Le préfet de Calais condamné pour le démantèlement d’un camp de migrants

Par Epoch Times avec AFP
30 mars 2022 07:49 Mis à jour: 30 mars 2022 10:49

Le préfet du Pas-de-Calais a été condamné pour s’être affranchi de l’autorité judiciaire lors du démantèlement d’un campement de migrants à Calais en 2020, une décision qui remet en cause le cadre juridique de nombreuses expulsions selon les plaignants.

La préfecture, qui a 15 jours pour contester cet arrêt de la cour d’appel de Douai (Nord), n’a pas souhaité réagir à la décision.

Dans son arrêt du 24 mars, la cour condamne le préfet pour « voie de fait », lui reprochant d’avoir pris l’initiative de l’expulsion, et temporairement privé de liberté les occupants du site, sans cadre juridique adéquat.

Les requérants, 11 exilés et huit associations de défense des migrants – dont le Secours catholique et l’Auberge des migrants – avaient assigné le préfet en décembre 2020.

Ils demandaient que soit jugée « illégale » l’évacuation menée le 29 septembre 2020 sur la zone dite du Virval, où campaient plus de 800 migrants au passage en Grande-Bretagne.

Une décision qui remet en cause la notion de « flagrance »

Cette décision met à mal l’utilisation récurrente par l’État pour procéder à des expulsions de campements migratoires sur le littoral nord du cadre juridique de la « flagrance » – applicable lorsqu’un délit est constaté depuis moins de 48 heures, selon l’avocate des plaignants, Me Eve Thieffry.

« Le juge confirme ce ce disent les associations depuis des années : que le préfet n’a aucun pouvoir personnel à évacuation des personnes sur le littoral et à déplacement sous la contrainte », a-t-elle commenté.

Un tweet de Gérald Darmanin comme élément

Le préfet a assuré avoir agi sur décision du procureur, au lendemain de l’ouverture d’une enquête en « flagrance » sur la présence de 450 tentes.

Le tribunal estime au contraire qu’il a agi de sa propre initiative, s’appuyant sur un tweet du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui disait son « soutien à la Préfecture 62 » pour l’opération.

Le communiqué préfectoral alors publié indiquait aussi que les tentes étaient installées depuis « plusieurs semaines », tandis que l’importance des moyens mis en œuvre – dont 30 bus – confirmait une organisation en amont.

« Ces éléments viennent contredire l’hypothèse de la découverte de l’infraction la veille » de l’évacuation, souligne la Cour. Or, « la préfecture du Pas-de-Calais n’a requis aucune autorisation du juge administratif afin de procéder à l’évacuation » comme requis pour une opération hors du cadre de la flagrance.

En outre, la préfecture a outrepassé ses prérogatives en privant temporairement de liberté les migrants escortés vers des bus, sous pression de la police, tranche la cour.

5000 euros de dommages pour chacun des migrants

La présence de nombreux policiers encerclant les exilés lors de cette évacuation, la plus importante de ce type depuis 2016,  était « de nature à constituer une contrainte », relève la cour.

Les requérants ont demandé 5000 euros de dommages pour chacun des migrants et 1000 euros par association. Sauf recours de la préfecture, une audience doit trancher le 23 mai de ces dommages.

En première instance le 6 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer s’était déclaré incompétent, la préfecture ayant requis la saisine du tribunal administratif. « Les témoignages produits ne permettent pas de conclure à l’emploi de la contrainte durant la phase de mise à l’abri », avait notamment jugé le tribunal.

 

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