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Menace d’intervention militaire américaine au Nigeria : ce qu’il faut savoir

Le président américain a menacé de suspendre toute aide au Nigeria et a laissé entendre que des frappes aériennes ou l’envoi de troupes au sol pourraient être envisagés.

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Un char nigérian de la Force multinationale mixte (MNJTF) monte la garde à un poste de contrôle à l’entrée de Monguno, dans l’État de Borno, le 4 juillet 2025.

Photo: JORIS BOLOMEY/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

Dans une série de mises en garde fermes lancées au cours de la semaine, le président Donald Trump a laissé entendre que le gouvernement américain envisagerait une intervention militaire pour stopper la « tuerie de masse » de chrétiens perpétrée par des terroristes islamistes au Nigeria.
Lors d’une allocution vidéo publiée le 5 novembre, Trump a prévenu que le christianisme, dans le pays le plus peuplé d’Afrique, était confronté à une « crise existentielle », citant des rapports selon lesquels des milliers de chrétiens auraient été tués lors d’attaques à caractère religieux chaque année.
Le président a menacé d’interrompre toute aide au Nigeria et laissé entendre que des opérations terrestres ou aériennes pourraient être envisagées. Il a également replacé le Nigeria sur la liste des « pays particulièrement préoccupants », une classification officielle qui peut entraîner des sanctions ou d’autres conséquences.
Des parlementaires américains, dont le sénateur Ted Cruz et le représentant Riley Moore, ont également attiré l’attention sur le sort des chrétiens nigérians, victimes depuis longtemps d’attaques brutales de groupes islamistes.

Des rapports sur la persécution des chrétiens

Trump, Cruz et Moore évoquent des rapports d’organisations non gouvernementales affirmant que plus de 50.000, voire plus de 100.000 chrétiens auraient été tués depuis 2009, 7000 ayant été « martyrisés » rien que cette année. Les mêmes rapports soulignent que près de 20.000 églises ou institutions religieuses auraient été détruites, des milliers de personnes enlevées et des millions déplacées.
D’autres sources font état d’une intensification de la violence contre les chrétiens ces dernières années, mais avec des chiffres de mortalité totaux plus faibles.
Les responsables nigérians nient toute persécution antichrétienne. Ils affirment accueillir avec intérêt l’aide américaine contre les violences terroristes, à condition qu’elle respecte la souveraineté du Nigeria.
Le gouvernement nigérian souligne que la crise résulte d’un ensemble de facteurs : conflits ethniques, litiges fonciers, banditisme et criminalité, davantage que de violences confessionnelles. Les autorités assurent que plus de musulmans meurent que de chrétiens dans ces affrontements.

Le Nigeria nie tout génocide antichrétien

Dans un discours publié sur les réseaux sociaux le 5 novembre, Mohammed Idris, ministre nigérian de l’Information, a déclaré que les menaces de Trump reposaient sur de fausses informations.
M. Idris reconnaît que le pays fait face à des défis sécuritaires « anciens » et majeurs depuis l’apparition, en 2009, du groupe terroriste islamiste Boko Haram et d’autres « éléments criminels », mais il assure que l’administration Tinubu agit avec fermeté.
Depuis 2023, les services de sécurité ont « neutralisé » plus de 13.500 terroristes, arrêté plus de 17.000 suspects en cours d’interrogatoire ou de poursuite, et sauvé plus de 9.800 victimes de kidnapping, selon le ministre.
« La menace terroriste au Nigeria ne vise pas exclusivement une communauté religieuse ou ethnique. Comme ailleurs dans le monde, l’extrémisme est dénué de raison ; il est aveugle à la religion, à la classe ou à la tribu. Il s’agit d’une guerre contre tous les Nigérians épris de paix, contre l’unité et le progrès de notre grande nation », a-t-il affirmé.
Si certains détracteurs affirment que les meurtres ont augmenté sous Tinubu, le gouvernement soutient que le taux d’homicides a diminué depuis son arrivée au pouvoir.

Violences religieuses et crise sécuritaire croissante

La Commission américaine sur la liberté religieuse a rapporté en 2024 des atteintes « systématiques, persistantes et gravissimes » à la liberté religieuse au Nigeria, soulignant que le gouvernement utilise les lois sur le blasphème pour poursuivre et emprisonner des individus de différentes confessions.
Selon le même rapport, « le gouvernement nigérian continue de tolérer des actes de violence épouvantables perpétrés par des acteurs non étatiques », touchant à la fois des sites religieux et des personnes issues de minorités confessionnelles dans plusieurs régions du pays.
La racine de la crise actuelle remonte à l’essor de Boko Haram en 2009, groupe radical qui a enlevé 270 collégiennes majoritairement chrétiennes en 2014. D’après un rapport récent de l’ONU, qui critique des « violations graves et systémiques » des droits des femmes et des filles, 91 sont toujours portées disparues ou maintenues en captivité.
Depuis, d’autres groupes sont entrés dans l’arène : la Province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest, des dissidences islamistes, mais aussi des bandits, groupes armés régionaux et milices à ancrage ethnique.
Le Nigeria compte 227 millions d’habitants, répartis à parts quasi égales entre musulmans et chrétiens. Le pays incarne, à bien des égards, un modèle de coexistence : le président est musulman, son épouse pasteure chrétienne, les deux religions sont représentées au sein du gouvernement.
Le nord nigérian est majoritairement musulman, 12 États y ayant adopté la charia, tandis que certains États du nord, particulièrement touchés, sont majoritairement chrétiens.
Depuis quelques années, la recrudescence des attaques contre des villages chrétiens du Middle Belt, ou centre-nord fertile, attire l’attention sur des conflits anciens opposant des agriculteurs, pour la plupart chrétiens, à des éleveurs peuls, semi-nomades et majoritairement musulmans.
Le gouvernement qualifie ces violences de disputes foncières, aggravées par le climat, la rareté des ressources et la croissance démographique. Les observateurs internationaux, eux, signalent une hausse des attaques de factions peules contre les communautés chrétiennes.
Selon Open Doors, une ONG qui documente la persécution des chrétiens, les militants peuls sont responsables de 55 % des décès chrétiens enregistrés entre 2019 et 2023.
Un rapport d’Amnesty International, publié en mai, estime qu’au moins 10.217 personnes ont été tuées lors d’attaques de groupes armés depuis le début du mandat de Tinubu en 2023, la grande majorité dans la région du Middle Belt.
L’organisation attribue ces violences à « l’échec choquant du gouvernement à protéger la population et les biens contre des attaques quotidiennes, causant des milliers de morts et créant une crise humanitaire potentielle dans de nombreux États du nord ».

Quelles perspectives ?

Faute de base américaine à proximité, l’AFRICOM pourrait se heurter à des obstacles logistiques majeurs pour intervenir au Nigeria contre les islamistes.
L’année dernière, AFRICOM a été contraint de quitter le Niger voisin après un coup d’État militaire. Ayant abandonné sa base de drones à 110 millions de dollars, qui servait à la formation et à l’appui des missions antiterroristes régionales, les États-Unis devront probablement opérer depuis des pays amis voisins ou déployer des porte-avions dans le golfe de Guinée, au sud du Nigeria.
Washington met en avant un « partenariat de sécurité solide » avec le Nigeria et dispose de 590 millions de dollars de ventes militaires actives avec le pays ; parmi les derniers achats, on note un avion à 497 millions pour appuyer les opérations contre Boko Haram et l’EI.
Beige Luciano-Adams est une journaliste d'investigation qui couvre l'actualité de Los Angeles et de l'État de Californie. Elle a traité de sujets liés à la politique, aux arts, à la culture et aux questions sociales pour divers médias, notamment LA Weekly et les publications du MediaNews Group.

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