L’effondrement de la Silicon Valley Bank est une conséquence directe d’une politique monétaire laxiste

Par Daniel Lacalle
16 mars 2023 13:55 Mis à jour: 16 mars 2023 13:55

La deuxième plus grande faillite d’une banque de l’histoire récente, après celle de Lehman Brothers en 2007, aurait pu être évitée. Aujourd’hui, l’impact est trop important et le risque de contagion est difficile à mesurer.

La faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) est un « bank run » (« panique bancaire », ndr) classique provoqué par un événement de liquidité. Mais la leçon importante pour tout le monde est que l’énormité des pertes latentes et du trou financier dans les comptes de la banque n’aurait pas existé s’il n’y avait pas eu une politique monétaire ultra-laxiste. Expliquons pourquoi.

Au 31 décembre 2022, la Silicon Valley Bank disposait d’un total d’actifs d’environ 209 milliards de dollars et d’un total de dépôts d’environ 175,4 milliards de dollars, selon ses comptes publics. Les principaux actionnaires de la banque sont Vanguard Group (11,3 %), BlackRock (8,1 %), StateStreet (5,2 %) et le fonds de pension suédois Alecta (4,5 %).

La croissance et le succès incroyables de la SVB n’auraient pas pu se produire sans taux négatifs, sans une politique monétaire très souple et sans la bulle technologique qui a éclaté en 2022. En outre, l’épisode de liquidité de la banque n’aurait pas pu se produire sans les incitations réglementaires et monétaires à accumuler de la dette souveraine et des titres adossés à des créances hypothécaires.

La base d’actifs de la SVB est l’exemple le plus clair du vieux mantra : « Ne vous battez pas contre la Fed (Réserve fédérale américaine). » La SVB a commis une grave erreur : elle a suivi exactement les incitations créées par une politique monétaire et une réglementation laxistes.

Que s’est-il passé en 2021 ? Un succès énorme qui, malheureusement, a aussi été le premier pas vers sa disparition. Les dépôts de la banque ont presque doublé avec le boom technologique. Tout le monde voulait une part du nouveau paradigme technologique imparable. Les actifs de la SVB ont également augmenté et presque doublé.

Les actifs de la banque ont pris de la valeur. Plus de 40% d’entre eux sont des bons du Trésor à long terme et des titres adossés à des créances hypothécaires (MBS). Le reste était constitué d’investissements dans les nouvelles technologies et le capital-risque, apparemment à la conquête du monde.

La plupart de ces obligations et titres « à faible risque » étaient détenus jusqu’à l’échéance. Ils suivaient les règles du courant dominant : des actifs à faible risque pour équilibrer le risque des investissements en capital-risque. Lorsque la Réserve fédérale a relevé les taux d’intérêt, les dirigeants de la SVB ont dû être sous le choc.

L’ensemble des actifs de la SVB n’était qu’un seul et unique pari : des taux bas et un assouplissement quantitatif prolongé. Les valorisations des entreprises technologiques ont grimpé en flèche pendant la période de politique monétaire souple. Le meilleur moyen de « couvrir » ce risque était d’investir dans des bons du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires. Pourquoi parieraient-ils sur autre chose ? C’est ce que la Fed achetait par milliards chaque mois, il s’agissait des actifs les moins risqués selon toutes les réglementations. L’inflation, selon la Fed et tous les économistes traditionnels, était purement « transitoire », une anecdote à effet de base. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?

L’inflation n’était pas transitoire et l’argent facile n’était pas éternel.

Les hausses de taux ont eu lieu. Et la banque a été prise au piège, subissant d’énormes pertes partout. Adieu les obligations et le prix des titres adossés à des créances hypothécaires. Adieu les valorisations du « nouveau paradigme » technologique. Et bonjour la panique. Il y a eu une bonne vieille ruée sur les banques, malgré la forte reprise des actions de la SVB en janvier. Les pertes latentes, évaluées à 15 milliards de dollars, représentaient près de 100% de la capitalisation boursière de la banque. Le résultat a été un anéantissement.

Et pour reprendre les mots d’un épisode du dessin animé « South Park » : « …Aaaaand it’s gone (Eeeet c’est parti, ndr) ». SVB a montré à quelle vitesse le capital d’une banque peut se dissoudre sous nos yeux.

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) interviendra, mais ce ne sera pas suffisant, car seuls 3% des dépôts de la SVB étaient inférieurs à 250.000 dollars. Selon Time Magazine, plus de 85% des dépôts de la Silicon Valley’s Bank n’étaient pas assurés.

Pire encore, un tiers des dépôts américains se trouvent dans de petites banques et environ la moitié ne sont pas assurés, selon Bloomberg. Les déposants de la SVB perdront probablement la majeure partie de leur argent, ce qui créera également une grande incertitude dans d’autres entités.

La SVB était l’exemple type d’une gestion bancaire conforme aux règles de l’art. La banque a suivi une politique conservatrice consistant à ajouter les actifs les plus sûrs – les bons du Trésor à long terme – au fur et à mesure que les dépôts montaient en flèche.

La SVB a fait exactement ce que recommandaient ceux qui attribuaient la crise financière de 2008-2009 à la « déréglementation ». La SVB était une banque ennuyeuse et conservatrice qui investissait les dépôts croissants dans des obligations souveraines et des titres adossés à des créances hypothécaires et qui croyait que l’inflation était transitoire, comme tout le monde le répétait, sauf nous, la minorité de fous.

La SVB n’a fait que suivre point par point la réglementation, les incitations de la politique monétaire et les recommandations des économistes keynésiens. SVB était l’exemple même de la pensée économique dominante. Et le courant dominant a tué la star de la technologie.

Nombreux sont ceux qui blâmeront la cupidité, le capitalisme et l’absence de réglementation, mais devinez quoi ? Plus de réglementation n’aurait rien changé, car la réglementation et la politique incitent à ajouter ces actifs à « faible risque ». En outre, la réglementation et la politique monétaire sont directement responsables de la bulle technologique. Les valorisations de plus en plus élevées des technologies non rentables et le flux apparemment irrépressible de capitaux destinés à financer l’innovation et les investissements verts n’auraient jamais eu lieu sans des taux réels négatifs et des injections massives de liquidités. Dans le cas de SVB, sa croissance phénoménale en 2021 est une conséquence directe de la politique monétaire imprudente mise en œuvre en 2020, lorsque les grandes banques centrales ont porté leur bilan à 20.000 milliards de dollars comme si de rien n’était.

La SVB est une victime de l’idée selon laquelle l’impression monétaire n’entraîne pas d’inflation et peut se poursuivre à l’infini. La banque y a adhéré sans réserve, et maintenant elle n’existe plus.

La SVB a investi dans la bulle de tout : obligations souveraines, titres adossés à des créances hypothécaires et technologie. L’ont-ils fait parce qu’ils étaient stupides ou imprudents ? Non. Ils l’ont fait parce qu’ils pensaient que ces actifs ne présentaient qu’un risque très faible, voire nul. Aucune banque n’accumule de risque dans un actif qu’elle estime à haut risque. La seule façon pour une banque d’accumuler du risque est de percevoir qu’il n’y en a pas. Pourquoi en ont-elles l’impression ? Parce que le gouvernement, les régulateurs, la banque centrale et les experts le leur disent. Qui sera alors le prochain ?

Beaucoup blâmeront tout sauf les incitations perverses et les bulles créées par la politique monétaire et la réglementation, et exigeront des baisses de taux et un assouplissement quantitatif pour résoudre le problème. Cela ne fera qu’empirer les choses. On ne résout pas les conséquences d’une bulle en créant d’autres bulles.

La faillite de la Silicon Valley Bank met en évidence l’énormité du problème de l’accumulation des risques par des moyens politiques. La SVB ne s’est pas effondrée en raison d’une gestion imprudente, mais parce qu’elle a fait exactement ce que les keynésiens et les interventionnistes monétaires voulaient qu’elle fasse. Félicitations.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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