Droits de douane : le bras de fer continue entre les États-Unis et l’Europe

Par Germain de Lupiac
9 avril 2025 06:33 Mis à jour: 9 avril 2025 14:23

Les Bourses européennes se sont fermées le 8 avril en nette hausse, les indices reprenant pour la première fois des couleurs après trois séances consécutives de chute, une respiration soutenue par des espoirs de négociations entre les États-Unis et l’UE sur les droits de douane.

L’Union européenne a proposé le 7 avril aux États-Unis une exemption de droits de douane totale et réciproque pour les produits industriels, dont les voitures, a indiqué la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Mais l’UE s’est vu opposer une fin de non recevoir quelques heures plus tard.

« Ce n’est pas suffisant », a répondu le président américain. Les États-Unis reprochent à l’Europe de ne pas acheter assez de biens industriels américains, d’avoir trop de réglementations sur les importations et des barrières non tarifaires, qui ne sont pas comptées en tant que taxes douanières.

En attendant une éventuelle baisse des tarifs, l’Europe va taxer une nouvelle liste de produits américains à hauteur de 22 milliards d’euros, une contre-mesure prévue mi-mars, alors que les pays européens parlent d’une même voix pour privilégier les négociations et éviter l’escalade commerciale.

Les Bourses européennes se stabilisent mais attendent plus de clarté

« Les marchés montrent quelques premiers signes de stabilisation après l’incroyable déroute de ces derniers jours », a commenté Jim Reid, économiste de Deutsche Bank.

« Il y a une lueur d’espoir », offerte par les Bourses japonaises, qui ont bondi de plus de 6 % le 8 avril « après l’annonce de l’ouverture de négociations commerciales dans quelques jours » entre le Japon et les États-Unis, note Matt Britzman, analyste chez Hargreaves Lansdown.

Après s’être effondré le 7 avril, à des niveaux plus vus depuis quatre ans en raison de craintes d’un ralentissement de la demande énergétique mondiale, le marché du pétrole a repris lui aussi de la vigueur.

L’UE propose aux États-Unis une exemption totale pour les biens industriels

« Nous avons proposé des droits de douane nuls pour les produits industriels. […] L’Europe est toujours prête à conclure un bon accord », a déclaré Ursula von der Leyen le 7 avril à Bruxelles, assurant que l’UE souhaitait une « solution négociée ». Mais « nous sommes également prêts à répondre par des contre-mesures et à défendre nos intérêts », a prévenu la cheffe de l’exécutif européen.

Les États-Unis ont annoncé le 3 avril des droits de douane de 20 % sur toutes les importations en provenance de l’UE, qui devraient entrer en vigueur le 9 avril. L’acier, l’aluminium et les voitures seront soumis à des droits de douane distincts de 25 %.

Les droits de douane nuls évoqués par Ursula von der Leyen font écho à la proposition le 5 avril du milliardaire américain Elon Musk d’une « zone de libre-échange » entre l’Europe et l’Amérique du Nord. La proposition d’Elon Musk a été saluée par la France lors de la réunion de ministres européens à Luxembourg. « C’est une excellente idée », a réagi le ministre français du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin.

Mi-mars, l’Union européenne avait choisi de montrer les muscles dès l’entrée en vigueur des droits de douane américains de 25 % sur l’acier et l’aluminium. Ces mesures prévoient de toucher 22 milliards d’euros d’exportations européennes. L’UE a listé des biens américains, pour le même montant, qui seront taxés à partir de mi-avril.

Sont visés un inventaire à la Prévert de marques emblématiques comme Harley-Davidson, de denrées agricoles comme le soja, le tabac, la volaille, le maïs, le riz, les saucisses, mais aussi d’appareils ménagers comme les réfrigérateurs ou les tondeuses à gazon, ou encore les bateaux de luxe, les rétroviseurs, le bois, les produits de beauté, etc.

« Ce n’est pas suffisant » répondent les États-Unis

À cette proposition d’exemption de droits de douane totale et réciproque pour les produits industriels, Donald Trump a répondu qu’elle n’était pas suffisante pour lever les taxes douanières américaines.

En réponse à l’annonce de l’UE, Peter Navarro, conseiller commercial de la Maison-Blanche, a déclaré à CNBC que la volonté de l’UE de négocier avec Donald Trump pour abaisser les droits de douane était « un premier petit début », mais que les barrières non tarifaires, telles que les taxes sur la valeur ajoutée (TVA), qui incluent également les réglementations en matière de sécurité alimentaire, étaient « des ordres de grandeur » plus importants que les taux de droits de douane.

« Je dirais à l’UE, lorsque vous ferez ces annonces, d’être très prudente en nous disant que vous allez abaisser vos barrières non tarifaires », a déclaré Peter Navarro. « UE, abandonnez votre TVA de 19 %. L’UE doit respecter les décisions de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) qui nous autorisent à vendre notre porc, notre maïs et notre bœuf dans les pays de l’UE », a-t-il ajouté.

« Ainsi, lorsque vous demandez si nous sommes prêts à négocier, le président écoutera toujours », a poursuivi Peter Navarro. Le président américain a assuré que le déficit commercial entre les États-Unis et l’UE allait « disparaître rapidement » grâce à une augmentation des achats d’énergie américaine par les pays européens. « Il faut qu’ils achètent et qu’ils s’engagent à acheter un montant équivalent (à ce déficit commercial) en énergie », a-t-il déclaré.

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Pour le Royaume-Uni, « le monde tel qu’on le connaissait a disparu » 

« Le monde tel qu’on le connaissait a disparu » avec les nouveaux droits de douanes de Washington, a affirmé le 6 avril le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui a multiplié les contacts avec ses partenaires européens.

« Les anciens postulats ne peuvent plus être considérés comme acquis », a estimé Keir Starmer dans une tribune au journal conservateur The Sunday Telegraph. « Le nouveau monde est moins régi par des règles établies, et davantage par des accords et des alliances », a-t-il insisté.

La situation rend « important pour le Royaume-Uni de renforcer simultanément ses relations commerciales avec d’autres pays », a aussi fait valoir le Premier ministre britannique, qui tente d’assouplir les barrières commerciales avec l’UE quatre ans après l’entrée en vigueur du Brexit.

La veille, le dirigeant britannique s’était entretenu avec le président français Emmanuel Macron. Ils avaient convenu qu’une guerre commerciale n’était « dans l’intérêt de personne ». « La priorité immédiate est de rester calme et de se battre pour le meilleur accord possible », a affirmé Keir Starmer le 6 avril. « Cependant, toutes les options restent sur la table », a-t-il insisté.

Rome veut éviter de céder à la panique

La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a minimisé le 4 avril l’impact possible des nouveaux droits de douanes américains, estimant « possible d’y faire face ».

« Il y a quelques jours, lors d’une audition devant le Parlement européen, la présidente de la BCE, Mme (Christine) Lagarde, a déclaré ‘qu’un droit de douane américain de 25 % sur les importations en provenance d’Europe réduirait la croissance de la zone euro d’environ 0,3 % la première année’ « , a déclaré Giorgia Meloni lors d’un Conseil des ministres.

« Ainsi, des droits de douane de 20 % devraient entraîner une réduction du PIB européen inférieure au 0,3 % estimé jusqu’à présent. Il s’agit certes d’un impact significatif, mais d’un ordre de grandeur auquel il est possible de faire face », a commenté la Première ministre italienne.

Giorgia Meloni a également appelé à ne pas céder à la panique et a estimé « important de ne pas amplifier davantage l’impact réel de la décision américaine ».

Comme les exportations italiennes vers les États-Unis représentent environ 10 % du total, les nouveaux droits de douane « pourraient peut-être réduire cette part d’exportation, mais il est encore trop tôt pour quantifier l’effet et comprendre dans quelle mesure nos produits seront réellement pénalisés », a-t-elle dit, selon la même source.

« L’objectif est d’avoir une idée aussi claire que possible, le plus rapidement possible […] de l’impact et des secteurs les plus touchés dans les différents scénarios », a souligné Giorgia Meloni, appelant à une approche unitaire européenne dans les négociations avec Washington.

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