Affaire Bolsonaro : les chefs d’accusation détaillés par la justice brésilienne

L'ancien président brésilien fait l'objet d'accusations criminelles pour avoir dirigé une organisation conspirant contre le processus démocratique. Le parquet l'accuse d'avoir orchestré un plan visant à empêcher la prise de fonction de Luiz Inacio Lula da Silva après sa défaite électorale de 2022.
Photo: : EVARISTO SA/AFP via Getty Images
L’ancien président brésilien Jair Bolsonaro fait l’objet d’accusations criminelles pour avoir dirigé une organisation conspirant contre le processus démocratique. Le parquet l’accuse d’avoir orchestré un plan visant à empêcher la prise de fonction de Luiz Inacio Lula da Silva après sa défaite électorale de 2022.
Les fondements de l’accusation
Le ministère public brésilien accuse formellement Jair Bolsonaro, 70 ans, d’avoir dirigé une organisation criminelle dans le but de se maintenir au pouvoir malgré sa défaite électorale face à Luiz Inacio Lula da Silva en octobre 2022. Cette accusation majeure expose l’ancien chef d’État à une peine d’emprisonnement pouvant atteindre 40 années.
Les charges retenues englobent plusieurs délits graves : désinformation systématique, organisation de réunions conspiratoires avec des militaires de haut rang, et participation présumée à l’élaboration d’un plan d’assassinat visant des personnalités politiques et judiciaires clés. Le procès entre mardi dans sa phase décisive avec le début des délibérations des magistrats de la Cour suprême.
L’ancien président, nostalgique assumé de la dictature militaire qui a gouverné le Brésil de 1964 à 1985, clame son innocence face à ces accusations qu’il qualifie de persécution politique. Cependant, les éléments rassemblés par l’enquête judiciaire dessinent le portrait d’une tentative orchestrée de subversion démocratique.
Une campagne de désinformation préméditée
Selon l’acte d’accusation, les premiers signes du plan putschiste remontent à 2021, soit plus d’un an avant l’élection présidentielle. Le parquet documente une campagne de désinformation délibérée visant à « disséminer des soupçons de fraude » concernant le processus électoral, dans l’objectif de « légitimer une intervention militaire » ultérieure.
Cette stratégie s’est concrétisée par plusieurs actions publiques de Bolsonaro. En juillet 2022, lors d’une réunion documentée, l’ancien président aurait déclaré que « tout est en place pour que Lula gagne dès le premier tour, en fraudant ». Ces propos, enregistrés et versés au dossier, illustrent selon l’accusation la volonté délibérée de remettre en cause l’intégrité du scrutin avant même son déroulement.
L’offensive contre la crédibilité électorale s’est poursuivie par une présentation controversée devant un parterre d’ambassadeurs étrangers, au cours de laquelle Bolsonaro a tenté de discréditer le système d’urnes électroniques brésilien. Le parquet interprète cette démarche comme une tentative de « préparer la communauté internationale au non-respect du résultat des élections ». Ces déclarations publiques ont d’ailleurs valu à Bolsonaro d’être déclaré inéligible jusqu’en 2030 par la justice électorale en 2023.
Réunions conspiratoires au palais présidentiel
Après sa défaite au second tour fin octobre 2022, Bolsonaro a continué d’exercer ses fonctions présidentielles jusqu’à l’investiture de Lula le 1er janvier 2023. Cette période de transition a été marquée, selon l’accusation, par plusieurs réunions tenues dans sa résidence officielle du palais de l’Alvorada, destinées à évaluer les moyens de se maintenir au pouvoir.
Ces rencontres auraient abouti à l’élaboration d’un décret prévoyant l’instauration d’un « état de siège » et la convocation de nouvelles élections. Mauro Cid, ancien aide de camp de Bolsonaro qui a conclu un accord de collaboration avec la justice, a témoigné que l’ex-président avait « reçu, lu » puis « retouché » personnellement ce document avant de le présenter aux membres du haut commandement militaire.
Cependant, cette tentative de coup d’État institutionnel s’est heurtée au refus catégorique des plus hauts responsables militaires. Carlos de Almeida Baptista, commandant de l’Armée de l’air à l’époque, a déclaré devant la Cour suprême : « Je lui ai dit que, quoi qu’il arrive, il ne serait pas président le 1er janvier. » Cette opposition du commandement militaire a constitué l’obstacle principal à la concrétisation du plan présumé.
Le plan « Poignard vert et jaune »
L’accusation révèle l’existence d’un projet d’assassinat baptisé « Poignard vert et jaune », référence aux couleurs du drapeau brésilien. Ce plan visait trois cibles principales : Lula da Silva, son vice-président élu Geraldo Alckmin, et le juge Alexandre de Moraes, magistrat de la Cour suprême en charge du dossier Bolsonaro.
Le général Mario Fernandes, alors en service à la présidence, a reconnu avoir personnellement rédigé et imprimé ce document détaillant les modalités opérationnelles du plan. Devant les enquêteurs, il a tenté de minimiser sa portée en affirmant qu’il ne s’agissait que de « réflexions » personnelles non communiquées à sa hiérarchie.
Toutefois, le parquet conteste cette version, accusant Fernandes d’avoir apporté le document au palais de l’Alvorada pour des « tractations » directes avec Bolsonaro. L’exécution était programmée pour le 15 décembre 2022, mais aurait finalement été abandonnée face aux obstacles rencontrés.
L’exil stratégique et les émeutes du 8 janvier
Deux jours avant l’investiture de Lula, Bolsonaro a quitté le territoire brésilien pour les États-Unis, évitant ainsi d’assister à la passation de pouvoir. Cette absence, interprétée comme un déni de légitimité du nouveau président, s’inscrit dans la continuité du refus de reconnaître officiellement sa défaite électorale.
Le 8 janvier 2023, soit une semaine après l’investiture de Lula, des milliers de partisans de Bolsonaro ont envahi les sièges des trois pouvoirs à Brasilia : le Congrès, la Cour suprême et le palais présidentiel. Ces manifestants réclamaient une « intervention militaire » pour destituer le nouveau gouvernement. L’émeute a été réprimée dans la journée, mais elle a marqué un point culminant dans la crise institutionnelle.
Selon l’interprétation du parquet, ces émeutes représentaient « l’ultime espoir » des présumés putschistes de renverser l’ordre constitutionnel. L’absence de Bolsonaro du territoire national au moment des événements alimente les soupçons sur sa connaissance préalable des intentions de ses soutiens les plus radicaux.
Enjeux judiciaires et politiques
Ce procès revêt une importance capitale pour l’avenir politique du Brésil et de son ancienne figure de proue de l’extrême droite. Au-delà des sanctions pénales encourues, l’issue de cette procédure déterminera définitivement les possibilités de retour politique de Bolsonaro, déjà frappé d’inéligibilité jusqu’en 2030.
Les délibérations qui s’ouvrent mardi à la Cour suprême s’annoncent comme un moment décisif pour la consolidation démocratique brésilienne. Elles interviennent dans un contexte où les institutions judiciaires cherchent à démontrer leur capacité à faire respecter l’État de droit face aux tentatives de subversion, quelle que soit la stature politique des accusés.

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