La Suisse coupable de ne pas avoir su protéger ses citoyens contre le changement climatique, selon la Cour Européenne

La Cour a considéré que la Suisse n'avait pas respecté les obligations qui lui incombaient de protéger ses citoyens contre le changement climatique.

Par Ryan Morgan
13 avril 2024 08:00 Mis à jour: 13 avril 2024 13:11

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le gouvernement suisse avait enfreint les droits de l’homme de ses citoyens en ne prenant pas de mesures suffisantes pour les protéger contre les risques climatiques.

L’arrêt rendu mardi par le tribunal de Strasbourg, en France, constitue une victoire pour le Verein KlimaSeniorinnen Schweiz.

Le Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, dont le nom se traduit en français par « Femmes âgées pour la protection du climat », avait invoqué le fait que la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) de 1950 contenait des dispositions obligeant spécifiquement leur gouvernement à les protéger des effets néfastes du changement climatique.

L’article 8 de la CEDH décrit de manière générale un droit individuel au respect de la vie privée et familiale de l’individu, de son domicile et de sa correspondance personnelle.

Les demandeurs de la décision relative aux droits de l’homme ont fait valoir que les droits à la vie privée et à la vie personnelle décrits dans l’article 8 de la CEDH impliquent le droit de ne pas voir sa vie personnelle affectée par le changement climatique et créent une obligation pour les nations membres de la convention de garantir ce droit.

Le gouvernement suisse a insisté sur le fait qu’il avait reconnu les effets néfastes potentiels du changement climatique et qu’il avait pris des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), mais il a contesté les fondements juridiques d’une telle action. Le gouvernement suisse a argumenté que les effets négatifs sur la santé en raison de la hausse des températures étaient trop vagues pour être spécifiquement attribués à une quelconque inaction du gouvernement suisse.

« Les émissions de gaz à effet de serre sont causées par la communauté des États, les différents États émettant des émissions de gaz à effet de serre diverses. Compte tenu de la faible intensité actuelle de GES en Suisse, les omissions imputées à la Suisse ne sont pas de nature à causer, à elles seules, les souffrances alléguées par les requérants et à entraîner des conséquences graves pour leur vie, leur vie privée et familiale », a fait valoir le gouvernement suisse, selon un résumé de ses arguments fourni dans l’arrêt de mardi.

La Cour européenne des droits de l’homme, créée pour statuer sur les affaires relevant de la CEDH, a finalement donné raison aux requérants en concluant que l’article 8 de cette convention de 1950 « englobe un droit à une protection effective par les autorités de l’État contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de la vie ».

La Cour a estimé que la Suisse n’avait pas respecté ces obligations manifestes de protéger ses citoyens contre le changement climatique en ne mettant pas en place un cadre national suffisant pour réglementer les émissions de gaz à effet de serre.

« Tout en reconnaissant que les autorités nationales jouissent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la mise en œuvre de la législation et des mesures, la Cour estime, sur la base des éléments dont elle dispose, que les autorités suisses n’ont pas agi en temps utile et de manière appropriée pour concevoir, élaborer et mettre en œuvre la législation et les mesures pertinentes », peut-on lire dans un résumé de l’arrêt rendu ce mardi.

La Cour européenne des droits de l’homme a en outre estimé que le système judiciaire suisse avait enfreint l’article 6 de la CEDH en refusant d’entendre les arguments climatiques des requérants eux-mêmes. L’article 6 de la CEDH oblige les États membres à garantir à leurs citoyens le droit à un procès équitable.

« La Cour a estimé que les tribunaux suisses n’ont pas fourni de raisons convaincantes pour expliquer pourquoi ils ont jugé inutile d’examiner le bien-fondé des plaintes de l’association requérante. Elles n’ont pas pris en considération les preuves scientifiques irréfutables concernant le changement climatique et n’ont pas pris les plaintes au sérieux », peut-on lire dans le résumé de l’arrêt.

Le verdict, qui ne peut faire l’objet d’un appel, pourrait contraindre le gouvernement suisse à prendre des mesures plus importantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’arrêt aura un impact sur les 46 nations membres du Conseil de l’Europe et de sa CEDH, obligeant ces nations membres à s’assurer qu’elles mettent en place des politiques de lutte contre le changement climatique.

« C’est un tournant », a déclaré Corina Heri, militante pour le climat et plaideuse, à propos de la décision de mardi. Selon elle, cette décision ouvre la voie à d’autres recours juridiques pour les différents membres du Conseil de l’Europe.

La juge Siofra O’Leary, présidente de la Cour, a souligné que les différents pays membres du Conseil de l’Europe devraient encore décider de la manière dont ils s’acquitteront de leurs nouvelles obligations en matière de protection de la population contre le changement climatique.

La Cour européenne des droits de l’homme n’a pas ordonné au gouvernement suisse de prendre des mesures spécifiques, soulignant que l’aide du gouvernement suisse « dépend nécessairement d’une prise de décision démocratique » permettant de promulguer les lois nécessaires à la mise en place de cette réparation », a déclaré Richard Lazarus, professeur à la Harvard Law School, spécialisé dans le droit de l’environnement et des ressources naturelles.

L’Office fédéral suisse de la justice a qualifié de définitif l’arrêt rendu mardi par la Cour européenne des droits de l’homme et a déclaré qu’il devait être mis en œuvre.

« En collaboration avec les autorités concernées, nous allons maintenant analyser l’ensemble du jugement et examiner les mesures que la Suisse prendra à l’avenir », a déclaré le bureau du gouvernement suisse.

Associated Press et Reuters ont contribué à la rédaction de cet article.

De NTD News

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