La Russie construit des centrales nucléaires flottantes pour alimenter des zones reculées

Par Katie Spence
22 octobre 2022 23:09 Mis à jour: 28 octobre 2022 15:08

En août, le chantier naval chinois Wilson Heavy Industry a organisé une cérémonie de pose de quille pour la première des quatre barges qui utiliseront un jour non pas un mais deux réacteurs nucléaires. Une fois terminée, la barge deviendra la deuxième centrale nucléaire flottante de Russie.

La première, l’Akademik Lomonosov, a été mise en service en 2020. La première centrale nucléaire flottante a été mise au point dans les années 1960 par les Américains. Mais personne n’en avait fait depuis. C’est actuellement le seul réacteur atomique flottant et un élément clé du projet russe qui souhaite ouvrir une importante voie de navigation dans l’Arctique.

Mais cette voie de navigation n’est que le début du plan de Vladimir Poutine concernant les centrales nucléaires flottantes. L’année dernière, Rosatom, une société publique russe spécialisée dans l’énergie nucléaire, a présenté à Poutine une proposition de 2,3 milliards de dollars pour construire jusqu’à cinq réacteurs nucléaires flottants.

Outre l’ouverture d’une route maritime du Nord, la province la plus orientale de la Russie abrite une mine de cuivre et d’or qui serait le plus grand gisement inexploité au monde. La région n’a pas de routes et peu d’électricité, d’où la nécessité d’une source d’énergie en renfort.

L’Akademik Lomonosov repeint au couleur de la Russie, le 23 août 2019

Dans les années 1960, le Corps des ingénieurs de l’armée américaine a transformé un ancien Liberty Ship de la Seconde Guerre mondiale en la première centrale nucléaire flottante contenant un réacteur à eau pressurisée à boucle unique de type MH‑1A, et l’a baptisé STURGIS. La centrale a produit de l’électricité dans le canal de Panama à une époque où la construction d’une nouvelle centrale énergétique n’était ni rentable ni réalisable.

Bien que le STURGIS se soit avéré pratique et fiable pour fournir de l’énergie à un réseau terrestre à usage militaire et civil, l’Army Corps l’a mis hors service en 1976 après que la Panama Canal Company a installé des sources d’énergie permanentes dans la région. Selon l’American Nuclear Society, de 1976 aux dernières tentatives de la Russie, aucune centrale nucléaire flottante n’a été construite ou proposée.

STURGIS, la première centrale nucléaire flottante au monde (U.S. Army/ Domaine public)

En 2020, la Russie a terminé la construction et lancé sa première centrale nucléaire flottante à Pevek, un port russe éloigné et peu peuplé au large de la côte nord de la Sibérie. Pevek est un endroit stratégique pour les plans d’expansion de Poutine car proche de Tchoukotka, une région riche en cuivre, lithium, or et argent.

En 2019, Poutine a déclaré lors du Forum international de l’Arctique à Saint‑Pétersbourg : « [L’expansion vers l’Arctique] est une tâche réaliste, bien calculée et concrète. Nous devons rendre la route maritime du Nord sûre et praticable pour le transport de marchandise », a rapporté RadioFreeEurope.

Actuellement, le port de Pevek n’est accessible que quatre mois par an. Néanmoins, Poutine pense que le changement climatique finira par permettre la création d’une route maritime du Nord et un passage du Nord‑Est économiquement viable entre la Russie et l’Occident, rapporte l’Arctic Institute.

Plus important encore, Poutine n’est pas le seul à y croire. Les États‑Unis, la Norvège, le Danemark et le Canada croient également qu’une route maritime du Nord est un bon projet et ont réalisé la nécessité de se faire concurrence pour la juridiction dans la région.

En 2017, le secrétaire américain à la Défense de l’époque, Jim Mattis, a déclaré à propos de l’expansion de la Russie dans l’Arctique : « L’Arctique est un terrain stratégique clé. La Russie prend des mesures agressives pour y accroître sa présence. Je donnerai la priorité au développement d’une stratégie poussée pour l’Arctique. »

Énergie nucléaire flottante

La Tchoukotka est la partie la plus au nord‑est de la Sibérie et on dit qu’elle est l’endroit où le jour du monde commence. Elle borde également l’Alaska par la mer et est fortement peuplée de rennes. L’élevage de rennes est la principale activité agricole de la région, ce que Poutine espère changer avec son projet d’exploitation minière dans l’Arctique.

Éleveur avec son troupeau de rennes à Kanchalan, région de Tchoukotka, le 12 juillet 2007. (NATALIA KOLESNIKOVA/AFP via Getty Images)

Le projet minier de Baimskaya, situé dans la région de Tchoukotka, est, selon la société en charge du projet, Kaz Minerals, « le plus important avoir de cuivre non développé au monde, avec le potentiel de devenir une mine de cuivre à ciel ouvert à grande portée et à faible coût ». Le gisement a été découvert en 1972 mais est resté inexploité en raison d’un manque d’infrastructures et de routes. La Russie utilise ses centrales nucléaires flottantes pour résoudre une partie du problème.

« L’infrastructure requise est en cours de traitement avec le gouvernement russe, conformément au plan de développement complexe de la région de Tchoukotka. (…) De l’énergie sans carbone sera fournie au site à partir d’une installation nucléaire qui sera construite et exploitée par Rosatom, ce qui permettra de produire du cuivre bas carbone », rapporte Kaz Minerals.

Le groupe ajoute : « Le projet est situé dans une région identifiée par le gouvernement russe comme stratégiquement importante pour le développement économique et devrait bénéficier d’incitations fiscales. »

Selon l’Organisation nucléaire mondiale, le développement de Baimskaya nécessite environ 300 mégawatts d’électricité. Rosatom prévoit de fournir l’énergie grâce à trois centrales nucléaires flottantes. Chaque navire sera équipé de deux réacteurs nucléaires à eau pressurisée conçus pour produire 55 mégawatts d’électricité. Un quatrième navire sera maintenu en réserve et utilisé pour les urgences et les réparations.

Consciente du potentiel d’expansion de l’Arctique rendu possible par les centrales nucléaires flottantes, la start‑up danoise Seaborg Technologies développe une barge énergétique Seaborg. Ce développement a été rendu possible grâce à une subvention de l’Union européenne.

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