Le mystère des nuits sans rêves : que tente de nous dire notre cerveau ?

Lorsque le marchand de sable oublie votre maison, votre cerveau en paie un prix caché

Par Robert Backer
21 mai 2025 00:35 Mis à jour: 21 mai 2025 12:39

Céleste était une jeune femme athlétique, active et engagée dans une vie professionnelle chargée et parfois stressante. Une fois la journée terminée, elle dormait comme un loir. Cependant, elle rêvait rarement.

Bien que compétente dans son travail, elle commençait à se sentir de plus en plus insensible lorsque le travail devenait plus stressant. Parfois, il pouvait lui être difficile de communiquer avec les autres, ou elle avait l’impression que la vie ne faisait que défiler devant elle, et qu’elle se contentait d’être une observatrice quelque peu détachée. J’aurais aimer pouvoir lui dire ce que je m’apprête à partager avec vous.

Notre sommeil ne concerne pas seulement notre niveau de fatigue, il s’agit aussi de la façon dont notre cerveau se régule pendant la nuit. Nous avons peut-être entendu parler de l’importance du « sommeil profond », mais ce n’est pas tout.

Le minuscule locus cœruleus – une centrale de régulation du stress – joue un rôle surprenant en décidant du moment où on entre dans le sommeil paradoxal (aussi appelé période REM « Rapid Eye Mouvement« ). Le REM est le moment où les rêves se produisent, mais il y a encore plus en jeu. En fait, notre santé mentale dépend davantage de cette période que des réalités altérées et bizarres.

Mais si notre journée est remplie de stress, notre locus cœruleus peut faire obstacle et perturber le rythme naturel des cycles de sommeil. Nous allons nous pencher sur les neurosciences qui se cachent derrière ce régulateur de sommeil.

(illustration par Epoch Times)

Le sommeil commence bien avant l’heure du coucher

Tout au long de la journée, le locus cœruleus, un minuscule noyau dans le tronc cérébral, produit de la noradrénaline – qui est comme la cousine plus modérée de l’adrénaline. L’adrénaline est une hormone qui met le corps en mode « combat ou fuite » dans des situations de « agir ou mourir » comme un accident ou une agression violente.

Chimiquement similaire, la noradrénaline est une substance chimique cérébrale qui augmente la vigilance, la concentration et la pression artérielle au cours des événements quotidiens – comme faire attention lors d’une réunion – et parfois davantage lorsque nous sommes confrontés à des défis ou à du stress. L’adrénaline et la noradrénaline sont toutes deux nécessaires au fonctionnement, mais un excès peut nous épuiser.

Bien que la noradrénaline et l’adrénaline soient éliminées de l’organisme en près d’une heure, elles peuvent déclencher des perturbations à long terme. Par exemple, elles activent le cortisol, « l’hormone du stress », et ont un impact sur la pression artérielle, le système immunitaire, le microbiome gastro-intestinal et le cycle veille-sommeil – potentiellement pendant des jours après leur sécrétion.

La relation entre le stress et la performance suit une courbe en U inversé (parabolique). Sous un stress léger pour la plupart des gens – comme passer un examen ou faire une présentation devant un public – le locus cœruleus nous tient en alerte, en envoyant de la noradrénaline au cortex préfrontal, qui effectue la pensée critique. C’est une bonne chose. Cependant, les avantages finissent par atteindre un pic, après quoi un stress élevé ou prolongé hyperactive le locus cœruleus et devient problématique. Si le locus cœruleus déverse un flux constant de noradrénaline, cela peut altérer la pensée critique, réduisant la mémoire de travail, lorsqu’on jongle avec des informations dans la tête, ainsi que le contrôle cognitif, lorsqu’on reste concentré.

Finalement, après une journée passée à répondre à des défis, le cerveau et le locus cœruleus arrivent à l’heure du coucher. Pourtant, bien que l’on soit physiquement et mentalement fatigué – en effet, l’adrénaline, la noradrénaline et le cortisol sont très fatigants – le cerveau ne veut pas nécessairement coopérer. Notre conception peut être : « Il est temps de dormir, allons-y. » La réalité peut ressembler davantage à la manœuvre d’un navire – les ajustements sont lents, et le locus cœruleus pourrait toujours être sur « la voie de l’action » alors même que l’on cherche celle « du sommeil ».

Le contrôleur de trafic du sommeil

Le locus cœruleus est lié à la façon dont l’ensemble de notre système nerveux autonome est câblé. Comme contrôleur de trafic, il aiguille le cerveau dans une direction ou une autre pour les différentes phases du sommeil. Le sommeil est aussi précieux parce que c’est comme le moment pour le cerveau de « se brosser les dents ». Il s’occupe du nettoyage et de la réparation, ainsi que du traitement et du stockage des souvenirs et des émotions.

Toutes ces petites tâches de maintenance sont essentielles au bien-être mental et physique. Elles sont effectuées au cours des différentes phases de sommeil que nous traversons pendant la nuit. Généralement, il y a le sommeil paradoxal (REM) – les moments où on rêve – et le sommeil plus profond, non paradoxal (NREM).

Différentes phases de sommeil sont nécessaires pour différentes fonctions de maintenance. En fonction de ce que l’on a vécu au cours d’une journée donnée, le cerveau optimisera ses protocoles en conséquence. Le sommeil NREM est très important, et on a peut-être entendu parler de l’optimisation de ce doux « sommeil profond », mais pour être une personne saine et fonctionnelle, nous avons aussi besoin de rêves ! La région de l’hippocampe du cerveau est une plaque tournante pour la mémoire. En NREM, l’hippocampe transfère les épisodes de notre journée vers des zones du cerveau pour l’apprentissage et la mémoire à long terme, mais en REM, il travaille avec un centre émotionnel, l’amygdale, pour trier les composantes émotionnelles de la mémoire.

L’imaginer ainsi : pendant le sommeil profond, l’hippocampe est comme un enseignant, principalement axé sur l’aide aux élèves (les zones cérébrales) pour mémoriser des faits pour un examen. Pendant le sommeil REM, l’hippocampe fonctionne davantage comme un conseiller, collaborant avec l’amygdale pour aider les élèves à traiter ce qu’ils ressentent à propos de ce qu’ils ont appris et à l’intégrer dans leur compréhension émotionnelle.

Le hic, c’est que des recherches récentes ont montré que le locus cœruleus a le vote décisif sur la quantité de sommeil REM que l’on peut obtenir, car il doit s’éteindre pour permettre le passage du NREM au REM. Lorsque nous sommes confrontés à un stress aigu, le locus cœruleus limite l’entrée dans le sommeil REM. Cela signifie que même si on est physiquement reposé, on pourrait prendre du retard sur le plan émotionnel et social.

Un rôle crucial dans le bien-être

« Et alors si je ne rêve pas ? De toute façon, je ne me souviens pas de mes rêves », pourrions-nous dire. Bien que tout le monde entre en sommeil REM, pendant une moyenne de 90 à 120 minutes par nuit, le souvenir réel de ces fantastiques odyssées varie individuellement.

Néanmoins, les déficits de sommeil REM peuvent avoir des conséquences importantes :

Traitement émotionnel altéré : pendant le sommeil REM, le cerveau rejoue les expériences émotionnelles tandis que la noradrénaline est supprimée – appelons cela un « espace sûr » pour faire le tri sans déclencher de fortes réactions. Ces sentiments sont intégrés dans des réseaux de mémoire plus larges, fournissant un contexte utile et réduisant l’impact. Parce que la noradrénaline réduit notre temps en REM, l’intégration se fait moins, ce qui diminue l’apprentissage émotionnel des expériences. De cette façon, une personne pourrait rencontrer à plusieurs reprises des situations émotionnelles similaires sans développer de réponses émotionnelles adaptatives, car l’apprentissage émotionnel n’est pas correctement ancré pendant le sommeil.

Réactivité émotionnelle et anxiété accrues : le sommeil REM aide également les régions exécutives du cerveau – responsables de la maîtrise de soi et du raisonnement – à communiquer avec l’amygdale émotionnelle. À mesure que ces régions renforcent leurs connexions, les zones exécutives peuvent avoir une ligne plus directe pour parler à la zone où les sentiments bouillonnent, ce qui renforce la capacité de régulation émotionnelle.

Déficits de mémoire : le sommeil REM solidifie le contenu émotionnel qui donne un sens aux faits et aux expériences de notre mémoire biographique. C’est un peu comme ajouter de la couleur à une image en noir et blanc ou poser une partie rythmique sur une piste musicale dans le studio de notre esprit.

Imaginez avoir la capacité de se souvenir de ce qui s’est passé tout en restant incertain de ce que l’on a ressenti à ce sujet. Le souvenir lui-même est intact, par exemple : « Je suis allé à la plage avec ma famille », mais la signification émotionnelle semble atténuée ou floue : « Je sais que cela aurait dû être une expérience heureuse, mais je ne ressens rien quand je m’en souviens. »

C’est l’impact que le stress aigu peut avoir sur notre mémoire : une déconnexion entre les faits et les sentiments.

Dans les cas extrêmes comme le trouble de stress post-traumatique (TSPT), certaines recherches suggèrent que les faits de l’événement traumatique sont mémorisés, mais la réponse émotionnelle reste accablante et non traitée.

De plus, de nombreuses personnes présentent une empathie émotionnelle réduite ou des difficultés à comprendre les états émotionnels des autres dans les situations sociales. En effet, la mémoire émotionnelle nous aide à intégrer et à comprendre les expériences émotionnelles au-delà des nôtres. Ainsi, à long terme, la relation entre la suractivité du TSPT, la réduction du sommeil paradoxal et la réactivité émotionnelle peut produire une spirale descendante.

Des chemins divergents vers une nuit de repos agréable

Certains diront : « Que faire ? Le stress fait partie de la vie. » C’est possible. Nous ne pouvons pas toujours contrôler ce que le monde nous envoie, mais nous pouvons faire de notre mieux pour choisir comment nous réagissons. La solution aux facteurs de stress n’est pas de les éviter complètement ou de ne jamais ressentir de stress. Au contraire, nous pouvons équiper nos systèmes pour mieux y faire face.

Voici plusieurs éléments que l’on pourrait envisager si nous-mêmes ou une personne importante pour nous pourrait avoir besoin de plus de sommeil paradoxal :

Pleine conscience et méditation : la méditation de pleine conscience profite directement à un locus cœruleus hyperactif avec un minimum d’effets secondaires. La méditation améliore le contrôle émotionnel en renforçant les régions exécutives du cortex préfrontal. Elle peut également aider le corps à produire et à utiliser la noradrénaline plus efficacement en cas de besoin, et à la réduire dans le cas contraire. La fonction du locus cœruleus et la récupération des hormones de stress s’améliorent relativement rapidement pendant la méditation, et on peut profiter des bienfaits pendant des heures ou des jours après une séance. Le cerveau se recâble et devient plus efficace avec une pratique plus longue.

Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : parce que les émotions sont complexes, une partie de ce qui dicte la différence entre le stress et l’excitation – ou une forte poussée de sentiments par rapport à une poussée relativement bénigne – est la façon dont nous pensons et nous nous comportons en réponse aux déclencheurs. La TCC est une approche visant à améliorer notre état d’esprit en identifiant et en mettant à jour les schémas de pensée et les comportements inutiles, en les remplaçant par des schémas plus utiles. Un exemple d’état d’esprit négatif serait celui d’un étudiant qui rate quelques tirs au basket-ball lors de sa première fois sur le terrain et qui en vient à penser : « Je suis mauvais au basket-ball », redoute de recevoir le ballon et commence à éviter complètement ce sport. Une distorsion cognitive courante à laquelle beaucoup d’entre nous peuvent s’identifier est la pensée « tout ou rien » – croire que si nous ne sommes pas entièrement bons, nous ne sommes rien. La TCC pourrait inciter le joueur à se demander s’il est complètement désespéré ou s’il existe un juste milieu où des améliorations sont possibles.

Les techniques de TCC ont été développées par des psychologues cliniciens pour aider efficacement les clients souffrant d’anxiété et de dépression, mais elles sont largement adaptables à quiconque cherche à devenir plus résilient.

Les approches courantes face aux sentiments désagréables consistent notamment à surveiller notre « monologue intérieur ». Par exemple, « Mon cœur bat plus vite, je n’en peux plus ! » pourrait être réinterprété en « Bien, je suis en train de monter en puissance pour tout démolir ! » On pourrait également créer des « cartes de stratégies d’adaptation » pour les moments accablants. Par exemple : « Quand il ou elle utilise ce ton avec moi, je ferai une pause de cinq minutes et je respirerai profondément avant de répondre. »

Approches pharmacologiques : la noradrénaline du locus cœruleus parcourt le corps jusqu’à atteindre les récepteurs alpha-2 qui déclenchent les réactions de stress dans diverses cellules. Certains médicaments comme la clonidine, utilisée pour traiter l’hypertension et le trouble déficitaire de l’attention, peuvent bloquer directement ces récepteurs et peuvent donc être utilisés dans certains cas pour aider à contenir l’influence d’un locus cœruleus en pleine crise.

D’autres médicaments, comme les antihistaminiques, les benzodiazépines ou le zolpidem (Ambien), ne fonctionnent pas selon les mêmes mécanismes que la noradrénaline, mais peuvent influencer indirectement le système nerveux pour passer du mode « combat ou fuite » au mode « repos et digestion ». Ils peuvent offrir des avantages sédatifs à court terme – mais il est important de consulter un médecin. Parce que ces médicaments agissent sur les symptômes et non sur la source, le corps peut toujours être tiraillé entre le locus cœruleus – qui continue de générer de la noradrénaline – et d’autres signaux provenant du médicament. Le sommeil paradoxal peut donc encore en souffrir.

Ces substances présentent également un risque de tolérance. Les benzodiazépines, en particulier, comportent des risques de dépendance ou d’addiction, avec une tolérance qui se développe rapidement et des symptômes de sevrage qui introduisent de nouveaux problèmes. Elles ne sont pas recommandées pour une utilisation à long terme car elles peuvent, en fait, aggraver la qualité du sommeil avec le temps.

Les suppléments de mélatonine nous aident également à nous endormir – c’est un bon début – mais ne garantissent pas plus de sommeil paradoxal. En fait, à des doses plus élevées, la mélatonine peut paradoxalement perturber les cycles de sommeil et provoquer une somnolence matinale, des maux de tête et même des rêves vifs ou des cauchemars qui peuvent fragmenter la qualité du sommeil.

Enfin, une supplémentation en magnésium peut être bénéfique pour les individus en fournissant un apport adéquat de ce minéral – ce qui est important pour optimiser le fonctionnement du locus cœruleus et soutient également plus largement la fonction neuronale.

Conclusion

Une bonne nuit de sommeil ne consiste pas seulement à passer des heures sur l’oreiller, il s’agit de donner au cerveau les bonnes conditions pour se réinitialiser et se recharger. Le locus cœruleus, le gardien du sommeil du cerveau, réagit à nos expériences éveillées, façonnant la profondeur du repos et de l’équilibre émotionnel le lendemain. En gérant le stress, en adoptant des techniques de relaxation et en étant attentif au « régime mental » que nous consommons, nous pouvons nous préparer à des cycles de sommeil paradoxal plus sains et, par conséquent, à une vie plus résiliente et émotionnellement épanouissante.

Note de l’auteur : le stress est un phénomène neurobiologique complexe, avec de profondes implications pour tous les systèmes de notre corps. Ainsi, de nombreux facteurs peuvent affecter son expression, et il peut également y avoir des différences individuelles quant aux personnes qui bénéficient de diverses solutions. Par conséquent, si certains d’entre vous sont intrigués par les outils mentionnés dans cet article, surtout ne pas considérer cela comme un avis médical, mais consulter directement un médecin connaissant bien le sommeil pour s’assurer qu’il soit optimisé pour les besoins de chacun.

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