Crise frontalière aux États-Unis : 100.000 migrants illégaux en 60 jours

Des groupes de trafiquants exploitent les failles de la législation américaine sur l'immigration alors que le Congrès ne s'en alerte pas

15 décembre 2018 22:46 Mis à jour: 19 mars 2021 06:12

WASHINGTON – Comme c’est le cas depuis des années, une caravane d’immigrants illégaux traverse la frontière tous les jours. Mais les chiffres sont actuellement en forte tendance à la hausse.

La récente caravane d’environ 8 000 migrants, pour la plupart originaires du Honduras, a suscité une frénésie médiatique pendant quelques semaines – une anomalie due à sa taille et à sa propension à la violence -, mais si la couverture médiatique a diminué, ce n’est pas le cas des passages illégaux sur le territoire des États-Unis.

Rien qu’au cours des deux derniers mois, plus de 100 000 personnes ont été appréhendées pour passage illégal aux États-Unis. C’est le chiffre le plus élevé d’octobre et de novembre pour quatre des cinq dernières années (la fin de 2016 a battu des records avant l’entrée en fonction du président Donald Trump).

Au cours de l’exercice 2017, près de 400 000 personnes ont été appréhendées le long de la frontière sud-ouest après avoir franchi illégalement la frontière, soit en moyenne près de 1 100 par jour. En outre, 124 500 personnes se sont présentées au passage de la frontière sans documents.

border security
Un agent de la police des frontières recueille des informations sur un homme et son fils qui ont traversé illégalement le Rio Grande du Mexique aux États-Unis, dans le comté de Hidalgo, au Texas, le 26 mai 2017. (Benjamin Chasteen/The Epoch Times)

L’augmentation du nombre de familles en Amérique centrale est à l’origine de cette recrudescence de migration.

Selon Kevin McAleenan, commissaire des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (CBP), un simple coup d’oeil au rapport des passages frontaliers du 3 décembre met en évidence cette tendance.

« Lundi dernier était le jour où il y a eu le plus grand nombre d’arrivées à notre frontière sud-ouest depuis des années – 3 029 entrées illégales et personnes non admissibles. Quatre-vingt-cinq pour cent d’entre elles ont traversé illégalement », a déclaré M. McAleenan lors d’une audience de contrôle du Sénat le 11 décembre.

Il a indiqué que ces chiffres comprenaient 1 731 membres de groupes familiaux et 350 enfants non accompagnés.

« Nous allons plus que doubler le nombre record d’unités familiales de l’an dernier à ce rythme », a-t-il dit. Une unité familiale se compose d’au moins un enfant et un adulte.

Il y a moins d’une décennie, la plupart des personnes qui franchissaient illégalement la frontière étaient des hommes célibataires du Mexique.

Aujourd’hui, ce sont les unités familiales et les mineurs non accompagnés qui demandent l’asile, ce qui présente un tout autre ensemble de défis. Jusqu’en 2012, ces groupes représentaient moins de 10 % des passages illégaux aux frontières. Le mois dernier, ils représentaient 59 %, selon M. McAleenan.

migrant caravan
Le 25 novembre 2018, des migrants percent la clôture de la frontière américaine juste après l’entrée piétonne est du point de passage de San Ysidro à Tijuana, au Mexique. (Charlotte Cuthbertson/The Epoch Times)

Avant 2013, moins de 1 % des immigrants illégaux demandaient l’asile. Maintenant, c’est plus de 1/10, dit-il.

« Ces augmentations et les changements démographiques aux points de passage sont des réponses directes aux vulnérabilités de notre cadre juridique, qui sont devenues bien connues des passeurs et des migrants », a-t-il déclaré.

Alors que 89 % des demandeurs d’asile d’Amérique centrale passent un contrôle préliminaire à la frontière, seulement 9 % se voient ensuite accorder l’asile par un juge de l’immigration, selon le ministère de la Justice des États-Unis (MJ).

Parmi ceux qui réussissent leur évaluation initiale, 40 % ne déposent pas de demande d’asile officielle et 31 % ne se présentent pas à l’audience du tribunal de l’Immigration, selon le MJ. De ce nombre, la plupart continuent d’errer à l’intérieur du pays.

« En effet, seulement 1,5 % des unités familiales d’Amérique centrale appréhendées[au cours de l’exercice 2017] ont été renvoyées dans leur pays d’origine. [Un nombre faible] compte tenu du fait que la plupart des familles (non renvoyées) n’auront pas la possibilité de rester aux États-Unis lorsque leurs procédures judiciaires prendront fin », a dit M. McAleenan.

« Cette perception – que notre système leur permettra de rester aux États-Unis indéfiniment – est de toute évidence un facteur d’attraction pour ceux qui font le voyage vers notre frontière. Ajoutons à ces facteurs d’incitation, des conditions difficiles dans de nombreuses régions d’Amérique centrale. »

Il n’y a pas de frais pour déposer une demande d’asile, et une fois qu’une demande est en suspens depuis 6 mois, le demandeur reçoit systématiquement une autorisation de travail, quel que soit le mérite de sa demande.

Plus de 800 000 demandeurs d’asile se trouvent déjà aux États-Unis dans l’attente du jugement de leur demande. Le système judiciaire de l’immigration est tellement enlisé qu’il faudra au moins sept ans pour régler les revendications existantes, sans en ajouter de nouvelles.

Kevin McAleenan
Kevin McAleenan, commissaire aux douanes et à la protection des frontières, témoigne devant le Comité judiciaire du Sénat à Washington le 11 décembre 2018. (Donna Burton/CBP)

Cartels et organisations de contrebande

Les organisations de passeurs et les cartels mexicains entretiennent une relation symbiotique, selon Janice Ayala, directrice de la Joint Task Force for Investigations (JTF-I) du Département de la Sécurité intérieure.

« Certains membres de ces entreprises criminelles alimentent les principaux marchés de la drogue aux États-Unis et à l’étranger, et d’autres contrôlent le flux de contrebande à travers certaines zones géographiques de la frontière au nom de leur cartel », a déclaré Mme Ayala lors d’une audience au Sénat le 12 décembre.

« La plupart des passeurs d’immigrants clandestins sont tenus de payer des frais aux cartels pour avoir accès à des itinéraires de contrebande à travers des zones géographiques spécifiques et sont exposés à la violence physique et/ou à la mort si une coordination et une indemnisation appropriées ne sont pas assurées. »

Souvent, les migrants d’Amérique centrale paient jusqu’à 7 000 $ (6 190 €) à un passeur pour traverser la frontière américaine et reçoivent des conseils sur la façon de passer le contrôle préliminaire et le processus d’évaluation de la vraisemblance de crainte. Habituellement, une fois la frontière franchie, les unités familiales et les mineurs non accompagnés demandent l’asile à la patrouille frontalière.

Toutefois, cela lie les agents sur le terrain au traitement et au transport des demandeurs d’asile, et les cartels en profitent pour faire entrer aux États-Unis des marchandises de contrebande de grande valeur.

« Les contrebandiers choisissent stratégiquement le moment et l’emplacement de ces points de passage afin de perturber nos efforts de sécurité à la frontière, de créer une diversion pour la contrebande de stupéfiants et de permettre aux adultes célibataires, qui cherchent à échapper à la capture, de s’introduire en douce », a dit M. McAleenan.

border security
Des demandeurs d’asile se présentent à un agent de la patrouille frontalière après avoir quitté le Mexique pour les États-Unis à Mission, au Texas, le 7 novembre 2018. (John Moore/Getty Images)

En novembre, le président Trump a tenté de mettre fin temporairement à cette exploitation en déclarant inéligibles au droit d’asile les personnes qui passent illégalement la frontière. En faisant passer les demandeurs d’asile par les points d’entrée, un plus grand nombre d’agents de la patrouille frontalière restent sur le terrain. Le président a publié la proclamation d’urgence le 9 novembre, mais elle a été bloquée par un juge californien le 20 novembre.

M. McAleenan a estimé que le trafic de personnes représente 2,5 milliards $ (2,21 milliards €) par année au Mexique.

« Je pense que les cartels font d’énormes profits sur le dos des personnes très vulnérables en ce moment », a-t-il dit. « Pire encore, ces contrebandiers se livrent à d’horribles actes de violence, agressions sexuelles et extorsions contre certaines des personnes les plus vulnérables de notre hémisphère. »

Les contrebandiers annoncent les meilleurs moyens d’exploiter la loi américaine sur l’immigration et « traverser avec un enfant est presque la garantie d’une décharge rapide », a dit M. McAleenan.

Plus tôt cette année, un homme qui est entré aux États-Unis avec une fille qu’il prétendait être sa fille a été arrêté et accusé de multiples crimes pour viol, copulation orale, pénétration sexuelle forcée, mise en danger et blessure à un enfant.

« L’année dernière, nous avons identifié plus de 600 familles qui ont fait des déclarations frauduleuses, où les adultes et l’enfant n’étaient pas apparentés », a dit M. McAleenan.

Les contrebandiers mettent en couple des adultes et des enfants non apparentés parce que, ensemble, ils ne peuvent être détenus plus de 20 jours en raison de l’accord de règlement de la période de l’administration Clinton de 1997, qui a été resserré encore plus pendant celle d’Obama.

Initialement, en 2014, lors de la première poussée d’unités familiales, Jeh Johnson, alors ministre de la Sécurité intérieure, a été en mesure de détenir les familles sans séparer de membres et de commencer à les faire sortir du pays, ce qui a eu un effet dissuasif énorme et a fait chuter le nombre d’entrées illégales, a dit M. McAleenan.

Mais, en 2015, un tribunal du district de Californie a modifié l’arrêt Flores en fixant un maximum de 20 jours de détention pour tous les enfants.

Il est impossible de statuer sur une demande d’asile en moins de 20 jours, ce qui signifie que les demandeurs d’asile sont libérés aux États-Unis, avec une date de comparution souvent plusieurs années plus tard.

« Par conséquent, nous avons vu le nombre de membres d’unités familiales grimper en flèche, et ce, malgré l’investiture du président Trump en janvier 2017 », a déclaré M. McAleenan.

Les États-Unis sont également incapables de renvoyer au Mexique des enfants d’Amérique centrale (ou d’autres pays non contigus) en vertu de l’acte de rétablissement de la protection des victimes de William Wilberforce de 2008 (« William Wilberforce Trafficking Victims Protection Reauthorization Act » (TVPRA)). Quatre-vingt-quinze pour cent des mineurs non accompagnés sont originaires du Salvador, du Honduras ou du Guatemala.

« Ces lacunes de nos lois représentent maintenant les facteurs d’incidence les plus importants sur la sécurité frontalière », a dit M. McAleenan. « Il s’agit de manifestement d’une crise à la fois humanitaire et de sécurité frontalière. »

L’administration veut que le Congrès modifie la TVPRA afin que les mineurs qui ne sont pas de véritables victimes de la traite puissent être renvoyés dans leur pays d’origine ou dans des pays tiers sûrs. M. Trump veut aussi que le Congrès mette fin à l’arrêt Flores et en intègre les normes de soins TVPRA.

border security
Le président Donald Trump discute de la sécurité frontalière avec Chuck Schumer (D-N.Y.), leader de la minorité au Sénat, dans le Bureau ovale de Washington, le 11 décembre 2018. (Mark Wilson/Getty Images)

Le mur contre la fermeture du gouvernement

M. McAleenan a déclaré que l’installation de clôtures le long de la frontière est un « outil essentiel » pour accroître la sécurité à la frontière.

« Ça a déjà un impact. Les kilomètres que nous avons construits à El Centro, en Californie, et à El Paso, au Texas, grâce au financement de l’exercice 2017 ont considérablement réduit la circulation dans ces zones, c’est-à-dire de plus de 70 % à El Centro et plus de 35 % dans ces zones d’El Paso », a-t-il déclaré.

Dans un va-et-vient avec la direction démocrate du Congrès le 11 décembre, M. Trump a menacé le gouvernement de fermer ses portes à moins qu’un financement de 5 milliards de dollars (4,42 milliards d’euro) pour la fabrication du mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

« Je suis fier de fermer le gouvernement pour des raisons de sécurité frontalière, Chuck, parce que les gens de ce pays ne veulent pas que des criminels, des gens qui ont beaucoup de problèmes et de la drogue affluent dans notre pays », a déclaré M. Trump au leader de la minorité au Sénat Chuck Schumer (D-N.Y.).

« Il est en construction en ce moment même – de grandes sections de mur, et nous continuerons à le faire. Et d’une façon ou d’une autre, il va être construit. »

M. McAleenan a indiqué que le CBP a un plan prioritaire pour 33 segments du mur, couvrant 1 770 km au total. Le coût varie de 6,79 à 35,57 millions € par km (5 à 25 millions $ US par mille), selon le terrain, et comprend l’acquisition de propriétés, les routes d’accès, les clôtures primaires et secondaires, ainsi que l’éclairage et les détecteurs.

« Nous avons tous ces frais à payer, qui comprennent tous ces différents éléments », a-t-il dit.

Version originale

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.