Iran : trois ans de détention « destructrice » pour les Français Cécile Kohler et Jacques Paris
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La mère (à g.) Mireille Kohler et le père (au c.) Pascal Kohler de la ressortissante française Cécile Kohler, actuellement emprisonnée en Iran avec son compagnon Jacques Paris, se tiennent à côté de leurs portraits nouvellement affichés, encadrés par la présidente de l'Assemblée nationale, Yael Braun-Pivet, devant le Palais Bourbon à Paris, le 25 mars 2025.
Les Français Cécile Kohler et Jacques Paris, accusés d’« espionnage » par l’Iran, franchissent mercredi le cap des trois ans de détention, emprisonnés dans des conditions extrêmement dures et désormais gagnés par le désespoir, selon leurs familles.
Cette professeure de lettres de 40 ans originaire de l’est de la France et son compagnon septuagénaire ont été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d’un voyage touristique en Iran, et sont incarcérés dans la sinistre section 209, réservée aux prisonniers politiques, de la prison d’Evin de Téhéran.
Accusés d’« espionnage » par les autorités iraniennes, considérés comme des « otages d’État » par Paris, ils sont officiellement les deux derniers Français emprisonnés en Iran, qui détient plusieurs autres Européens.
« Notre soutien indéfectible »
La France « agit sans relâche » pour faire libérer ses deux compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus en Iran, a assuré mercredi le président Emmanuel Macron, trois ans jour pour jour après leur arrestation.
« J’assure leurs familles de notre soutien indéfectible », a affirmé le chef de l’État sur X, tandis que le ministère des Affaires étrangères a assuré qu’il mettait la pression maximale sur Téhéran pour obtenir leur libération.
Trois ans que Cécile Kohler et Jacques Paris manquent à la Nation, toujours otages de l’Iran.
La France agit sans relâche pour obtenir leur libération. J’assure leurs familles de notre soutien indéfectible et salue la mobilisation de nos concitoyens.
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En France, une quarantaine de rassemblements sont organisés à cette occasion pour leur témoigner un soutien alors que les deux Français sont très affectés psychologiquement par des conditions « absolument abominables », selon la diplomatie française.
Des conditions de détention « assimilables en droit international à de la torture »
« C’est très, très dur. On est fatigués, on ne se serait jamais imaginé que ça pourrait durer aussi longtemps », dit à l’AFP Noémie Kohler, la soeur de Cécile, à la veille de la date anniversaire, à l’occasion de laquelle seront organisés une quarantaine de rassemblements de solidarité dans toute la France.
Noemie Kohler, sœur de Cécile Kohler, lors d’un rassemblement de soutien à Cécile Kohler, Jacques Paris et Olivier Grondeau, otages français en Iran, à Paris, France, le 1er février 2025. (BASTIEN OHIER/Hans Lucas/AFP via Getty Images)
« Cécile et Jacques sont de plus en plus désespérés et y croient de moins en moins », dit la jeune femme, qui alerte sans relâche sur le sort des prisonniers et leurs conditions d’incarcération « absolument destructrices ».
Contraints à des « aveux forcés » diffusés sur la télévision d’État iranienne quelques mois après leur arrestation, n’ayant eu que quatre visites consulaires en trois ans, les deux Français sont soumis, selon la diplomatie française, à des dispositions « assimilables en droit international à de la torture ».
Lumière allumée 24 heures sur 24, 30 minutes de sortie deux ou trois fois par semaine, rares et courts appels sous haute surveillance à leurs proches, le dernier date du 14 avril. Les familles décrivent des conditions corroborées par les témoignages d’anciens détenus français en Iran.
Une pression psychologique intense
Ils sont également soumis à une pression psychologique intense. « Cela fait plusieurs mois qu’on leur dit qu’un verdict est imminent, qu’il sera extrêmement sévère, on leur annonce à chaque fois des échéances et il ne se passe jamais rien », raconte Noémie Kohler.
En 2023, 2024 et 2025, au moins cinq Français ont été libérés, après plusieurs mois, voire plusieurs années de détention, mais Cécile Kohler et Jacques Paris détiennent le triste record de trois années complètes d’incarcération, dont trois mois à l’isolement total.
La « diplomatie des otages »
Aucune explication n’a jamais été officiellement livrée sur les conditions de libération des autres prisonniers, qui, assurent les autorités françaises, n’ont donné lieu à aucune contrepartie.
Paris et les autres chancelleries européennes dont des ressortissants sont détenus en Iran accusent Téhéran de pratiquer la « diplomatie des otages », pour obtenir l’élargissement de certains de ses propres ressortissants ou pour peser dans les très sensibles discussions sur le nucléaire iranien, dans l’impasse depuis des années, afin d’obtenir une levée des sanctions.
Des relations de plus en plus tendues avec la France
Les relations entre la France et l’Iran se sont encore tendues ces dernières semaines avec les menaces de Paris d’imposer de nouvelles sanctions contre Téhéran, l’arrestation en France fin février d’une Iranienne, Mahdieh Esfandiari, pour apologie du terrorisme, et le jugement prochain d’un influenceur franco-iranien pour le même chef.
La France est également en passe de déposer une plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour violation des droits de Cécile Kohler et Jacques Paris, une décision saluée comme un « tournant majeur » par les familles, mais sans effet à court terme.
« Notre seul levier, c’est la mobilisation »
« Malheureusement, il n’y a pas vraiment de signaux d’espoir », reconnaît Noémie Kohler. « Notre seul levier, c’est la mobilisation, faire un maximum de bruit en espérant que cela arrivera en Iran », dit-elle. La jeune femme est en contact avec les anciens « otages » français, notamment Benjamin Brière, resté trois ans en détention entre mai 2020 et mai 2023.
« Il y a une grande solidarité, cela nous aide énormément car cela nous permet d’avoir une fenêtre ouverte sur ce qui se passe là-bas, et aussi des clés de compréhension pour préparer le retour », raconte Mme Kohler.
Vida Mehrannia (à g.), épouse du chercheur Ahmadreza Djalali, assiste à une session de la commission des relations extérieures du Parlement fédéral à Bruxelles, le 24 avril 2025. Le mois d’avril marque le 9e anniversaire de l’emprisonnement d’Ahmadreza Djalali, un chercheur en médecine irano-suédois qui était professeur invité à l’université VUB. (HATIM KAGHAT/Belga/AFP via Getty Images)
Elle est également en contact avec les familles de certains prisonniers européens, dont la femme d’Ahmadreza Djalali, un universitaire irano-suédois condamné à mort et détenu à Téhéran depuis maintenant neuf ans.