On assiste à des concerts de musique classique et on écoute les grands compositeurs. On se presse dans les musées d’art et on admire les murs ornés de tableaux de grands maîtres. Mais on assiste rarement à des représentations régulières de poésie classique (les pièces de William Shakespeare faisant exception à la règle).
Bien sûr, on assiste à des concerts de slam dans les cafés. Mais ces poèmes parlés ne sont guère plus que de la prose courante récitée avec une cadence accentuée, et les interprètes parlent surtout d’eux-mêmes. Comparés aux meilleurs poèmes du passé, ils ne tiennent pas la route et ont peu de chances de perdurer.
Le poète Shane Romero, originaire de Denver (Colorado), se produit en demi-finale du National Poetry Slam 2011 au Middle East Upstairs de Cambridge (Massachusetts), le 17 août 2013. (Marshall Goff/NPS)
De nos jours, si tant est qu’on lise les grands poètes, ils sont généralement dévorés en silence par quelqu’un assis seul dans une pièce. La poésie classique n’a tout simplement pas la même vie publique que la musique classique et les arts visuels.
La Society of Classical Poets (Societé des poètes classiques) espère changer cela.
La Society of Classical Poets
La Society of Classical Poets organisera bientôt un symposium en présentiel pour lire et discuter de grands poèmes. Le poète classique Russel Winick animera l’événement à sa résidence de Naperville, dans l’Illinois, les 5 et 6 septembre. L’événement proposera des lectures de poésie, ainsi que des présentations sur l’histoire de la poésie classique et les visions des membres quant à la croissance future de la Société.
Cofondée en 2012 par les journalistes d’Epoch Times, Evan Mantyk et Joshua Philipp, la Society of Classical Poets (SPC) se consacre à la « préservation des traditions artistiques de l’humanité » et à la restauration de la place importante qu’occupait autrefois la poésie dans la société.
La poésie et la communauté
Avant l’avènement des médias de masse et le déclin de la culture générale qui en a résulté, la poésie prospérait comme une activité communautaire et interactive. Dans les traditions orales des cultures anciennes qui ont produit l’Iliade, Beowulf et La Chanson de Roland, les rythmes et les rimes poétiques étaient des outils importants pour la mémoire et l’éducation culturelle.
Portrait de Henry Wadsworth Longfellow en 1860, année où il a écrit Paul Revere’s Ride (La Chevauchée de Paul Revere), peint par Thomas Buchanan Read. (Domaine public)
Jusqu’au XIXe siècle, la poésie a continué à avoir un aspect civique important. À cette époque, les Fireside Poets, dirigés par Henry Wadsworth Longfellow, perpétuaient une tradition ancienne : lire des poèmes avec des amis et des proches autour d’un feu de cheminée familial pour passer le temps.
Lors de la réunion des 50 élèves du Bowdoin College en 1875, Henry Wadsworth Longfellow avait récité son poème Morituri Salutamus (qui signifie « nous qui sommes sur le point de mourir, nous vous saluons », en référence à la phrase prononcée par les gladiateurs de la Rome antique). Dans ce long poème élégiaque, il exprimait son inquiétude face à la transmission de la sagesse de la génération précédente à un monde insensible :
Vous ne nous répondez pas ! Vous n’entendez pas ! Nous sommes oubliés ; et dans votre austère Et votre calme indifférence, vous vous souciez peu De notre venue ou de notre départ, de notre origine ou de notre destination. Quelles générations successives emplissent ces salles, Quelles voix passagères résonnent de ces murs, Vous n’y prêtez pas attention ; nous ne sommes que comme le souffle, Un instant entendu, puis à jamais disparu. (Traduction libre)
D’une manière prophétique, les poèmes de M. Longfellow pourraient être lus aujourd’hui comme une complainte sur le déclin de la tradition publique qu’il représentait lui-même.
Raviver la vie publique de la poésie authentique
Les poètes classiques vivants qui perpétuent la tradition de Geoffrey Chaucer, William Wordsworth et Robert Frost sont probablement plusieurs milliers à travers le monde anglophone. Cependant, contrairement aux amateurs de slam populaire, ils sont dispersés aux quatre coins du monde. Bien qu’ils correspondent en ligne, ils sont trop peu nombreux pour se réunir régulièrement au même endroit et au même moment.
En général, du moins. Le 17 juin 2019, la Society of Classical Poets a tenu son premier symposium au Princeton Club de Manhattan, à New York. C’est l’une des rares fois dans l’histoire récente où la poésie rimée et métrique a été sortie des « couloirs étroits du monde universitaire » pour s’imposer comme « une forme d’art largement appréciée », selon les mots d’Evan Mantyk, président de la SCP.
Parmi les participants figuraient des poètes classiques de premier plan comme Joseph S. Salemi, le poète épique James Sale, le sculpteur américain de monuments de la Première Guerre mondiale Sabin Howard et Adam Sedia, surnommé « le nouveau Robert Frost ». Le même jour, certains de ces poètes ont également animé des lectures au Bryant Park, situé à proximité.
James Sale s’exprimant lors du symposium de la Société des poètes classiques. (Ivan Pentchoukov)
Combattre la menace progressiste qui pèse sur la poésie
Lors de cet événement, Joseph Salemi a abordé le thème « La menace progressiste qui pèse sur la poésie ». Il a observé que les points de vue politiquement radicaux sont omniprésents dans toutes les institutions qui font aujourd’hui la promotion de la poésie moderniste, et que ces gardiens entravent « l’œuvre de tout poète qui ne se conforme pas » à l’orthodoxie de gauche.
Outre les dangers évidents liés à la domination du paysage culturel par des poètes aux idées communistes, les œuvres qu’ils produisent en faveur de ce point de vue sont tout simplement incomplètes. Il reprend une remarque du professeur d’anglais et éditeur Willard Spiegelman, qui a écrit à propos des jeunes poètes d’aujourd’hui : « Seul un faible pourcentage d’entre eux peut satisfaire aux exigences prosodiques techniques et écrire une phrase anglaise syntaxiquement correcte. »
Les poètes classiques en herbe peuvent contribuer à remédier à cette situation. Comment pourraient-ils y parvenir ?
M. Salemi prône l’écriture de poèmes « intrinsèquement passionnants et intéressants », évitant ainsi la tendance des modernistes du vers libre à se contenter d’exprimer leurs propres sentiments et expériences subjectives. Événements historiques insolites, créatures mythiques et descriptions d’œuvres d’art sont autant de sujets d’intérêt poétique. Il faut également davantage de poèmes spirituels, ludiques et comiques – des poèmes agréables à lire !
Joseph S. Salemi s’exprimant lors du premier symposium de la Société des poètes classiques. (Ivan Pentchoukov)
« Plaisir » n’est certainement pas le mot qui vient à l’esprit à la lecture des productions ultra-sérieuses de l’establishment universitaire qui prône ses divers « ismes ».
Pour créer une poésie divertissante – et donc digne d’être lue –, M. Salemi affirme que les poètes « doivent produire des poèmes contre-révolutionnaires qui rejettent catégoriquement les positions politiquement correctes et qui font un pied de nez à ceux qui les défendent ».
M. Salemi a tout à fait raison. Six ans après son discours, les dangers progressistes de la poésie ne montrent aucun signe d’affaiblissement au sein de l’establishment. La menace est plus réelle que jamais, et si la pertinence de la poésie pour ceux qui mènent une vie pratique n’est pas immédiatement évidente, le prix à payer est primordial. L’art exprime des valeurs, et ces valeurs doivent être défendues avec du papier et un stylo, qu’il s’agisse d’écrire des vers ou des codes de lois.
Certains s’efforcent d’être fidèles aux paroles de M. Salemi et de perpétuer le flambeau de la tradition occidentale classique. Ils se réuniront en force les 5 et 6 septembre 2025. Les personnes souhaitant adhérer à cette organisation contre-révolutionnaire sont les bienvenues !
Bien que l’événement soit réservé aux membres de la Société, toute personne intéressée peut adhérer en s’acquittant de la cotisation à l’entrée. Les personnes intéressées peuvent envoyer un courriel à Russel Winick à l’adresse rvwinick@sbcglobal.net avec comme sujet « Symposium ».