Pornhub reconnaît que 700.000 vidéos au contenu potentiellement criminel n’ont jamais fait l’objet de contrôle, selon des documents de justice

Le site doit être fermé pour dissuader les futurs exploiteurs, déclare la fondatrice du mouvement Traffickinghub.

Par Doug Lett
9 septembre 2023 06:14 Mis à jour: 9 septembre 2023 06:14

Jusqu’à récemment, Pornhub ne vérifiait les vidéos signalées pour leur contenu potentiellement criminel (les abus sexuels sur des enfants, par exemple) que lorsque celles-ci avaient fait l’objet d’au moins 15 signalements préalables. En 2021, le site web pornographique comptait plus de 700.000 vidéos signalées par 1 à 15 internautes, comme le révèle une série de courriels. Ces documents ont été divulgués dans le cadre d’un recours collectif contre la société mère de l’entreprise, basée à Montréal, intenté par 40 femmes résidant en Californie en 2021.

« Notre équipe examine entre 50 et 500 vidéos signalées par jour afin de traiter toute vidéo ayant plus de 15 drapeaux [de signalement] », indique une partie d’un courriel daté du 27 mai 2020, entre des cadres de Pornhub et sa société mère MindGeek, récemment renommée Aylo.

« En gros, une vidéo avec 15 drapeaux n’est jamais examinée », indique un autre courriel datant du même jour.

Les courriels partiellement expurgés ont été rendus publics dans le cadre de la divulgation du procès californien, qui réclame plus de 40 millions de dollars de dommages et intérêts.

L’un des courriels datant du même jour indique que la société hébergeait « 706.425 vidéos actives ayant reçu au moins un drapeau (entre 1 et 15 drapeaux) ».

Cependant, ces courriels révèlent également qu’à l’époque, l’entreprise ne disposait que d’une seule personne travaillant cinq jours par semaine pour examiner les vidéos signalées.

Témoignages de victimes

Laila Mickelwait, fondatrice du mouvement Traffickinghub et directrice et fondatrice du Justice Defense Fund, a publié certains des courriels sur X, anciennement Twitter. A la lecture de ces documents, elle a constaté que les pratiques de Pornhub étaient pires que ce qu’elle avait imaginé.

« On entend encore et encore que des victimes suppliaient Pornhub de retirer leurs vidéos du site », rapporte-elle à Epoch Times.

Mais les courriels donnent une image plus détaillée des pratiques de l’entreprise, ajoute-elle.

« Une victime de viol sur Pornhub aurait pu signaler sa propre vidéo 15 fois, et elle n’aurait jamais été examinée », dit-il. « Ce niveau de complicité avec les abus sexuels sur les enfants et les crimes sexuels en général, c’est un tout autre niveau. »

Les informations divulguées corroborent d’autres témoignages.

En juin 2021, le comité d’éthique parlementaire a publié un rapport concernant Pornhub et d’autres sites similaires, dans lequel figuraient des témoignages de survivants d’abus sexuels ayant demandé à Pornhub de retirer les vidéos dans lesquels ils apparaissaient.

« Chaque survivant qui a témoigné a décrit sa difficulté à obtenir de Pornhub qu’il retire le contenu, et ce malgré leurs insistances que ces interactions n’avaient pas été consenties. Certains ont rapporté que Pornhub était lent à répondre voire ne répondait jamais aux demandes de retrait », selon le rapport, intitulé « Assurer la protection de la vie privée et de la réputation sur les plateformes telles que Pornhub ».

« Ces survivants ont fait part de leur traumatisme après avoir vu des images d’eux publiées en ligne à leur insu ou sans leur consentement », ajoute le rapport. « Beaucoup ont expliqué qu’ils avaient développé des maladies physiques et psychologiques qui les empêchaient de fonctionner normalement dans leur vie quotidienne, et la plupart d’entre eux ont envisagé ou tenté de se suicider ».

Le rapport ajoute que certaines vidéos ont été visionnées des millions de fois avant d’être retirées.

« Certains survivants ont déclaré que même si leur contenu avait été retiré de Pornhub, il avait été republié peu de temps après.

Une nouvelle image

Ce recours collectif, déposé en février 2021, fait partie des nombreuses actions en justice dont MindGeek fait ou a fait l’objet aux États-Unis et au Canada.

Selon la plainte l’entreprise « a sciemment bénéficié financièrement de milliers, voire de millions, de vidéos sur ses différents sites web mettant en scène des victimes qui n’avaient pas encore atteint 18 ans ».

Les poursuites judiciaires, le rapport parlementaire et les articles de presse ont depuis lors entraîné un remaniement majeur des entreprises concernées. MindGeek possède un certain nombre d’autres sociétés similaires à Pornhub, notamment Brazzers, YouPorn, Men.com et Trans Angels.

En décembre 2020, l’entreprise a retiré des millions de vidéos publiées par des utilisateurs non vérifiés en réponse aux allégations d’abus sexuels sur des enfants et d’autres comportements sexuels non consensuels.

Dans un communiqué de presse daté du 14 décembre 2020, l’entreprise a déclaré avoir « mis en place les mesures de protection les plus complètes de l’histoire des plateformes générées par les utilisateurs ».

Le PDG et le directeur de l’exploitation de l’entreprise ont tous deux quitté l’entreprise en juin 2022. Au début de l’année, MindGeek a été rachetée par une société de capital-investissement basée à Ottawa, Ethical Capital Partners.

En août, MindGeek a changé de nom pour devenir Aylo.

« La décision de rebaptiser l’entreprise Aylo répond au besoin d’un nouveau départ et d’un engagement renouvelé en faveur de l’innovation, d’un contenu pour adultes diversifié et inclusif, et pour garantir la confiance et la sécurité », a déclaré l’entreprise dans un communiqué de presse daté du 17 août.

Le communiqué précise que la société identifie désormais chaque personne qui publie du contenu et qu’elle s’est engagée avec plus de 70 organisations à but non lucratif dans le monde entier à lutter contre les contenus pédopornographiques et les contenus non consensuels.

Pour Mme Mickelwait, c’est trop peu et trop tard.

« Le site doit fermé et ainsi dissuader les futurs auteurs d’abus et pour dire que nous ne tolérerons pas un tel niveau de complicité dans les abus sexuels sur les enfants et le trafic sexuel », a-t-elle déclaré.

Aylo n’a pas répondu aux questions d’Epoch Times à l’heure de la publication.

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