« J’en ai marre de la vie » : les idées suicidaires à cause du Covid augmentent chez les adolescents à Rennes

Par Epoch Times avec AFP
23 décembre 2021 07:00 Mis à jour: 23 décembre 2021 10:43

« J’en ai marre de la vie ». À tout juste 11 ans, Alice aurait préféré « ne pas naître ». Comme pour les nombreux adolescents exprimant des idées suicidaires aux urgences pédiatriques de Rennes, la crise sanitaire a aggravé le mal-être de la collégienne, qui suit les vagues du Covid.

Sur un divan violet, Sandrine avoue ne plus savoir « quoi faire » pour sa fille. La veille, Alice a confié à ses copains qu’elle voulait mourir et fuguer. Début 2021, elle a même essayé de s’étrangler à l’école.

Un harcèlement « mal géré » en primaire, des douleurs articulaires dans les jambes et… l’anxiété générée par la crise sanitaire ont fait plonger Alice.

« Parfois le soir, je la retrouve la tête dans l’oreiller en train de pleurer. On essaye de faire plein de choses pour l’aider, mais elle nous dit que ça ne sert à rien, que la vie est trop nulle », raconte Sandrine, la larme à l’œil.

Des discours suicidaires « avec ou sans passage à l’acte »

Paul Guillemot, pédopsychiatre à l’équipe mobile d’urgences pédopsychiatriques, constate depuis quelques semaines une « augmentation très très significative » des arrivées. « D’habitude, on voit des 13-15 ans. Là on a des enfants nettement plus jeunes qui arrivent avec des discours suicidaires, avec ou sans passage à l’acte ».

Jeanne est arrivée en ambulance de Vitré, à une quarantaine de kilomètres de Rennes, après avoir tenté de se suicider. À la surprise de l’équipe soignante, ses parents sont absents.

« J’allais au collège quand soudain un garçon, qui m’avait déjà embêtée avant, est arrivé derrière moi, m’a foutu une claque dans la tête et a commencé à m’insulter », raconte la collégienne de 12 ans.

Quelques heures après, elle ingère 8 grammes de paracétamol dans les toilettes du collège. « J’avais ramené une boîte de la maison. D’un coup j’ai voulu les prendre, j’ai pensé que je tomberais malade et que je pourrais rentrer à la maison », explique-t-elle.

L’impact de la crise sanitaire

Dans un rapport paru en novembre, la Défenseure des droits alertait sur l’augmentation générale des troubles dépressifs chez les jeunes en raison de la crise sanitaire.

« Ça a tout bloqué », reconnaît Élise âgée de 17 ans, qui a développé un sentiment d’étouffement et une agoraphobie pendant le confinement. « Ne pas sortir, c’est une horreur. J’avais besoin de voir du monde, des amis, la liberté d’être adolescente. Le lycée, ce sont les plus belles années, je ne voulais pas qu’on me gâche ça ».

Moins de 20 minutes d’activité physique et plus de 4 heures et demie de temps d’écran par jour chez 17% des 11-17 ans, selon une étude de l’agence de sécurité sanitaire Anses, baisse des interactions sociales, désynchronisation des rythmes biologiques… sont autant de facteurs aggravants favorisés par la crise.

« Lors du premier reconfinement, fin octobre 2020, on a constaté une augmentation de plus de 100% des crises suicidaires à Rennes chez les moins de 16 ans, c’est-à-dire des tentatives de suicide et des idées suicidaires, par rapport à la même période en 2019 », signale Sylvie Tordjman, professeur en pédopsychiatrie et cheffe du Pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Parmi les signaux d’alarme : un changement brutal de comportement du jeune, notamment lorsqu’il délaisse ses centres d’intérêt.

« Il y a une situation de stress chronique qui perdure »

Les arrivées diminuent en janvier 2021 puis augmentent de nouveau en mars. « Il y a une situation de stress chronique qui perdure et suit la vague sanitaire. Il s’agit d’une anxiété anticipatrice par rapport à la peur d’être reconfiné ou contaminé et non d’un effet direct du confinement. Les jeunes ne voient plus le bout du tunnel », analyse Mme Tordjman, ajoutant que la crise « amplifie la plupart du temps des difficultés déjà existantes ».

Face à cette situation, les pédopsychiatres rennais évaluent le risque suicidaire du jeune qui arrive aux urgences, ce risque pouvant atteindre 50% dans l’année qui suit la tentative de suicide.

Les patients sont ensuite revus régulièrement, jusqu’à un an après. L’implication des parents, notamment du père, est jugée cruciale. Quand l’adolescent arrive enfin « à se projeter dans l’avenir, avec une appétence à vivre », c’est gagné, assure Mme Tordjman.

 


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