ANALYSE : Les quatre principales préoccupations des investisseurs étrangers concernant l’économie chinoise

Par Indrajit Basu
11 septembre 2023 11:49 Mis à jour: 11 septembre 2023 11:49

Une grande partie des investisseurs étrangers s’inquiètent et s’interrogent sur l’impact que le ralentissement de la croissance économique en Chine, sa crise immobilière et d’autres problèmes économiques pourraient entraîner sur leurs activités et leurs intérêts.

La Chine, deuxième économie mondiale et principal moteur de la croissance mondiale, est confrontée à d’énormes défis économiques, ce qui suscite des craintes quant à sa stabilité et à son avenir. Bien que Pékin affirme que l’économie est revenue à ce qu’elle était avant la pandémie, l’aggravation de la crise immobilière, les vents contraires extérieurs comme les tensions commerciales avec les États-Unis, l’endettement massif et les pressions inflationnistes internationales ont réduit la compétitivité des exportations chinoises et menacent d’entraîner l’économie dans un marasme à long terme.

Une relance économique post-pandémie au point mort

Pourquoi la relance de l’économie chinoise qui a suivi la pandémie s’est-elle arrêtée ? S’agit-il d’un phénomène cyclique ou structurel ?

Selon une note d’UBS Securities Asia à diffusion restreinte obtenue par Epoch Times, l’économie chinoise devrait se redresser cette année après près de trois ans de politique zéro Covid, avec une reprise de la consommation consécutive à la normalisation de l’économie et à la libération de l’épargne des ménages.

Après une chute brutale l’année dernière, les experts pensaient que l’activité immobilière se stabiliserait et que la faible croissance des dépenses budgétaires de Pékin compenserait la baisse des exportations.

Mais UBS a noté que les mises en chantier et les ventes de logements ont chuté de manière spectaculaire au cours du deuxième trimestre (T2) et du troisième trimestre (T3) de l’année 2023, ce qui a mis fin au bref rebond de l’immobilier. L’absence d’assouplissement de la politique d’aide aux acheteurs de logements et aux promoteurs, ainsi que la détérioration des perspectives du marché, ont également provoqué une nouvelle baisse de l’activité immobilière.

La baisse de la demande internationale a nui aux exportations au cours du deuxième trimestre, et la baisse des ventes de terres et des recettes fiscales plus faibles que prévu ont diminué les dépenses fiscales générales, ce qui a entraîné une réduction des dépenses fiscales de 1% du PIB au cours du premier trimestre (T1) de cette année.

La confiance des consommateurs étant faible, les familles ne dépensent pas leur argent.

Ainsi, certains économistes et analystes estiment que les problèmes économiques rencontrés par la Chine sont d’ordre structurel et sont dus à la diminution de la population, au durcissement des restrictions qui entament la confiance du secteur privé et aux pressions exercées par l’étranger en faveur d’un découplage.

Tao Wang estime que les problèmes économiques sont cycliques.

« Toutefois, malgré les défis démographiques sur le long terme, la faiblesse actuelle du marché du travail en Chine et le taux de chômage élevé chez les jeunes laissent présager des problèmes cycliques et une croissance économique inférieure à son potentiel, » a noté Tao Wang, économiste chez UBS.

Elle a ajouté que le durcissement des politiques, la pandémie et les confinements ont entraîné les plus importantes baisses de l’immobilier de l’histoire, reflétant l’évolution des fondamentaux à long terme, notamment la démographie.

La confiance des entreprises est faible en raison du durcissement de la réglementation, des inquiétudes persistantes quant à l’avenir du secteur privé, des pressions exercées pour déplacer les chaînes d’approvisionnement hors de Chine et de la baisse des commandes et des bénéfices imputable à la faiblesse de la demande intérieure et internationale, en partie due à la saturation de la demande de produits technologiques chinois.

« Nous pensons que les facteurs cycliques sont également responsables du ralentissement économique, » a-t-elle écrit.

Absence de mesures de stimulation

Pourquoi Pékin n’a-t-il pas encore renforcé ses mesures de relance ?

Les investisseurs étrangers se demandent pourquoi les mesures politiques ont été moins vigoureuses depuis la réunion du Politburo tenue en juillet et si Pékin se préoccupe toujours du développement économique.

Selon UBS, la croissance reste un objectif du gouvernement, mais n’est pas le seul ni le plus important.

« L’une des raisons expliquant la lenteur des mesures politiques pourrait tenir à une compréhension tardive de la faiblesse de la reprise en Chine : Le redressement a été inégal, avec des secteurs forts [notamment les voyages intérieurs et, au premier trimestre, l’immobilier] coexistant avec des secteurs faibles, » a écrit Mme Wang.

Les problèmes économiques sont complexes et la marge de manœuvre budgétaire est limitée, de sorte qu’il n’y a pas de mesures de relance simples pour stimuler l’économie.

« Le secteur de l’immobilier a certainement besoin d’être soutenu et les promoteurs ont cruellement manqué de crédits supplémentaires, mais le gouvernement ne sait pas s’il doit et s’il peut relancer le marché de l’immobilier compte tenu de la baisse démographique, du ralentissement de l’urbanisation, du taux élevé d’accession à la propriété et de l’importance de l’effet de levier, » a-t-elle écrit.

Toutefois, selon Adam Upton, gestionnaire de portefeuille pour les actions asiatiques chez AOP Capital, dont le siège est à Hong Kong, un programme de relance à grande échelle centré sur le secteur immobilier pourrait être efficace pour redynamiser l’activité à court terme, mais il ne fera « rien pour rééquilibrer la croissance économique en la faisant dévier de l’investissement en actifs fixes et causera des problèmes plus importants » à l’avenir.

« Alors qu’il existe de nombreuses formes de stimulation qui pourraient donner un coup de pouce immédiat, le gouvernement chinois a jusqu’à présent démontré qu’il était prêt à vivre avec une croissance plus faible afin de rééquilibrer l’économie, » a indiqué M. Upton à Epoch Times.

« Les ajustements structurels tels que le Hukou et la réforme fiscale, bien que moins intéressants pour les marchés à court terme, jouent un rôle plus important pour la viabilité à long terme, » a-t-il ajouté. Le « Hukou » est à la fois un passeport intérieur et un permis de résidence permettant à l’État-parti de contrôler les flux et les migrations internes de la population.

Un ouvrier soude des pièces de matériaux de construction dans une usine à Nantong, dans la province de Jiangsu, en Chine, le 16 mai 2023. (STR/AFP via Getty Images)

Crise de l’immobilier

Quelle est la trajectoire la plus probable pour le ralentissement du secteur de l’immobilier ? Quel rôle joue Pékin ?

« Les deux comparaisons les plus souvent citées lorsqu’il s’agit d’examiner les problèmes du secteur immobilier chinois sont le Japon en 1990 ou Hong Kong en 1997, » a indiqué M. Upton.

Selon lui, bien que chaque situation soit différente en termes de revenus, d’accessibilité et de niveaux de stocks, le marché immobilier japonais, du pic jusqu’au point le plus bas, a duré environ 14 ans, tandis que celui de Hong Kong s’est étalé sur environ six ans.

« Si l’on se réfère à ces expériences, il [le ralentissement de l’immobilier] pourrait se prolonger encore au moins quatre à cinq ans avant que le marché n’atteigne son niveau le plus bas, » a souligné M. Upton. « Quand les choses vont commencer à se calmer, les analystes pensent que les niveaux d’activité dans le secteur seront de 20 à 30% inférieurs au maximum atteint. »

Selon lui, les conséquences sur la croissance du PIB sont importantes, puisqu’il faut trouver autre chose [comme les exportations nettes, la consommation ou les dépenses publiques] pour combler l’espace disponible.

Selon UBS, Pékin peut toutefois soutenir à la fois l’offre et la demande sur le marché de l’immobilier pour aider à stabiliser le secteur. Du côté de l’offre, les autorités centrales pourraient accroître leur soutien au crédit des promoteurs, notamment en accordant davantage de prêts bancaires aux projets immobiliers bloqués pour assurer la livraison et le financement provisoire nécessaire afin d’éviter les défauts de paiement à grande échelle.

Du côté de la demande, Pékin pourrait supprimer les restrictions qui subsistent en matière d’achat de logements et abaisser les exigences en matière de versement initial pour les prêts hypothécaires de second rang à 30% (au lieu de 40 à 50%) dans les grandes villes.

Le 31 août, les autorités chinoises, notamment le ministère du Logement et la Banque populaire de Chine, ont proposé des mesures de réforme, comme la suppression des restrictions à l’achat de logements dans les quartiers périphériques des grandes villes telles que Pékin, Shanghai et Shenzhen. Ces restrictions, qui limitent les achats de biens immobiliers par les non-résidents non qualifiés et le nombre de biens qu’ils peuvent acheter, sont en vigueur dans de nombreuses villes depuis 2010. Beaucoup de petites villes ont assoupli ces restrictions ces dernières années pour stimuler la demande, mais les grandes villes, qui sont traditionnellement des cibles pour la spéculation, sont restées prudentes.

Selon Mme Wang, l’augmentation des investissements dans la « rénovation des villages urbains » et dans la construction de logements publics pourrait également contribuer à stimuler la demande.

Crise de la dette

Quelle est la gravité de la crise de la dette des municipalités chinoises ? Y aura-t-il un défaut de paiement majeur ? Comment les problèmes d’endettement local peuvent-ils être résolus ?

La note d’UBS indique que la dette explicite des gouvernements locaux chinois, qui comprend les obligations ordinaires et spéciales des gouvernements locaux, s’élevait à 35.000 milliards de yuans (environ 4470 milliards d’euros), soit 29% du PIB, à la fin de l’année 2022.

La dette des véhicules de financement des collectivités locales (LGFV), quant à elle, était estimée à environ 59.000 milliards de yuans en 2022. Même si toutes les dettes des LGFV ne doivent pas être considérées comme des dettes implicites des gouvernements locaux, car certaines LGFV sont censées être exploitées commercialement, diverses définitions permettraient de chiffrer la dette explicite et implicite totale des collectivités locales à 96.000 milliards de yuans (12.259 milliards d’euros) en 2022, soit 79% du PIB.

« Toutefois, malgré les graves difficultés de paiement de la dette, il est peu probable que la Chine soit confrontée à des défauts de paiement à grande échelle en ce qui concerne les LGFV à l’avenir, » a écrit Mme Wang.

Les collectivités locales seront pressées de vendre ou d’utiliser au mieux leurs actifs pour assurer le service de la dette implicite et la réduire au minimum.

« Les gouvernements locaux possèdent beaucoup d’actifs, dont des entreprises d’État totalisant 206.000 milliards de yuans (26.306 milliards d’euros) en 2021, et théoriquement, les gouvernements locaux peuvent transférer certains de ces actifs au LGFV, les vendre ou les hypothéquer pour obtenir des liquidités, » a écrit Mme Wang.

Toutefois, puisqu’il n’est pas toujours facile de se départir des actifs de l’État, car ils peuvent être difficiles à évaluer et impossibles à vendre (par exemple, les infrastructures), ce processus ne sera probablement que progressif, a-t-elle ajouté.

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