Le régime chinois se sert des fleuves du Tibet comme d’une « arme », empêchant l’approvisionnement en eau de l’Asie, selon un expert

Par CATHY HE et JAN JEKIELEK
16 septembre 2020 17:34 Mis à jour: 6 novembre 2020 17:30

Le plateau tibétain, qui abrite la source de dix grands fleuves d’Asie, fournit de l’eau à des centaines de millions de personnes sur le continent. Mais le régime chinois a utilisé ces eaux comme arme pour alimenter sa propre industrialisation, privant les pays asiatiques en aval de cette précieuse ressource, explique l’analyste chinoise et activiste tibétaine Maura Moynihan.

Elle a lancé un avertissement au moment où la gestion de l’eau a gagné en importance en Chine, laquelle a connu ses pires inondations depuis des décennies. Au cours des derniers mois, des dizaines de millions de personnes ont été déplacées dans le centre et le sud-ouest de la Chine, et des milliards de dollars de l’économie chinoise ont été engloutis.

Les inondations ont également ravivé les inquiétudes concernant la stabilité de la structure et les effets environnementaux du plus grand projet hydroélectrique au monde, le barrage des Trois-Gorges sur le fleuve Yang-Tsé. En août, l’eau qui s’écoulait dans le réservoir du barrage a atteint des niveaux records et s’est approchée de sa capacité maximale. Les critiques ont fait valoir que le barrage a une capacité limitée à contrôler les inondations, et que sa présence pourrait exacerber les problèmes à long terme. Si le barrage s’effondrait, des millions de vies seraient en danger.

Pour Mme Moynihan, les problèmes entourant le barrage des Trois-Gorges représentent la partie émergée de l’iceberg – le régime a construit des centaines de milliers de dérivations, de digues, de réservoirs et de barrages le long de ses principaux systèmes fluviaux.

« Une fois que vous avez construit ces barrages, il est vraiment difficile de les démanteler et de réparer les dommages environnementaux qu’ils ont causés », a déclaré Mme Moynihan lors d’une récente interview, dans le cadre de l’émission American Thought Leaders (maîtres à penser américains) à Epoch Times.

Cela a précipité une crise de l’eau, mais « personne en Occident ne veut en entendre parler », a déclaré l’activiste.

« Le coût de l’étranglement, de la militarisation de l’eau et de l’acheminement de l’eau du Tibet vers le continent assoiffé de la RPC[République populaire de Chine] a d’énormes conséquences, car l’Asie est le continent le plus peuplé du monde », a déclaré Mme Moynihan.

« Nous sommes en crise », a-t-elle ajouté. « Et je ne pense pas qu’il y ait un seul groupe de réflexion en Amérique qui travaille sur ce sujet. »

Pendant des décennies, Mme Moynihan a voyagé dans la région, faisant des recherches et des reportages sur les problèmes auxquels le Tibet est confronté. Ses chroniques étaient auparavant publiées dans des journaux tels que le Washington Post, mais l’appétit pour ses reportages s’est tari « apparemment du jour au lendemain » depuis les années 2000, dit-elle. Les médias font maintenant « essentiellement ce que demande le PCC en supprimant toute discussion sur le Tibet », a-t-elle ajouté, en faisant référence au Parti communiste chinois.

« Il semble qu’il y ait eu un black-out complet sur le Tibet au cours de la dernière décennie », dit Mme Moynihan.

Fermer le robinet

Les projets agressifs de construction de barrages du régime chinois lui ont permis de militariser les eaux en coupant l’approvisionnement des pays en aval, a déclaré Mme Moynihan.

Au cours des deux dernières années, le Mékong, qui prend sa source au Tibet et traverse cinq pays d’Asie du Sud-Est, a atteint un niveau des plus bas jamais atteints. Cela a été causé non seulement par une diminution des précipitations, mais aussi par les barrages hydroélectriques en amont de la Chine qui ont retenu de grandes quantités d’eau, selon deux rapports de cette année.

Un rapport d’avril (pdf) a révélé que pendant 6 mois en 2019, alors que la Chine a reçu de fortes précipitations, ses barrages sur le haut Mékong ont retenu une quantité d’eau sans précédent, alors même que les pays en aval luttaient contre une grave sécheresse. Le rapport a été rédigé par Eyes on Earth, une société américaine de conseil en climatologie, et a été commandé conjointement par l’Initiative du bas Mékong (IMT) du gouvernement américain et le Partenariat pour les infrastructures durables soutenu par les Nations unies.

La Commission du Mékong – un groupe intergouvernemental qui comprend le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam – dans un rapport d’août (pdf) a également établi un lien entre la sécheresse du Mékong et les barrages chinois.

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a dénoncé l’activité de Pékin sur le Mékong, déclarant le 14 septembre que les « décisions unilatérales du PCC de retenir l’eau en amont ont exacerbé une sécheresse historique ».

Il a critiqué le régime pour ne pas avoir partagé des données complètes sur les flux d’eau avec la Commission du Mékong.

Pékin ne fournit des données sur les niveaux d’eau et les précipitations que pendant la saison des inondations, et seulement à partir de deux de ses nombreuses stations sur le haut Mékong – « insuffisantes » pour la gestion de l’eau, selon la commission. Fin août, le premier ministre chinois Li Keqiang s’est engagé à partager les informations hydrologiques annuelles avec les pays du Mékong, mais n’a pas fourni d’autres détails.

M. Pompeo a encouragé les pays du Mékong à « exiger du PCC qu’il respecte sa promesse de partager ses données sur l’eau ».

« Ces données devraient être publiques. Elles devraient être publiées tout au long de l’année », a-t-il déclaré, ajoutant qu’elles devraient être partagées par le biais de la Commission du Mékong.

La semaine dernière, les États-Unis ont lancé le Partenariat Mékong-États-Unis, engageant plus de 150 millions de dollars dans des initiatives régionales, en partie pour renforcer la sécurité de l’eau le long du Mékong.

Mme Moynihan a déclaré que les pays en aval n’ont pas fait entendre leur voix sur cette question en raison de leurs liens économiques étroits avec Pékin. De nombreux États d’Asie du Sud-Est ont adhéré à l’initiative « Belt and Road », le projet d’investissement dans les infrastructures du régime visant à accroître son influence dans le monde, a-t-elle noté.

« Ils ne peuvent pas vraiment s’exprimer et critiquer le PCC […] parce qu’ils peuvent couper votre approvisionnement », a-t-elle déclaré. « C’est très, très sérieux. »

L’Inde, pendant ce temps, est également confrontée à la perspective d’une coupure de son approvisionnement en eau, a dit Mme Moynihan. La Chine construit plusieurs barrages hydroélectriques le long du fleuve Brahmapoutre – qui s’étend du Tibet à l’Inde et au Bangladesh – ce qui fait craindre que le régime n’exerce un contrôle à son avantage politique et économique. Ces préoccupations ont pris un tour nouveau à la suite des récents affrontements frontaliers meurtriers entre l’Inde et la Chine dans la vallée de Galwan.

Mme Moynihan se souvient d’une conversation avec un général indien à la retraite qu’elle a rencontré lors d’un cocktail à New Delhi.

« Nous parlions du Tibet », dit Mme Moynihan. Il a dit : ‘Eh bien, qu’allons-nous faire ? Ils sont là. Et nous sommes ici à regarder en l’air, et leurs armes sont pointées sur nous. Et ils ont aussi notre eau.’

‘Qu’est-ce qu’on va faire ?' »

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