L’organe chinois de type «Gestapo» passé au crible suite à la mort de Jiang Zemin, son fondateur

Par Frank Fang
12 décembre 2022 23:57 Mis à jour: 13 décembre 2022 09:20

La tristement célèbre Gestapo, la police secrète de l’Allemagne nazie, a disparu depuis longtemps, mais ses crimes n’ont pas été oubliés. Mais ce que l’on sait moins, c’est que le régime communiste chinois possède également un organe semblable à la Gestapo dont la seule mission est de brutaliser et de persécuter des civils innocents considérés comme des ennemis de l’État.

Cet organe, appelée le « Bureau 610 », existe depuis 1999.

Au fil des ans, les victimes témoignent de la férocité de ceux qui travaillent dans l’ombre de cette entité.

« S’il n’y a personne, personne ne saura jamais que je t’ai battu à mort », déclare Wang Xin. L’employé du bureau 610 d’un comté de la province chinoise du Shangdong (nord‑est), Wang Xin, est connu pour battre brutalement ses victimes et les gaver de force.

« Je pourrais t’envoyer dans une classe de lavage de cerveau », lance Zheng Guolun, qui travaille dans le bureau 610 régional de la ville de Chongqing, dans le centre de la Chine. « Demain, c’est le jour de l’an et on ne te laissera pas en paix jusqu’au nouvel an lunaire chinois. »

Xie Shinong, du bureau 610 de Chengdu, dans le sud‑ouest de la Chine, annonce : « Nous ne suivons pas la loi. »

« Voici 4000 yuans [545 euros]. Si vous ne les voulez pas, vous ne recevrez rien d’autre. Cela ne sert à rien si vous vous adressez à une autre autorité », explique Lei Yancheng, directeur adjoint régional, à la famille de Liu Shufen, mort persécuté en 2003.

Hu Shaobin, ancien directeur du bureau 610 de la ville de Wuhan, admet ouvertement qu’il travaille pour une nouvelle Gestapo. Elle a le pouvoir de mobiliser des membres de l’armée, de la police, du système judiciaire et de la sécurité publique.

Ces propos troublants sont tous adressés à des citoyens chinois qui ont une chose en commun : ce sont des pratiquants de Falun Gong.

Leurs récits ont été rapportés par Minghui, une organisation américaine à but non lucratif qui se consacre à rendre compte de leur persécution en Chine.

Le Bureau 610, dont les crimes sont documentés depuis des années, fait à nouveau l’objet d’un sérieux examen après le décès de son fondateur, l’ancien dirigeant chinois Jiang Zemin, qui est mort le 30 novembre, à l’âge de 96 ans, des suites d’une leucémie et d’une défaillance multiviscérale.

L’ancien dictateur chinois Jiang Zemin, le 8 novembre 2012. (Feng Li/Getty Images)

Le Falun Gong, également connu sous le nom de Falun Dafa, est une pratique spirituelle alliant des enseignements moraux fondés sur les principes universels de vérité, de compassion et de tolérance à des exercices de méditation quotidiens.

Depuis son introduction en Chine en 1992, le Falun Gong a gagné en popularité et on estime qu’il y avait entre 70 et 100 millions de pratiquants dans le pays à la fin des années 1990.

« Jiang Zemin y décèle une menace pour la survie du Parti qui ne peut tolérer l’existence d’une structure sociale hors de son contrôle » selon le rapport de l’IRSEM (page 79), un groupe de réflexion militaire français publié l’année dernière.

En conséquence, Jiang Zemin, alors secrétaire général du Parti communiste, décide de créer le 10 juin 1999 le Bureau 610, dont le nom est tiré de la date de sa fondation. Près d’un mois plus tard, il lance officiellement la persécution des pratiquants de Falun Gong, ce que les observateurs qualifie de « génocide froid ». Elle se poursuit aujourd’hui encore. (Suivre la persécution sur faluninfo.net)

Le Bureau 610

Le Bureau 610 est un organisme extrajudiciaire du Parti qui possède des bureaux et des entités affiliées à travers toute la Chine, y compris au sein même de certaines entreprises et universités publiques.

Son existence même est illégale puisqu’il n’a jamais été approuvé officiellement par le Congrès national du peuple, l’organe législatif chinois, ni par les 24 membres du Politburo, l’organe suprême du Parti communiste chinois (PCC).

Néanmoins, le Bureau 610 détient un pouvoir énorme, exerçant une influence sur presque tous les organismes gouvernementaux, notamment les structures judiciaires, tribunaux, procureurs, etc.

Le Bureau 610 est accusé d’avoir commis toute sorte de crimes à l’encontre des pratiquants de Falun Gong, enlèvements, détentions illégales, torture et prélèvements forcés d’organes.

Le nombre d’employés du Bureau 610 est impossible à déterminer. Sarah Cook, directrice de recherche pour la Chine, Hong Kong et Taïwan pour l’organisation à but non lucratif Freedom House, basée à Washington, estime qu’en 2011 au moins 15.000 agents y travaillaient. Cette estimation repose sur un calcul à partir de différentes données mises en avant par les autorités locales sur les sites Web des districts.

Le régime chinois finance également largement l’organisme. En 2017, Freedom House a estimé dans son rapport que le budget annuel de l’ensemble des bureaux 610 en Chine était d’environ 879 millions de yuans (près de 120 millions d’euros).

Le Bureau 610 tire son autorité de son lien avec la Commission des affaires politiques et juridiques (PLAC, Political and Legal Affairs Commission ) – autrefois un puissant organe du Parti contrôlant l’ensemble de l’appareil de sécurité de la Chine, qui était dominé par des responsables du PCC fidèles à Jiang Zemin. La commission existe toujours, bien que son pouvoir ait été affaibli sous l’actuel dirigeant chinois Xi Jinping.

De 1999 à 2012, les trois hauts fonctionnaires chargés de superviser le Bureau 610 – Li Lanqing, Luo Gan et Zhou Yongkang – étaient tous fidèles à Jiang Zemin (appartenaient à la « faction de Shanghai »). Lorsqu’ils étaient en charge du Bureau 610, Luo Gan et Zhou Yongkang étaient également à la tête du PLAC.

Zhou Yongkang dans le Grand Hall du Peuple le 3 mars 2011, à Pékin. (Feng Li/Getty Images)

Des documents internes obtenus par Epoch Times montrent que le Bureau 610 a été dissous entre 2018 et 2019, et que ses fonctions ont été intégrées à d’autres organes du PCC, notamment le PLAC, ainsi que le ministère de la Sécurité publique (MPS).

« Depuis la consolidation de 2018, le Bureau 4 [du MPS] a repris les responsabilités et les fonctions de l’ancien Bureau central 610 », a fait savoir le Centre d’information du Falun Dafa dans un rapport publié en mai. « Des références au Bureau 610 continuent d’apparaître sur certains sites Web locaux et dans le décomptes des victimes, mais beaucoup moins fréquemment que par le passé. »

Le rapport indique également que « plusieurs millions » de pratiquants de Falun Gong ont été détenus depuis 1999.

« Il y a au moins 100.000 cas de torture documentés par Minghui.org, et des raisons de croire que le véritable nombre est plusieurs fois supérieur », ajoute le rapport.

Témoignage de personnes à l’intérieur du système

Certains anciens fonctionnaires du Bureau 610 se sont manifestés, exposant les détails de ce qu’ils avaient fait pour persécuter les pratiquants de Falun Gong.

L’un d’eux a raconté son implication dans une lettre soumise à Minghui en 2016, disant comment il regrettait d’avoir pris part à la répression du régime. Il n’a pas donné son vrai nom, mais a déclaré qu’il occupait le poste d’employé de bureau et que sa principale tâche était de travailler avec la police locale.

« Notre bureau 610 n’a pas seulement fait du mal physiquement aux pratiquants de Falun Gong, mais a également coupé de manière méprisable leur source de revenus », a écrit l’homme. « Il y avait un couple âgé qui était propriétaire d’un très bon hôtel. Parce qu’ils étaient pratiquants de Falun Gong, nous avons fait venir la police pour les harceler, des véhicules de police apparaissaient fréquemment devant leur porte. »

« Au final, l’hôtel n’a pas pu maintenir ses activités et la famille a perdu son gagne‑pain. »

Une fois, lui et d’autres membres du bureau ont retrouvé une pratiquante âgée dans un village isolé, qui avait dû renoncer à vivre en ville parce qu’elle était harcelée.

« Elle nous a dit que son corps était autrefois frêle, mais que la pratique du Falun Gong lui avait permis de retrouver la santé. Mais nous l’avons intimidée, menacée, et lui avons dit de remettre tous les écrits du Falun Gong qu’elle possédait. Et nous l’avons empêchée de continuer sa pratique. »

« Comme elle ne pouvait pas pratiquer le Falun Gong dans des conditions normales, sa santé s’est rapidement détériorée. Elle a fait une rechute de sa maladie cardiaque, avait du sang dans les urines, et ses jambes sont devenues gonflées. Finalement, j’ai vu que sa famille l’avait envoyée à l’hôpital pour un traitement d’urgence. »

L’homme a ajouté qu’il était depuis devenu un pratiquant de Falun Gong après avoir appris la pratique auprès d’un ami.

« En analysant tout cela de manière raisonnable, j’ai progressivement réalisé que j’avais été trompé par la propagande du Parti du mal. Le Falun Gong n’est pas ce que la télévision disait. C’est nous, les pauvres membres du ‘Bureau 610’, qui avons subi un lavage de cerveau. »

Incitations

Hao Fengjun travaillait autrefois pour le bureau 610 du Bureau de la sécurité nationale dans la ville de Tianjin (nord de la Chine). Il a fui en Australie en 2005 parce qu’il ne voulait plus participer à la persécution.

Hao Fengjun a expliqué en 2005 que certains de ses anciens collègues considéraient la persécution comme un moyen de gagner de l’argent.

« Au bureau 610, bien sûr, il y avait des gens qui travaillaient très dur car plus ils arrêtaient de pratiquants de Falun Gong, plus ils recevaient de primes. »

La collecte de renseignements sur les pratiquants de Falun Gong à l’étranger était encore plus rentable que les arrestations en Chine. Selon Hao Fengjun, des informations de base sur la vie personnelle des pratiquants, si elles étaient jugées valables, pouvaient valoir jusqu’à 50.000 yuans (environ 6800 euros).

Le Bureau 610 a offert beaucoup d’argent aux personnes prêtes à accepter un emploi. Selon des documents ayant fait l’objet d’une fuite et obtenus par Epoch Times, les membres du bureau 610 de la ville de Harbin, dans le nord‑est de la Chine, en 2018, avaient un salaire annuel moyen d’environ 200.000 yuans (environ 27.300 euros) – ce qui était environ sept fois plus élevé que le salaire moyen des habitants de la ville cette année‑là.

Sécurité devant le tribunal populaire intermédiaire n°2 où se déroule la condamnation de l’avocat des droits de l’homme Pu Zhiqiang, à Pékin, le 22 décembre 2015. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

Pour encourager les policiers à arrêter davantage de pratiquants, la Chine a également mis en place un système de quotas. Selon Bitter Winter, un site en ligne qui rend compte des persécutions religieuses en Chine, le Bureau de la sécurité nationale de la ville de Dalian, dans le nord‑est de la Chine, a mis en place un « plan d’évaluation trimestriel des performances » relatif à la lutte contre les croyances religieuses pour les postes de police de sa juridiction en 2018.

« L’évaluation est basée sur un système de notation sur 100 points avec des scores spécifiques attribués pour chaque croyant arrêté en fonction de sa confession », selon Bitter Winter.

Un poste de police reçoit 10 points pour l’arrestation d’un pratiquant de Falun Gong, et 5 points pour en jeter un en prison. Tout chef de poste peut perdre son emploi s’il n’atteint pas le quota fixé.

Même les citoyens ordinaires sont encouragés à contribuer à l’oppression de l’État. Le PCC récompense ceux qui sont prêts à dénoncer toute personne pratiquant le Falun Gong. En juillet 2021, Bitter Winter a rapporté qu’un citoyen chinois nommé M. Xu avait reçu 2000 yuans (environ 273 euros) pour avoir fourni des informations qui ont conduit la police à arrêter deux pratiquants de Falun Gong en septembre 2020.

« Nous nous demandons si M. Xu se rend compte que pour 300 dollars, il a envoyé deux concitoyens en prison et très probablement à la torture, ce qui est un sort commun pour les pratiquants de Falun Gong », peut‑on lire sur Bitter Winter. « Il doit y avoir quelque chose de profondément mauvais dans un système qui vous encourage à vendre la vie et la liberté de vos voisins pour 300 dollars. »

Canada et États‑Unis

Hao Fengjun a également révélé qu’il y avait plus de 1000 espions focalisés sur le Falun Gong au Canada.

Un bureau 610 régional en Chine a pris pied dans le pays nord‑américain. Selon des documents de 2018 ayant fait l’objet d’une fuite et obtenus par Epoch Times, le PLAC régional du district de Fangshan à Pékin a donné l’ordre à ses fonctionnaires du Bureau 610 de se rendre à Montréal, Ottawa et Toronto. Ils y ont organisé des séances pour promouvoir la propagande diffamatoire du Parti contre la pratique spirituelle.

« Des séminaires sur la lutte contre les religions hérétiques ont été organisés avec les communautés [chinoises] des trois villes afin de faire connaître les lois et règlements chinois relatifs à la lutte contre les religions hérétiques, ainsi que les connaissances de base sur les religions hérétiques », peut‑on lire dans le document.

Le document souligne que les séminaires ont atteint leur objectif.

« Les citoyens locaux ont une compréhension claire du Falun Gong et des autres organisations religieuses hérétiques, exprimant qu’ils ne croiront pas en eux, ne les promouvront pas et ne participeront pas à leurs activités. »

Veillée aux chandelles au Washington Monument, le 21 juillet 2022 de plus d’un millier de pratiquants du Falun Gong. (Samira Bouaou/Epoch Times)

En 2021, le département américain des Affaires étrangères a annoncé des sanctions contre Yu Hui, un ancien directeur du bureau 610 de la ville de Chengdu.

Yu Hui a été condamné « pour son implication dans des violations flagrantes des droits de l’homme, à savoir la détention arbitraire de pratiquants de Falun Gong pour leurs croyances spirituelles », selon un communiqué du secrétaire d’État Antony Blinken.

Après l’annonce, le sénateur Marco Rubio (Parti républicain‑Floride) a pris la parole sur Twitter saluant l’administration américaine pour sa décision.

« Depuis plus de 20 ans, le PCC persécute des millions de pratiquants de Falun Gong, et en aurait arrêté 6600 rien qu’en 2020 », a écrit Marco Rubio.

« Davantage de sanctions sont nécessaires pour punir les fonctionnaires qui violent la liberté de religion en #Chine, #Xinjiang, et #Tibet. »

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