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Condamné pour monopole, Google échappe à l’obligation de vendre Chrome mais doit partager ses données

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Un juge fédéral américain a rejeté mardi la demande du gouvernement d'obliger Google à céder son navigateur Chrome, tout en imposant au géant technologique des mesures strictes de partage de données pour restaurer la concurrence dans le secteur de la recherche en ligne.

Photo: : Brandon Bell/Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Un juge fédéral américain a rejeté mardi la demande du gouvernement d’obliger Google à céder son navigateur Chrome, tout en imposant au géant technologique des mesures strictes de partage de données pour restaurer la concurrence dans le secteur de la recherche en ligne.

Une victoire nuancée pour le géant de Mountain View

La décision rendue par le tribunal de Washington constitue un compromis dans l’une des affaires antitrust les plus importantes de ces vingt dernières années. Google évite le démantèlement partiel de ses activités réclamé par le ministère américain de la Justice, mais se voit contraint d’ouvrir l’accès à ses précieuses données de recherche à ses concurrents.

Cette issue judiciaire intervient plusieurs mois après la condamnation historique de Google en août 2024. La justice avait alors reconnu l’entreprise coupable d’avoir maintenu illégalement son monopole dans la recherche en ligne grâce à des accords de distribution exclusive représentant plusieurs milliards de dollars annuels, conclus notamment avec Apple et Samsung pour installer son moteur de recherche par défaut sur leurs appareils.

Lee-Anne Mulholland, vice-présidente des affaires réglementaires de Google, s’est félicitée de cette décision qui « reconnaît à quel point le secteur a changé avec l’avènement de l’intelligence artificielle, qui offre aux gens beaucoup plus de moyens de trouver de l’information ». L’entreprise invoque désormais une « compétition intense » dans un environnement technologique transformé par l’IA générative.

Des obligations de partage étendues

Malgré cette victoire relative, Google devra se conformer à des exigences strictes en matière de partage d’informations. Le tribunal impose à l’entreprise de mettre à disposition de « concurrents qualifiés » certaines données d’indexation de recherche ainsi que des informations détaillées sur les interactions des utilisateurs. Cette mesure vise à permettre aux rivaux d’améliorer significativement leurs services de recherche.

L’entreprise sera également tenue de distribuer des résultats de recherche à ses concurrents, une obligation qui pourra s’étendre jusqu’à cinq années dans certains cas spécifiques. Ces mesures correctives prendront effet soixante jours après le prononcé du jugement définitif, attendu après une phase de concertation entre les parties programmée jusqu’au 10 septembre.

Un comité technique spécialisé supervisera la mise en œuvre de ces dispositions, garantissant le respect des nouvelles obligations par Google et évaluant leur efficacité sur la restauration de la concurrence.

Chrome sauvé, accords maintenus

Le juge a explicitement rejeté la demande gouvernementale d’obligation de vente de Chrome, estimant qu’une telle mesure « serait extrêmement compliquée et très risquée ». Cette position marque une limite claire aux pouvoirs du ministère de la Justice, que le magistrat accuse d’avoir « outrepassé ses droits » en formulant cette exigence.

De même, le tribunal a refusé d’interdire les accords financiers entre Google et les fabricants de smartphones, invoquant des risques importants de répercussions négatives « pour les partenaires de distribution, les marchés connexes et les consommateurs ». Cette décision préserve un pan essentiel du modèle économique de Google, qui investit massivement pour maintenir sa position dominante sur les appareils mobiles.

Réaction des marchés et perspectives

Les investisseurs ont accueilli favorablement cette décision nuancée. Le cours d’Alphabet, société mère de Google, a bondi de plus de 7% dans les échanges électroniques suivant la fermeture de Wall Street mardi. Apple, partenaire privilégié de Google dans les accords de distribution, a également progressé de plus de 3%, reflétant le soulagement des marchés face à l’absence de bouleversements structurels majeurs.

Carl Tobias, professeur de droit à l’université de Richmond, analyse cette issue comme « un peu une victoire pour Google, au moins à court terme, mais peut-être une victoire à la Pyrrhus qui va les contraindre à réorienter leur stratégie ». Cette lecture souligne les défis d’adaptation que devra relever l’entreprise pour se conformer aux nouvelles obligations.

Une attention particulière à l’intelligence artificielle

La décision judiciaire intègre spécifiquement les enjeux émergents de l’intelligence artificielle générative. Le tribunal étend les restrictions pour empêcher Google d’utiliser des accords exclusifs dans le but de dominer ce secteur en pleine expansion, anticipant les évolutions technologiques qui redéfinissent le paysage de la recherche d’information.

Cette approche préventive témoigne de la volonté des autorités de ne pas reproduire les erreurs du passé, en permettant l’émergence de nouvelles positions monopolistiques dans des domaines technologiques innovants comme les chatbots conversationnels.

Un front judiciaire multiple

Google reste confronté à d’autres défis judiciaires majeurs. Une cour fédérale de Virginie doit prochainement rendre sa décision finale concernant les activités publicitaires du groupe, après avoir statué il y a quelques mois sur l’existence d’un monopole illégal dans ce secteur.

Ces procédures s’inscrivent dans une offensive antitrust d’ampleur menée par les autorités américaines contre les géants technologiques. Les États-Unis poursuivent actuellement cinq affaires majeures visant les grandes entreprises du secteur : outre les deux dossiers Google, des procédures visent Meta, Apple et Amazon.

Cette stratégie judiciaire bénéficie d’un rare consensus bipartisan, l’administration Biden ayant maintenu et élargi les initiatives entamées sous la première présidence Trump. L’affaire Meta avait été lancée en 2020, tandis que les dossiers Apple et Amazon ainsi que le second volet Google ont été initiés sous l’administration démocrate actuelle.

L’issue de ces multiples procédures déterminera l’avenir du paysage technologique américain et l’équilibre entre innovation et concurrence dans l’économie numérique.