Wikipédia accusé de partialité pour avoir occulté des plaintes visant un député LFI
Sur la page consacrée au député LFI Paul Vannier, certains contributeurs ont voulu soustraire au regard du public deux plaintes visant l’élu d’extrême gauche. Un effacement qui illustre les crispations idéologiques travaillant l’encyclopédie collaborative.

KIRILL KUDRYAVTSEV / Contributeur
Dans la discussion consacrée à la page de Paul Vannier, un contributeur rappelle d’ailleurs un autre cas récent : la plainte déposée en 2025 par La France insoumise contre Raphaël Enthoven, poursuivi pour avoir qualifié le mouvement d’« organisation détestable, violente, complotiste, passionnément antisémite ». Relaxé en novembre, l’intéressé a vu la procédure soigneusement consignée sur sa page Wikipédia, sans que personne ne réclame le moindre délai d’observation.
La comparaison n’a guère été appréciée. « La défense n’est pas recevable. Si vous n’avez plus que ça en réserve, c’est qu’on approche vraiment de la fin du débat », rétorque sèchement un contributeur se présentant sous le pseudonyme Authueil.
Un autre participant, plus caustique, réplique : « Je serais d’autant plus admiratif si vous déployiez la même énergie pour défendre les pages de ceux qui se trouvent à l’opposé de votre bord politique. »
L’observateur averti reconnaît, parmi les défenseurs zélés de la réputation du député, quelques pseudonymes familiers. Parmi eux figure « Chouette Bougonne », contributeur déjà connu pour une affaire précédente. Il avait en effet été visé par une plainte de l’essayiste Jean-Paul Gourévitch, qui l’accusait d’avoir méthodiquement dégradé sa page Wikipédia après la publication, chez Contribuables Associés, d’une étude chiffrant le coût de l’immigration en France.
À l’origine, la notice de Gourévitch se présentait ainsi : « Jean-Paul Gourévitch, né le 7 septembre 1941, est un essayiste français. Il est principalement connu pour ses travaux sur la littérature de jeunesse, l’Afrique, la Méditerranée, l’Islam et les migrations. »
Après les modifications, elle indiquait désormais : « Jean-Paul Gourévitch, né le 7 septembre 1941, est un essayiste français. Il est principalement connu pour ses publications alarmistes sur le “coût” qu’engendrerait l’immigration au budget de la France, qui sont critiquées pour leur absence de rigueur scientifique et reprises par les militants d’extrême droite. »
Selon l’essayiste, « Chouette Bougonne » aurait non seulement introduit ces formulations à charge, mais également supprimé les sections détaillant ses travaux littéraires et universitaires, présentant le reste de son parcours sous un jour strictement défavorable. Gourévitch avait demandé la levée de l’anonymat du contributeur ; la justice l’a toutefois débouté en septembre 2025.
Aucun lien direct, néanmoins, entre Gourévitch et Paul Vannier, si ce n’est la présence récurrente d’un même petit cercle de claviers militants, actifs dans l’ombre des pages sensibles. Un phénomène que la sociologie de Wikipédia permet de comprendre.
Une communauté minuscule, un pouvoir immense
Le Wikipédia francophone plafonne depuis 2021 à environ 5500 contributeurs dits « actifs », un statut obtenu avec une seule modification par mois. En réalité, cette communauté se compose d’un grand nombre d’utilisateurs occasionnels et, surtout, d’un noyau dur de quelques centaines de rédacteurs assidus.
Rapporté aux grands domaines, comme la politique française, cela équivaut à une dizaine de personnes seulement pour surveiller et façonner durablement les pages du sujet. Une poignée, mais une poignée organisée, expérimentée et souvent dotée de fortes convictions éditoriales.
Wikipédia recommande pourtant à ses anciens de « ne pas mordre les nouveaux ». L’injonction sonne creux. Un simple détour par les pages de discussion suffit pour constater combien le verrouillage de certains thèmes décourage les contributeurs de bonne volonté.
La page de Paul Vannier en offre un exemple : plus de 75 % de son contenu ont été rédigés par seulement cinq personnes. Situation loin d’être exceptionnelle, et qui relativise l’un des mythes fondateurs de l’encyclopédie : la validation par le nombre.

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