La «nouvelle invasion chinoise» du solaire, des éoliennes et des voitures électriques en Europe

La Chine est le principal bénéficiaire de la décarbonation européenne. Le régime communiste chinois monopolise le marché européen dans le domaine du solaire, de la technologie éolienne, de l'industrie automobile et des terres rares

Par Kathrin Sumpf
5 janvier 2024 19:59 Mis à jour: 15 avril 2024 12:53

L’Europe « verte » du solaire, de l’éolien et des voitures électriques, est de plus en plus influencée par la Chine. Ce n’est pas seulement l’avis de Federico Rampini dans le Corriere. « Après avoir détruit une grande partie de l’industrie européenne dans ce secteur par des années de concurrence déloyale, la Chine est désormais le principal bénéficiaire de la décarbonation européenne ».

Le journaliste italien Federico Rampini voit même une « nouvelle invasion chinoise en Europe ». Celle-ci serait alimentée par des technologies « durables » telles que les voitures électriques, les batteries électriques, les panneaux solaires, les éoliennes ou les composants de tous ces produits.

Des plans tels que « China Standards 2035 », la suite du plan « Made in China 2025 », montrent que le Parti communiste chinois veut dominer les projets industriels dans le monde entier. Avec « Standards 2035« , Pékin va encore plus loin. Elle veut ainsi dominer les nouvelles technologies comme l’IA et le Big Data en développant elle-même les normes technologiques et en les exportant sur le marché international. Et tous les autres devront ensuite se conformer à ses normes.

L’évaluation de Federico Rampini ressemble à celle de l’indice Hamilton de l’ITIF. Cet indice, qui porte le nom d’Alexander Hamilton, examine les secteurs clés qui façonnent une nation. Dans le rapport du 13 décembre 2023, la Chine est en tête dans sept des dix industries stratégiques les plus importantes sur le marché mondial : les ordinateurs et l’électronique, les produits chimiques, les machines et l’équipement, les véhicules à moteur, les métaux de base, les métaux transformés et l’équipement électrique.

Jetons un coup d’œil à quelques-unes des industries clés de l’Allemagne qui doivent servir la transition énergétique verte, et examinons la situation de plus près.

L’industrie solaire

Dans les premières années du photovoltaïque, les fabricants allemands étaient des leaders mondiaux. Des pionniers comme SolarWorld et Conergy (tous deux fondés en 1998) ont contribué de manière significative au développement du secteur – jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus suivre le rythme de l’industrie solaire asiatique. À partir de 2011, de nombreux fabricants allemands ont déposé le bilan, notamment Solon (Berlin), Solar Millennium (Erlangen), Q-Cells (Bitterfeld-Wolfen) ainsi que First Solar (usine américaine de Francfort-sur-l’Oder).

Certes, des droits de douane sur les panneaux solaires chinois ont été imposés en 2013 , mais trop tard. Les mesures anti-dumping ont été contournées en permettant aux entreprises chinoises de transporter préalablement leurs marchandises dans d’autres pays et de falsifier l’indication du pays d’origine. Dans le même temps, Angela Merkel a coupé les vivres au photovoltaïque allemands en abaissant brutalement ses tarifs de rachat de l’électricité.

L’ancienne entreprise phare SolarWorld se retrouve en difficulté en 2013, et quelques mois plus tard, Conergy est également surendettée. SolarWorld a cessé ses activités en 2017. En 2018, l’UE a pratiquement jeté l’éponge. Quelques spécialistes, qui ont fabriqué des modules particulièrement durables et de grande qualité, ont encore pu se maintenir.

Selon l’Industrie Magazin, l’Institut Fraunhofer pour les systèmes énergétiques solaires estimait en juillet 2023 que la part de l’Europe dans les capacités de production mondiales était de 1% et celle de la Chine de 75%.

L’UE souhaite rétablir ici la puissance de 30 gigawatts d’énergie solaire dans le cadre du Green Deal en 2030. Une famille moyenne de quatre personnes consomme environ 10.000 kWh (10 MWh) d’électricité par an pour son ménage, ce qui correspond à 0,01 gigawatt-heure (GWh). Avec 30 gigawatts, on pourrait théoriquement produire assez d’électricité pour environ 30 millions de familles de quatre personnes pendant un an.

Pour replacer ce chiffre dans son contexte, le plus grand fabricant chinois, Jinko, produit déjà 45 gigawatts. Fin 2023, ce chiffre devrait atteindre 90 gigawatts. Certains modules chinois sont vendus jusqu’à 50% en dessous des coût de production allemands.

L’Europe pourrait-elle reconstruire son industrie solaire ? Les obstacles sont « presque insurmontables », selon l’avis d’un expert du secteur dans le magazine « Industrie Magazin« , pendant l’été 2023. Une telle chose ne pourrait se faire qu’avec « un soutien politique et financier concerté » – d’autant plus que les États-Unis attirent les entreprises outre-Atlantique avec des offres élevées et que les mesures politiques actuelles et les coûts de l’énergie ont tendance à décourager l’industrie allemande.

L’industrie éolienne

Autre secteur, autres noms, mêmes enjeux. Jusqu’à 70% des pièces utilisées dans les éoliennes allemandes proviennent déjà de Chine. Il s’agit notamment des éoliennes elles-mêmes ainsi que des composants tels que les pales de rotor, les générateurs, les engrenages et les systèmes de commande.

Les fabricants chinois ont déjà installé 2,8 gigawatts de puissance éolienne ou ont des projets en cours, comme l’a signalé Dennis Rendschmidt de l’Association allemande des constructeurs de machines et d’installations lors du salon « Husum Wind ». Ce sont des ordres de grandeur différents de ceux de l’Europe, qui procurent des avantages évolutifs.

« Nous sommes tous dans le rouge les uns avec les autres », telle est la conclusion souvent citée du président de Siemens Gamesa, Jochen Eickholt, lors du salon « Husum Wind ». Il s’agit des leaders du marché Vestas, Enercon, Nordex – la crème de la crème de l’industrie éolienne locale. Les problèmes pour les constructeurs de turbines locaux sont « les problèmes de qualité, l’inflation, la logistique coûteuse, les longues procédures d’autorisation et les chaînes d’approvisionnement surmenées ».

Pendant ce temps, le constructeur de turbines Sany Re, basé dans la ville de Changsha, au centre de la Chine, envisage d’installer une unité de production en Europe.

Comment l’UE réagit-elle ? Elle a l’intention de stimuler l’énergie éolienne par le biais d’un pacte sur l’énergie éolienne et de procédures d’autorisation plus courtes.

L’industrie automobile

Ici aussi, c’est le même enjeu. Les constructeurs chinois de voitures électriques comme BYD, Nio, MG, XPeng et d’autres se lancent également sur le marché européen.

Ils proposent des technologies modernes à des prix relativement bas, des SUV aux hybrides rechargeables (plug-in). Ces produits sont parfois vendus à un prix inférieur au prix de revient des autres voitures. L’industrie européenne ne peut guère rivaliser. Tous ceux qui rêvent d’une voiture électrique n’ont pas les moyens de s’offrir une Tesla de Grünheide.

Mais le désastre dans le secteur automobile devrait être plus important que celui de SolarWorld, où « seulement » 70.000 emplois ont été perdus. L’industrie automobile européenne emploie 14 millions de personnes.

Les voitures électriques n’ont pas besoin de moteur à combustion, de boîte de vitesses traditionnelle, de système d’échappement, d’embrayage, de réservoir, de démarreur, de système d’injection, de carter de vilebrequin, d’huile moteur – cette courte liste laisse déjà entrevoir les conséquences pour les fournisseurs. La batterie, le moteur électrique, l’électronique, les systèmes de refroidissement pour la batterie et la technique de charge seront-ils à l’avenir fabriqués en Europe ?

Une course aux usines de batteries

Jusqu’en 2021, presque toutes les batteries de voitures électriques venaient d’Asie. Depuis, de nombreuses entreprises ont annoncé qu’elles construiraient des usines de batteries et de cellules en Europe. Le plus grand fabricant de batteries en Europe sera probablement l’Allemagne, où, outre VW et Tesla, des entreprises comme CATL, Varta, Svolt, CALB, ACC, Blackstone Resources et Northvolt prévoient d’implanter leurs usines. 12 usines étaient en service fin 2022, comme à Schwarzheide (usine de cathodes BASF), Salzgitter (Power-Co/VW), Heide (Northvolt) et Kamenz (Mercedes-Benz).

En septembre 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions accordées aux constructeurs automobiles chinois. Les subventions publiques faussent le marché, ce qui est inacceptable.

Pour l’instant, l’inondation du marché européen par les voitures à batterie chinoises échoue encore parce que Pékin ne parvient pas à faire sortir ses voitures finies du pays. Il manque des transporteurs de voitures, les navires rouliers. Mais les chantiers navals chinois s’équipent et devraient construire près de 200 nouveaux navires « roll on/roll off » d’ici 2026. Les grands cargos peuvent transporter jusqu’à 9.000 voitures. BYI a commandé six navires, Chery développe ses propres navires, SAIC, le partenaire de VW, construit sa propre flotte.

Les terres rares

La supériorité écrasante des produits chinois ne concerne pas seulement les produits finis tels que les panneaux solaires et les voitures électriques, que Pékin a mis des décennies à construire. Mais aussi à tout ce qui se trouve en amont des hautes technologies et des technologies vertes : à commencer par les minéraux et les métaux rares.

Pékin a la mainmise sur le marché des terres rares. Aucune technologie moderne ne peut se passer d’indium, de gallium, de néodyme et autres. Aucune installation solaire, aucun câble à fibres optiques, aucune technologie laser, aucune batterie, aucune IA, aucun ordinateur portable, aucune éolienne ne fonctionne sans ces métaux technologiques. La liste peut s’allonger à l’infini.

La Chine produit 97% de l’ensemble des terres rares et environ 50 à 60% des métaux technologiques comme l’indium et le gallium – et pas toujours de manière écologique. Les terres légères, pas si précieuses, proviennent généralement d’exploitations à ciel ouvert dans le nord du pays, les « terres moyennes et lourdes proviennent presque exclusivement du sud », écrit le magazine Wirtschaftswoche. Leur extraction serait particulièrement sale, notamment parce que les terres rares sont extraites des argiles dans lesquelles elles se trouvent à l’aide de produits chimiques par aspiration dans son milieu naturel . Le plus souvent, on utilise du sulfate d’ammonium, connu comme engrais dans la protection des cultures. « Mais utilisé à la tonne, il est nocif ».

Le pouvoir de marché a par ailleurs déjà été utilisé pour raréfier volontairement les matières premières. Les exportations de gallium et de germanium sont restreintes par Pékin depuis le 1er août 2023.

La Chine ne possède pas elle-même tous ces minéraux, elle s’est souvent procuré des droits de propriété ou des accords commerciaux dans le cadre de la « nouvelle route de la soie » allant de l’Afrique à l’Amérique latine.

Les plus grands gisements de lithium d’Europe se trouvent en Ukraine, plus précisément dans la région de Donetsk-Lougansk. Les gisements de lithium sont également la raison pour laquelle la Russie s’est emparée de la région, a admis le 17 décembre le député CDU et ex-officier Roderich Kiesewetter dans l’émission ARD « Bericht aus Berlin extra ». Et donc le lithium ukrainien est hors de portée.

D’autres industries high-tech

À noter encore : outre les modules solaires, les éoliennes et la technologie des batteries, Pékin investit beaucoup d’argent dans les systèmes d’intelligence artificielle et les micro-puces, dans les ordinateurs quantiques et le génie génétique.

Le génie génétique chinois a fait des progrès considérables grâce à l’utilisation des ciseaux CRISPR/Cas9 : cette technologie permet de modifier de manière ciblée le patrimoine génétique de l’être humain.

Les entreprises européennes se voient fortement désavantagées sur le marché chinois

Malgré les promesses de Pékin de vouloir ouvrir sa propre économie, les entreprises européennes sont très désavantagées en Chine. La Chine reste « l’une des économies les plus restrictives du monde », indiquait déjà en 2018 une étude de la Chambre de commerce européenne à Pékin sur le sentiment de ses membres.

Dans cette étude, 62% des entreprises interrogées déclaraient avoir le sentiment que les entreprises chinoises étaient mieux traitées en Europe que les entreprises européennes en Chine. Par ailleurs, outre le fait qu’il y aurait moins de restrictions, les entreprises chinoises auraient beaucoup plus de facilité à faire des acquisitions en Europe.

Les années 2020 à 2022 ont été marquées par les restrictions imposées dans le cadre de la politique du Covid-19. Alors que l’Europe fermait ses portes, la Chine continuait à exporter. Parallèlement, Pékin a rendu plus difficile le travail des entreprises étrangères sur son territoire. De nouvelles lois et réglementations ont constamment compliqué le quotidien des entreprises, comme la loi sur la cybersécurité, la loi sur la sécurité des données et la loi anti-espionnage. La confiance des hommes d’affaires étrangers dans le gouvernement de Pékin a chuté. Une nouvelle offensive de charme, annoncée début décembre 2023, veut désormais redresser la barre.

Conclusion : Pékin monopolise le marché européen

En Allemagne, de nombreuses entreprises dépendent dans une large mesure de Pékin. Selon une enquête menée auprès de 400 entreprises de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la part de celles qui dépendent de travaux et de produits de base en provenance de Chine s’élève tout de même à 40%.

Certains pays, comme l’Italie, font preuve de plus de résistance que l’Allemagne et ont récemment pris leurs distances avec la Nouvelle Route de la Soie.

D’un autre côté, l’engagement de la Chine en faveur de la transformation verte est plutôt limité. L’engagement antérieur de Pékin de réduire ses émissions totales de combustibles fossiles d’ici 2030 a été abandonné dans la pratique. Le chef d’État Xi Jinping a clairement indiqué lors du congrès du parti en octobre 2022 qu’il n’était plus disposé à honorer cet engagement.

La balance commerciale de l’Europe avec la Chine présente désormais un déficit de 390 milliards d’euros, ce qui signifie que les pays de l’UE importent de Chine pour 390 milliards d’euros de marchandises de plus qu’ils n’en exportent.

En bref, alors que les technologies vertes et la décarbonation sont inscrites dans les traités et les lois, le « made in China » a pratiquement monopolisé le marché européen pour les technologies clés. Pendant des décennies, le Parti communiste chinois a infiltré, manipulé et pris le contrôle de l’économie européenne. Et a gagné jusqu’à présent.

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