La suspension de la destruction d’un bidonville levée par la justice, l’opération Wuambushu reprend son cours

Par Etienne Fauchaire
23 mai 2023 11:34 Mis à jour: 24 mai 2023 10:20

Dans le cadre de l’opération Wuambushu, la démolition à Koungou de Talus 2, l’un des plus importants bidonvilles de Mayotte, a démarré ce lundi 22 mai vers 7h30 (heure locale). Tôt dans la matinée, des gendarmes ont inspecté les habitations pour s’assurer que personne ne se trouvait à l’intérieur, avant de laisser les pelleteuses entrer en action. 135 cases en tôle doivent être détruites : un travail qui devrait durer environ une semaine, a indiqué devant la presse Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l’habitat illégal à la préfecture de Mayotte. Au cours des prochains mois, les autorités ambitionnent d’en faire disparaître plus d’un millier sur l’île.

Un parcours juridique du combattant

Initialement prévu fin avril, ce « décasage » avait subi un coup d’arrêt en urgence à la suite d’une décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou, qui estimait, en raison d’une « voie de fait », que « la destruction des habitations (…) est manifestement irrégulière ». La nouvelle selon laquelle sa présidente Catherine Vannier était également ancienne vice-présidente du syndicat de la magistrature avait suscité un tollé, laissant penser à certains observateurs qu’il s’agissait avant tout d’une prise de position idéologique : « La justice a-t-elle été rendue au nom du peuple français ou des opinions d’un syndicat de magistrats ? », s’interrogeait alors Europe 1.

Mercredi 17 mai, la chambre d’appel de Mayotte a infirmé la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou et donné raison à la préfecture de Mayotte. Suivant les arguments des avocats de l’État, Mes Alain Rapady et Olivier Tamil, les juges d’appel ont rendu des conclusions inverses au juge des référés, constatant qu’il n’existe pas de « voie de fait » et que le juge judiciaire n’est pas compétent dans ce litige.

Les vingt familles requérantes, qui contestaient la destruction du bidonville, « occupent des abris édifiés dans des conditions illicites sur des parcelles propriétés du département de Mayotte pour l’essentiel », note la chambre d’appel dans son arrêt. « En dehors du statut d’occupant, ils n’ont justifié d’aucun élément qui permette d’établir la réalité du droit de propriété qu’ils estiment atteint. » Les atteintes à leurs biens, précisent les juges, « présentent un caractère totalement incertain » et, dans l’hypothèse d’une infraction avérée, celles-ci relèveraient « tout au plus d’une faute administrative susceptible, le cas échéant, de donner lieu à réparation », mais pas d’« une voie de fait ».

S’estimant « incompétente », la juridiction considère que la seule décision faisant foi dans ce litige est celle du tribunal administratif de Mayotte. Samedi 13 mai, ce dernier a également mis fin à la suspension de la démolition du bidonville, « rabattant son ordonnance » selon l’expression consacrée. La juridiction a constaté que les attestations produites par les services de l’État s’agissant des propositions d’hébergement adressées aux futurs habitants expulsés sont conformes aux critères de la loi Elan, qui encadre le dispositif de lutte contre les bidonvilles. Néanmoins, le magistrat du tribunal administratif a demandé à la préfecture de procéder au stockage de leurs biens meubles et d’assurer la scolarisation des enfants des familles expulsées.

Ces deux décisions du tribunal administratif et de la chambre d’appel de Mayotte doivent servir de fondement juridique pour débouter les éventuels recours face aux nouveaux arrêtés publiés par la préfecture, qui prévoit une quinzaine d’autres opérations de « décasage » au cours des prochaines semaines.

« Le retour de la paix civile »

« C’est très important que ces bidonvilles soient détruits », souligne sur France info ce lundi 22 mai Estelle Youssouffa, députée Liot de Mayotte. Selon l’élue, ces bidonvilles sont « des zones insalubres, des zones de non-droit » installées sur « des terrains privés, des terrains qui appartiennent aux collectivités et qui sont occupés illégalement en grande majorité par des étrangers qui sont en situation irrégulière ». D’après la députée, il existe « entre 10 à 15 000 habitations en taules » à Mayotte.

Des offres de relogement ont été adressées par la préfecture aux habitants expulsés, mais elles sont jugées « trop temporaires » par les associations présentes sur place. Des critiques écartées par la femme politique. « La loi, c’est que vous êtes relogés pendant trois mois. Il n’est pas question d’offrir une prime à l’occupation illégale de terrain. Sinon, c’est un appel d’air formidable pour dire : « vous vous installez n’importe où sur un terrain et puis en plus vous aurez le droit, in fine, à un logement social ad vitam æternam », non », étrille-t-elle.

« Détruire les habitats insalubres, les bidonvilles à Mayotte et procéder aux expulsions et aux arrestations, c’est complètement détruire cette économie clandestine, qui est basée sur le trafic humain, sur l’entrée illégale sur le territoire, qui exploite la misère humaine et qui construit un monde parallèle, et complément clandestin à Mayotte », dénonce l’élue Liot qui précise par ailleurs que « 140 arrestations » ont été menées par la police au cours des dernières semaines parmi les gangs qui sévissent sur l’île. Et de rappeler : « Pour nous, ça veut dire le retour de la paix civile. C’est très important, on subit une insécurité, une violence qui est hors norme à Mayotte ».

Interrogé ce matin sur Sud Radio, le député LR Mansour Kamardine s’est de son côté félicité que l’opération soit « entrée dans une deuxième phase active avec le nettoyage du bidonville Talus 2 », confirmant les « trois directions » du projet : « s’attaquer au réseau mafieux, à l’immigration clandestine et nettoyer les territoires où la République était absente ». Le député mahorais « souhaite que l’opération se poursuive pour que l’ensemble des citoyens qui résident à Mayotte puissent vivre en paix ».

Une reprise de l’opération qui ne réjouit pas les partis de gauche. Ainsi, la NUPES « dénonce cette chasse aux personnes migrantes, réalisée en violation de leurs droits, qui détourne le regard des véritables enjeux structurels à Mayotte ». Et d’asséner : « Expulser plutôt que reloger, cela résume la politique uniquement répressive du gouvernement. »

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