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Aide sociale à l'enfance

Un enfant tondu par ses éducateurs : enquête ouverte dans un foyer parisien en pleine crise de la protection de l’enfance

Un enfant placé dans un foyer parisien a été filmé pendant que des éducateurs lui rasaient le crâne, présentée comme une « sanction ». La Ville de Paris a dénoncé des faits « gravissimes » et saisi la justice, sur fond de crise de recrutement dans la protection de l’enfance.

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Rassemblement pour réclamer des améliorations dans le domaine de l'aide sociale à l'enfance devant l'Assemblée nationale, le 8 avril 2025.

Photo: RICCARDO MILANI/Hans Lucas/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 7 Min.

La Ville de Paris a saisi la justice après des faits de maltraitance dans un foyer éducatif accueillant des enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance. Un garçon de 8 ans a eu le crâne rasé par des éducateurs qui ont filmé la scène, suscitant une vive émotion et illustrant la crise qui touche le dispositif de protection de l’enfance.

Des faits qualifiés de « gravissimes »

Selon la municipalité, les faits se sont déroulés en février 2025 au foyer Jenner, dans le 13e arrondissement de Paris, géré par l’association Jean-Coxtet. Des employés ont rasé le crâne d’un enfant de 8 ans placé sous leur responsabilité et ont filmé la scène à des « fins évidentes d’humiliation », d’après la Ville citée par l’AFP.

Sur les images, l’enfant apparaît torse nu, assis sur une chaise, les bras croisés, tandis qu’une éducatrice lui rase la tête avec une tondeuse. La Ville de Paris qualifie ces faits de « gravissimes » et évoque des « manquements inacceptables » de la part des adultes en charge de la protection du garçon.

Une scène filmée et commentée

France Info, qui a révélé l’affaire, indique avoir pu consulter une des vidéos tournées dans le foyer. Une éducatrice se tient debout derrière l’enfant, une tondeuse à la main, alors qu’Eliott (nom modifié, ndlr) a déjà la moitié du crâne rasé, et l’éducateur qui filme lui dit : « On va t’appeler double face. » Un autre enfant présent réagit : « On dirait Aladin ! »

Les éducateurs du foyer ont partagé plusieurs vidéos de la scène dans une boucle WhatsApp professionnelle, utilisée par les éducateurs de la section des 6-10 ans où vit Eliott. Dans ces échanges, certains affirment qu’il s’agissait d’« une sanction », selon les éléments consultés par la rédaction. (France Info)

Alertes internes et conséquences pour l’enfant

Sur cette boucle WhatsApp, d’autres éducatrices réagissent immédiatement et soulignent la gravité de la situation. L’une écrit : « Si c’est une blague, pour rappel, c’est un groupe WhatsApp professionnel et non un groupe de potes. Si c’est pas une blague, c’est très très grave. » Malgré cette mise en garde, l’enfant reste la cible de moqueries de la part d’un éducateur.

D’autres éducatrices demandent à leurs collègues de prévoir un bonnet pour Eliott pour le lendemain, jour de classe. L’enfant porte ce bonnet pendant au moins quatre mois, sa maîtresse l’autorisant à le conserver en classe, car il fait l’objet de moqueries de la part de ses camarades.

Réaction des autorités et procédure judiciaire

Face à ces faits, la Ville de Paris estime qu’aucune justification avancée – poux, accord de l’enfant ou autorisation de la mère – ne peut « légitimer la violence infligée ». La collectivité indique avoir saisi « sans délai » l’autorité judiciaire et annonce son intention de se constituer partie civile.

« Je condamne fermement ces faits inacceptables. Raser les cheveux d’un enfant comme sanction est une atteinte grave à sa dignité. C’est la raison pour laquelle je saisis le procureur de Paris », écrit Stéphanie Rist, ministre de la Santé, sur X ce mercredi.

Parallèlement, une enquête administrative est ouverte au sein de la structure. Cette enquête conduit au renouvellement de l’équipe encadrante du foyer. La Ville précise par ailleurs que l’enfant a fait l’objet d’une « attention particulière » et qu’il a exprimé le souhait de rester dans ce foyer, disant s’y « sentir bien malgré l’épisode violent ».

L’éducatrice a été suspendue par l’association qui gère le foyer, selon RMC.

Critiques sur la réactivité de la mairie

Selon Europe 1, le foyer affirme d’abord que la mère de l’enfant avait donné son accord ou qu’il s’agissait de traiter des poux. L’avocat de la famille conteste ces justifications et les qualifie de non recevables au regard des faits. Il s’étonne également du délai de réaction de la mairie de Paris. La municipalité n’a communiqué publiquement qu’au moment de l’annonce de la saisine de la justice, alors qu’elle était informée de la situation depuis le mois de septembre.

« On a bel et bien des éducatrices qui ont de leur propre chef rasé un enfant, ce qui est tout bonnement interdit, ce n’est pas dans leurs missions. Alors est-ce que ce sont des violences, est-ce que c’est du harcèlement, au fond est-ce que ce n’est pas les deux ? C’est toute la question qu’on se pose », affirme l’avocat de la maman d’Eliott à France Info.

Une ancienne éducatrice du foyer, encore marquée, déclare : « Quand on regardait ce petit garçon, on avait l’impression qu’il sortait d’une chimiothérapie. » « Eliott avait très honte, il était très triste. Il demandait quand ses cheveux allaient repousser », a-t-elle ajouté.

Une crise structurelle dans la protection de l’enfance

La Convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE) décrit un contexte très dégradé dans le secteur. Elle affirme : « La protection de l’enfance souffre d’une crise de recrutement sans précédent, profonde et d’ampleur nationale. ». Selon elle, « les associations, à bout de souffle, ne parviennent plus à assurer leurs missions d’accompagnement et de protection dans le respect des besoins et des droits de l’enfant, des exigences de qualité et de sécurité ».

La CNAPE souligne que « les métiers de la protection de l’enfance n’attirent plus de candidats du fait de la très faible rémunération, de la dégradation des conditions de travail et du peu de reconnaissance accordée aux professionnels ». Faute de postes pourvus, « les établissements et services fonctionnent en sous-effectif et font appel à des professionnels peu qualifiés », ce qui pèse sur la qualité des prises en charge.