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Face à la stratégie d’exportation chinoise, la riposte mondiale s’intensifie

L’UE et le Mexique envisagent de nouveaux droits de douane alors que le modèle économique chinois fondé sur les exportations alimente la surcapacité, déstabilise les marchés et accentue les tensions géopolitiques.

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Une vue aérienne montre des conteneurs empilés au terminal à conteneurs du port de Shanghai, le 8 décembre 2025.

Photo: AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 13 Min.

Alors que l’administration Trump a mis en place des droits de douane pour corriger des décennies de déséquilibres commerciaux avec la Chine, le modèle chinois axé sur les exportations fait l’objet d’un examen renouvelé à travers le monde.
Des analystes estiment que la stratégie chinoise de « voisin pauvre » — accroître ses exportations au détriment des industries des autres pays — suscite désormais un retour de bâton international croissant, incitant plusieurs États à envisager de nouveaux tarifs et des mesures défensives de politique commerciale.

Une flambée des exportations qui masque le déséquilibre commercial

Le Parti communiste chinois (PCC) se prépare à sa Conférence centrale annuelle sur le travail économique, et son nouveau « 15ᵉ plan quinquennal » réaffirme son ambition de bâtir une « puissance manufacturière ». Mais des analystes jugent que l’environnement mondial se retourne désormais brutalement contre ce modèle.
En dépit de droits de douane américains élevés — ramenés seulement de 57 % à 47 % dans le cadre d’un accord conclu fin octobre — la Chine s’est adaptée. Depuis le premier relèvement des droits par l’administration Trump en 2017, les exportateurs chinois font de plus en plus transiter leurs marchandises par des pays à plus bas revenus, en déplaçant une partie de leurs chaînes d’approvisionnement vers l’Asie du Sud-Est avant de réexporter vers les États-Unis.
Les données officielles des douanes chinoises publiées le 8 décembre en montrent les conséquences. Les exportations chinoises vers les États-Unis se sont effondrées de 28,6 % en novembre sur un an, mais les exportations totales ont progressé de 5,9 %, dépassant les attentes, grâce à une envolée des expéditions vers les pays de l’ASEAN et vers l’UE.
Les importations, à l’inverse, n’ont augmenté que de 1,9 %, bien en deçà des prévisions.
Dans une chronique publiée le 6 décembre dans le Wall Street Journal, le principal commentateur économique Greg Ip estime que, même si certains chiffres bilatéraux entre les États-Unis et la Chine sont perturbés par des importations anticipées avant de nouveaux hausses de droits, la tendance de fond ne fait guère de doute. Depuis cinq ans, les exportations chinoises s’envolent tandis que ses importations stagnent, Pékin accroissant sa part dans la production manufacturière mondiale au détriment de la croissance d’autres pays.
Goldman Sachs parvient à une conclusion similaire dans une récente prévision, jugeant que la relation économique de la Chine avec le reste du monde est devenue négativement corrélée — les gains chinois se traduisant de plus en plus par des pertes pour d’autres économies. À mesure que Pékin pousse encore son secteur manufacturier à gagner en compétitivité, la banque prévient que la pression s’intensifiera sur les économies industrielles d’Europe, d’Asie de l’Est, du Canada et du Mexique.

Le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping arrivent pour des entretiens sur la base aérienne de Gimhae, attenante à l’aéroport international de Gimhae à Busan, le 30 octobre 2025. (ANDREW CABALLERO-REYNOLDS/AFP via Getty Images)

Un modèle dopé aux subventions et au calcul politique

Les analystes soulignent que cette orientation agressive vers l’exportation n’a rien de nouveau ; elle s’est en réalité radicalisée ces dernières années.
Elliot Fan, professeur d’économie à l’Université nationale de Taïwan, explique à Epoch Times que Pékin a poussé ce modèle exportateur à « un niveau hautement distordu », en manipulant sa monnaie et en multipliant subventions, allégements fiscaux et autres politiques industrielles pour maintenir artificiellement bas les coûts de production.
Il avance deux raisons : « D’une part, l’économie chinoise s’est dégradée ces dernières années, faisant des exportations le dernier moteur de croissance, ce qui confère au régime une certaine légitimité politique. D’autre part, le PCC a compris que l’industrie manufacturière pouvait servir de symbole de puissance nationale tout en affaiblissant les capacités industrielles d’autres pays, comme l’industrie navale américaine. »
« Ce modèle perdure depuis des années. Désormais, les États-Unis ne l’acceptent plus et les autres pays ne peuvent plus en absorber le choc. »
Paul Chiou, professeur associé d’économie à l’Université Northeastern, estime que cette stratégie d’exportations à bas prix a « dérèglé l’ensemble de l’ordre économique mondial », en vidant d’autres marchés de leurs emplois industriels et en affaiblissant l’innovation manufacturière à l’étranger. Ce modèle reflète aussi les contraintes internes de Pékin : effondrement de la consommation, aggravation de la déflation et surcapacité massive dans des secteurs comme l’acier, les véhicules électriques et les panneaux solaires, entre autres.
« La stratégie économique de la Chine a toujours privilégié la production sur la consommation », résume M. Chiou.
La recomposition des chaînes de valeur mondiales après la pandémie a accéléré ce mouvement. Le monde se fragmente en blocs commerciaux, observe M. Chiou : les États-Unis et l’UE se rapprochent, tandis que la Chine s’appuie davantage sur les pays alignés sur elle ou marginalisés à ses côtés, comme la Russie, l’Iran, la Corée du Nord et certains petits États africains vulnérables aux pressions. D’autres, dont l’Inde, l’Asie du Sud-Est et une partie de l’Amérique latine et du Moyen-Orient, tentent de ménager un équilibre entre puissances rivales.

Des employés travaillent sur des modules solaires destinés à l’exportation dans une usine de Lianyungang, dans la province du Jiangsu, à l’est de la Chine, le 4 janvier 2024. (STR/AFP via Getty Images)

Une résistance internationale croissante

La surcapacité industrielle chinoise est de plus en plus perçue comme un problème d’ampleur mondiale.
La nouvelle Stratégie de sécurité nationale publiée le 4 décembre par l’administration Trump appelle à rééquilibrer les relations économiques sino-américaines et insiste sur la réciprocité pour restaurer « l’indépendance économique de l’Amérique ». Le document exhorte les alliés — dont l’UE, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, le Canada et le Mexique — à adopter des mesures similaires, jugeant qu’aucune région ne peut à elle seule absorber le gigantesque surplus de production chinois.
Le ton se durcit également côté européen. De retour d’une visite en Chine, le président français Emmanuel Macron a adressé l’un de ses avertissements les plus fermes, déclarant au quotidien Les Échos que l’excédent commercial chinois vis-à-vis de l’Europe est intenable, d’autant que Pékin importe toujours moins de produits européens.
« S’ils [la Chine] ne réagissent pas, dans les prochains mois, nous Européens serons contraints de prendre des mesures fortes et de nous découpler, comme les États-Unis, par exemple avec des droits de douane sur les produits chinois », a prévenu Emmanuel Macron, ajoutant qu’il avait déjà évoqué ce sujet avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Le président français Emmanuel Macron (C.) s’adresse au dirigeant chinois Xi Jinping (hors champ) lors d’une rencontre à Pékin, le 4 décembre 2025. (Adek Berry-Pool/Getty Images)

Les chiffres sont parlants. La France a enregistré l’an dernier un déficit commercial de 47 milliards d’euros avec la Chine, selon le Trésor français cité par le magazine Fortune, tandis que des données chinoises indiquent que l’excédent de Pékin avec l’UE a atteint un niveau historique de 143 milliards de dollars sur le premier semestre de cette année.
Le Mexique laisse aussi entrevoir un tournant. Son Parlement doit se prononcer cette semaine sur une proposition de la présidente Claudia Sheinbaum visant à instaurer de nouveaux droits de douane sur les importations chinoises, mesure largement perçue comme un alignement plus étroit sur la politique commerciale américaine.
M. Fan anticipe que d’autres pays suivront, en recourant aux droits de douane et aux barrières non tarifaires à mesure que le modèle chinois déstabilise davantage les marchés mondiaux. Pékin refusant de traiter les problèmes liés à sa surcapacité, il juge la montée des conflits commerciaux inévitable.

Ce modèle commercial peut‑il durer ?

Des évaluations récentes laissent penser que ce modèle n’a qu’un horizon limité. Dans l’édition 2025 de l’Indice de commerce durable publiée par la Fondation Hinrich et le World Competitiveness Center de l’IMD, la Chine se classe 16ᵉ sur 30 grandes économies, derrière plusieurs autres hubs asiatiques.
L’indice évalue les pays selon l’ouverture économique, la résilience sociale et la durabilité environnementale, trois dimensions sur lesquelles la Chine recule, note M. Chiou. Pékin accumule de lourds déficits budgétaires pour des résultats décroissants, son marché immobilier continue de se détériorer et les collectivités locales sont confrontées à des risques d’endettement croissants, tandis que la faiblesse des filets de sécurité sociale incite les ménages à épargner plutôt qu’à consommer.
« La stratégie du PCC consistant à pousser les exportations ne peut pas aller très loin », estime-t-il. Elle suppose que, dès lors que les produits sont expédiés à l’étranger, il y aura toujours des acheteurs, alors que la prospérité repose in fine sur la consommation intérieure : en Chine, les revenus tirés des exportations ne sont pas redistribués à l’ensemble de la population, et les citoyens ordinaires ne bénéficient guère des fruits de la croissance, ce qui affaiblit la demande domestique à mesure que la capacité de production s’accroît. Une fois que les partenaires commerciaux érigeront davantage de barrières, les exportations chinoises se heurteront à de sérieux obstacles.
« Renforcer les exportations fonctionnait il y a trente ans, mais l’époque a changé. L’expansion seule du commerce extérieur ne peut plus sauver l’économie. »
M. Fan dresse un constat tout aussi sombre. En bousculant à répétition les règles du commerce mondial, Pékin a provoqué une riposte internationale et le système finira, selon lui, par trouver un nouvel équilibre — nettement moins favorable à la Chine.
« Le PCC risque de traverser une période très sombre », prévient-il. « Car lorsque les marchés internationaux se fermeront et que la demande intérieure restera insuffisante, ce modèle s’effondrera ou sera contraint à une profonde transformation. Ce n’est qu’une question de temps. »

Des villas désertées dans une banlieue de Shenyang, dans la province du Liaoning, au nord-est de la Chine, le 31 mars 2023. (Jade Gao/AFP via Getty Images)