, les associations craignent d’être les premières victimes des restrictions budgétaires.
La solidarité en péril
L’inquiétude porte notamment sur la préservation des dispositifs fiscaux encourageant la générosité. Le président des Restos du Cœur milite ardemment pour le maintien du mécanisme de réduction d’impôts sur les dons aux associations d’utilité publique, véritable poumon financier du secteur caritatif.
Cette préoccupation s’inscrit dans un contexte plus large de questionnement sur les priorités nationales. « Les gouvernements passent, tombent les uns après les autres… Et les besoins persistent. À quel moment on va se dire que lutter contre la pauvreté devient une priorité nationale ? », interroge avec amertume Patrice Douret, dont le mandat s’achève en octobre.
Une stratégie gouvernementale jugée illisible
La critique dépasse les seules associations. Début septembre, la Cour des comptes a elle-même épinglé le manque de lisibilité de la stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté. Ce constat officiel renforce les inquiétudes du secteur associatif, qui assure pourtant 35% de l’aide alimentaire nationale.
L’année 2023 avait déjà marqué un tournant dramatique. Face à l’afflux de demandes lié à l’inflation, les Restos du Cœur avaient lancé un appel exceptionnel aux dons et, pour la première fois de leur histoire, avaient dû refuser des demandeurs. Une situation d’autant plus préoccupante que, comme le rappelle Patrice Douret, « l’inflation a certes diminué, mais les prix sont toujours aussi élevés ».
L’héritage de Coluche à l’épreuve du temps
Quarante ans après sa création, l’association née de la générosité de Coluche se trouve ainsi à un carrefour critique. Entre besoins croissants et ressources menacées, l’avenir de cette institution de la solidarité française dépend largement de la capacité des pouvoirs publics à stabiliser le contexte politique et à faire de la lutte contre la pauvreté une véritable priorité nationale, au-delà des alternances gouvernementales.
Avec AFP