Procès de Ghislaine Maxwell : Teresa Helm, une des victimes, espère que justice sera enfin rendue

Par Charlotte Cuthbertson
1 décembre 2021 17:44 Mis à jour: 1 décembre 2021 17:44

Jeffrey Epstein a abusé d’elle et elle n’en a parlé à personne pendant 17 ans.

Teresa Helm avait 22 ans, et elle avait déjà rafistolé sa vie après avoir été abusée sexuellement par un membre de sa famille proche, dès l’âge de 8 ans.

« J’ai vraiment souffert en silence », confie Teresa Helm au magazine Insight d’Epoch Times.

Enfant, elle avait parlé à sa mère de ces abus dans l’espoir qu’elle les fasse cesser. Au lieu de cela, sa mère lui a demander de n’en parler à personne, et cela a continué pendant trois ans et demi.

« Je n’ai pas eu d’aide, même si j’ai continué à en demander. Et donc, après ce qui s’est passé avec Jeffrey, j’ai souffert en silence, comme je l’avais toujours fait », poursuit-elle.

En 2002, Teresa Helm quitte l’Ohio pour s’installer en Californie et s’inscrit dans une école de massothérapie, persuadée qu’un avenir radieux l’attend. Elle devient encore plus enthousiaste lorsqu’un camarade de classe, qui a une année d’avance sur elle, lui parle d’une possibilité d’emploi de massothérapeute itinérant. Intéressée, Teresa Helm est mise en relation avec une autre jeune femme, qu’elle rencontre ensuite à Santa Monica pour discuter de l’emploi.

« Nous nous ressemblions, nous avions le même âge, alors je me suis rapprochée d’elle », explique-t-elle. « Je n’ai jamais eu l’impression que ce qu’elle me disait n’était pas légal, ni ressenti de peur. »

Teresa Helm à l’âge de 21 ans. (Avec l’aimable autorisation de Teresa Helm)

Mme Helm reconnaît que la femme avait brossé un tableau phénoménal de ce que serait la vie d’une massothérapeute itinérante personnelle de « Miss Maxwell » – jets privés, grands chefs, accès aux meilleures formations dans le monde entier.

« Je dirais donc qu’elle a très bien fait son travail. Parce qu’au bout d’une heure environ de promenade sur la jetée, je me suis dit : ‘Wow. C’est vraiment génial. J’ai tellement de chance, c’est fait pour durer.' »

Voulant saisir cette incroyable opportunité, Teresa Helm confirme sa disponibilité. La femme l’informe qu’elle doit prendre l’avion pour New York et rencontrer Ghislaine Maxwell pour un dernier entretien.

Deux semaines plus tard, le voyage de Teresa Helm à New York est organisé – vols, chauffeur, appartement dans le quartier résidentiel de l’Upper East Side, un panier cadeau en attente.

« Je pars rencontrer Mme Maxwell. Je m’attendais à donner un massage, car c’était le but de l’entretien. Et tout avec Ghislaine Maxwell était normal et agréable, et elle était très polie. Sa maison était superbe. »

« J’ai été très impressionnée par elle, parce que c’est une femme qui parle très bien, et qui a manifestement du succès, comme en témoigne sa belle maison, avec au mur des photos de l’ex-président Bill Clinton. Et je me suis dit : ‘Wow, elle a vraiment quelque chose de spécial, elle a travaillé dur. Elle a accompli beaucoup de choses dans sa vie.' »

Teresa Helm  passe quelques heures dans la maison avant que Ghislaine Maxwell ne lui dise qu’elle va ensuite rencontrer Jeffrey, son partenaire.

C’est la première fois que Teresa Helm entend parler d’un partenaire, mais rien ne lui indique qu’elle doit se sentir alarmée ou qu’elle court un quelconque danger. Avec le recul, elle réalise que tous les signaux inquiétants semblaient normaux dans un tel contexte et donc mis de côté.

Même lorsque Ghislaine Maxwell lui dit de « donner à Jeffrey tout ce qu’il veut » pendant son massage parce qu’il « obtient toujours ce qu’il veut », Teresa Helme pense que Ghislaine Maxwell veut dire : « Fais du bon travail, parce qu’il a eu beaucoup de massages professionnels. »

« En raison de ma confiance envers [Ghislaine Maxwell] – elle a réussi à me mettre en confiance en quelques heures – j’ai littéralement pris les devants pour aller rencontrer l’homme de la maison, qui allait m’agresser », explique Teresa Helm.

« Je suis arrivée là, parce que ces trois femmes ont parfaitement fait leur travail et que je n’ai rien soupçonné. Quand je repense au fait que trois femmes m’ont piégé pour que je me fasse violée, c’est tout simplement dégoûtant. C’est un autre niveau de trahison. »

Teresa Helm raconte qu’Epstein l’a agressée dans son bureau pendant l’entretien et l’a menacée alors qu’elle courait hors de la maison, bouleversée et paniquée.

Choquée au plus haut point et pleine de honte, Teresa Helm retourne en Californie le jour suivant.

« La honte était écrasante, c’était paralysant », se souvient-elle. « J’avais tout simplement trop honte pour en parler. »

Sa vie s’effondre et, 3 mois plus tard, elle rompt son bail, abandonne ses études et retourne dans l’Ohio.

Pendant les 5 années suivantes, Teresa Helm tombe dans un schéma destructeur. Mais quelques semaines avant son 28e anniversaire, elle apprend qu’elle est enceinte, et sa vie va de nouveau changer, cette fois vers le positif.

« C’est ce qui a vraiment sauvé ma vie et l’a transformée », reconnaît-elle. « C’est la première fois que je me suis vraiment sentie valorisée. C’était comme le sentiment d’avoir un but. Et je savais que j’allais protéger mon enfant comme je n’avais jamais été protégée. »

« Ensuite, après l’avoir eu, j’étais si honorée d’être sa mère. Et puis ça a vraiment ressurgi, c’était presque comme de la haine envers ma mère et Jeffrey. La première année de la vie de mon fils a été très chargée en émotions pour moi. Et je voulais juste me retirer du monde et être une mère. Et c’est ce que j’ai fait. »

Le fils de Mme Helm vient d’avoir 14 ans, et elle a aussi une fille de 7 ans, dont elle s’occupe à plein temps.

Le monde a basculé

Un soir, alors qu’elle vit en Floride, Teresa Helm va sur Internet après avoir plier son linge. C’est en 2019, un jeudi soir, en juillet. Elle voit alors un article sur Epstein fraîchement arrêté pour trafic sexuel. Elle clique sur le lien et se retrouve face à son agresseur. À cet instant, elle réalise que « Jeffrey » et Epstein ne forment qu’une seule et même personne.

Stupéfaite, elle s’assied devant son ordinateur et poursuit ses recherches sur lui et Ghislaine Maxwell.

« Ma vie a changé, juste à ce moment-là. D’abord, ça a été une sorte de ‘re-traumatisme’. Ensuite, c’était comme si le monde basculait et changeait à nouveau. Depuis, c’est encore différent, comme si le monde avait encore changé. À partir de là, il n’y a plus de retour en arrière. Et il n’y en aura plus », affirme-t-elle.

« Parce que je ne savais pas qu’il y en avait d’autres [victimes]. Je ne savais pas que c’était quelque chose d’énorme avec ces gens. »

Le jour suivant, après un cours de yoga auquel elle se rend régulièrement, Teresa Helm fond en larme dans sa voiture, envahie par les émotions. Elle décide de rompre le silence.

L’occasion de s’exprimer se présente rapidement.

Epstein est retrouvé mort dans sa cellule au Metropolitan Correctional Center le 10 août 2019, un mois après son arrestation. Un médecin légiste conclut à un suicide par pendaison 9 jours plus tard.

Le juge new-yorkais, Richard Berman, est contraint d’arrêter les procédures en cours contre Epstein, qui concernent le trafic sexuel de dizaines de mineures dès 1995, mais pas avant d’avoir permis aux survivantes de s’exprimer.

Vingt-trois femmes témoignent au tribunal, soit en personne, soit par l’intermédiaire d’un avocat, le 27 août pour raconter comment elles ont été abusées sexuellement.

« Je me présente parce qu’il est temps d’apporter la lumière dans ces ténèbres, et il est temps de remplacer l’obscurité par la lumière », déclare Teresa Helm ce jour-là. Ce n’est que dans la matinée du procès qu’elle s’est finalement décidée à parler et à utiliser son nom publiquement.

Une autre victime, « Madame X n°9 » raconte comme elle a rencontré Epstein à  15 ans, en 2004.

« J’ai pris l’avion de Jeffrey Epstein pour me rendre au Zorro Ranch, où il m’a agressée sexuellement pendant de nombreuses heures », déclare la victime par l’intermédiaire d’un avocat. « Ce dont je me souviens le plus, c’est qu’il m’expliquait à quel point cette expérience était bénéfique pour moi et à quel point il m’aidait à grandir.  Horrible ! »

Le Zorro Ranch d’Epstein est au Nouveau Mexique. Il possédait également des propriétés de plusieurs millions de dollars à New York, en Floride et en France, ainsi que ses propres îles dans les Caraïbes, Little St. James Island et Great St. James Island. Epstein était faisait partie du gratin du monde de la mode et de la politique.

L’avocate Gloria Allred (à droite) et sa cliente Teala Davies, qui affirme avoir été victime d’abus sexuels par Jeffrey Epstein lorsqu’elle était mineure, lors d’une conférence de presse pour annoncer un procès à titre posthume d’Epstein, à New York, le 21 novembre 2019. (TIMOTHY A. CLARY/AFP via Getty Images)

Une autre victime, Chauntae Davies prend également la parole durant l’audience.

Elle raconte comment elle a été recrutée par Ghislaine Maxwell alors qu’elle suivait une formation en massage.

« Lors de ma première rencontre avec elle, je ne savais pas que j’avais été recrutée jusqu’à ce que, des années plus tard, je l’apprenne par les gros titres », précise Chauntae Davies.

Elle raconte que Ghislaine Maxwell et Epstein l’ont recueillie, envoyée à l’école et donné un travail.

« Ils m’ont fait voyager en avion autour du monde, m’ont fait découvrir un monde dont je n’avais fait que rêver et m’ont donné l’impression de faire partie de leur famille – une autre chose que je recherchais désespérément », explique Chauntae Davies.

« Mais la troisième ou quatrième fois que je les ai rencontrés, ils m’ont amené sur l’île de Jeffrey pour la première fois. »

Chauntae Davies raconte qu’un coup à sa porte tard dans la nuit indique qu’Epstein est prêt pour un autre massage, alors elle se rend avec hésitation à sa villa.

Alors qu’Epstein commence à l’agresser, elle le supplie : « Non, s’il te plaît, arrête ! »

« Mais cela semblait juste l’exciter davantage. Il a continué à me violer, et quand il a fini, il est allé prendre une douche. »

Chauntae Davies affirme qu’elle s’est enfuie de la villa en courant, qu’elle a pleuré jusqu’à s’endormir. De retour, elle passe deux semaines dans un hôpital de Los Angeles à vomir à cause d’un trouble neurologique déclenché par le stress, se manifestant par de violentes crises de vomissement.

« Les abus de Jeffrey allaient se poursuivre pendant les trois années suivantes, et j’ai laissé faire parce qu’on avait profité de moi toute ma vie et que j’avais été conditionnée à l’accepter. »

Une manifestante brandit une photo de Jeffrey Epstein devant le palais de justice fédéral de New York, le 8 juillet 2019. (Stephanie Keith/Getty Images)

Le procès de Ghislaine Maxwell

Teresa Helm rompt finalement le silence, et c’est un moment décisif.

Elle n’a pas pu voir Epstein faire face à ses accusations, mais elle est impatiente d’être au tribunal pour voir Ghislaine Maxwell.

Les agents du FBI arrêtent Ghislaine Maxwell dans sa propriété du New Hampshire le 2 juillet 2020. Elle est incarcérée dans une prison de Brooklyn depuis. Sa libération sous caution est refusée à plusieurs reprises, la juge Alison Nathan estimant qu’elle pourrait tenter de s’enfuir. Le procès, initialement prévu pour le mois de juillet 2021, est reporté au 29 novembre 2021. Il devrait durer 6 semaines. La sélection du jury a commencé le 16 novembre.

Ghislaine Maxwell est accusée de trafic sexuel d’enfants, de parjure et de détournement de mineurs alors qu’elle était une proche collaboratrice d’Epstein, selon un acte d’accusation complémentaire déposé dans le district sud de New York le 29 mars.

« Depuis environ 1994 au moins, jusqu’à 2004 environ, Mme Maxwell a aidé, facilité et contribué aux abus de Jeffrey Epstein sur des jeunes filles mineures, notamment en l’aidant à recruter, préparer et finalement abuser de victimes dont Ghislaine Maxwell et Jeffrey Epstein savaient qu’elles avaient moins de 18 ans », selon l’acte d’accusation.

« En outre, dans le but de dissimuler ses crimes, Mme Maxwell a menti à plusieurs reprises lorsqu’elle a été interrogée sur sa conduite, y compris en ce qui concerne certaines des victimes mineures décrites dans le présent document, lors de son témoignage sous serment en 2016. »

Virginia Giuffre (anciennement Virginia Roberts), l’une des accusatrices les plus connues d’Epstein, a affirmé dans une déposition de 2016 que Ghislaine Maxwell lui avait ordonné d’avoir des relations sexuelles avec un certain nombre d’hommes riches et puissants, dont des « présidents étrangers », un Premier ministre « bien connu » et « d’autres chefs d’État ».

Aucun des hommes nommés par Mme Giuffre dans ses témoignage n’a été inculpé. Tous ont nié les allégations.

Un officier de justice se tient à l’extérieur du palais de justice de Manhattan où les médias se sont rassemblés pour l’audience de mise en accusation de Ghislaine Maxwell, à New York, le 14 juillet 2020. (Spencer Platt/Getty Images)

Ghislaine Maxwell, généralement décrite comme une femme du monde d’origine britannique, continue à plaider son innocence malgré toutes les accusations. Dans une déposition de 2016, elle a affirmé ignorer totalement le sort qu’Epstein réservait aux jeunes filles.

Pendant la déposition, Mme Maxwell a été interrogée : « Jeffrey Epstein suivait-il un schéma pour recruter des filles mineures pour des massages sexuels ? Si vous le savez. »

Elle a répondu : « Je ne sais pas de quoi vous parlez », selon la transcription. « Je n’ai jamais vu Jeffrey se livrer à des activités inappropriées avec des mineures. »

Ghislaine Maxwell a reconnu que l’ancien président Bill Clinton avait voyagé dans l’avion d’Epstein, mais a nié avoir présenté le prince Andrew de Grande-Bretagne à des partenaires sexuelles mineures.

« Je suis prête à voir ce procès commencer », déclare Teresa Helm. « J’ai vraiment l’intention d’être là et de la regarder en face, et il est tout aussi important qu’elle me voie. »

Teresa Helm n’est pas nommée dans l’acte d’accusation et ne témoignera pas, mais cela n’a pas d’importance.

« J’espère que justice sera faite, qu’elle sera enfin tenue pour responsable et condamnée pour les crimes qu’elle a commis et pour les vies qu’elle a volontairement gâchées. C’est une femme qui a changé toute la trajectoire de ma vie et pas pour le mieux. »

Teresa Helm espère que Ghislaine Maxwell sera reconnue coupable de tous les chefs d’accusation et recevra la peine maximale.

« Je ne pense sûrement pas qu’elle mérite d’être à l’extérieur d’une cellule de prison », avoue-t-elle.

« Moi et d’autres filles, nous sommes à l’extérieur de ces barreaux, et pourtant nous n’avons pas encore totalement retrouvé notre liberté. J’espère donc qu’elle recevra la peine maximale. Elle ne mérite pas moins que ça. »

Mais Ghislaine Maxwell n’est-elle pas finalement qu’un bouc émissaire dans tout ce scandale ? Punie pour les crimes d’un autre ? Cette question revient régulièrement, et Teresa Helm y répond en ces termes :

« Non, je ne le pense pas. Elle savait ce qu’elle faisait. Elle n’a pas réfléchi à deux fois avant de le faire. Elle l’a fait à maintes reprises. Elle l’a fait… de manière vraiment magistrale, avec beaucoup de succès. »

« Vous ne contribuez pas à faciliter, dirigez et orchestrez l’un des plus grands réseaux de trafic sexuel sur ce globe, sur cette terre, sans savoir ce que vous faites et sans le faire intentionnellement. »

Une vue extérieure du Metropolitan Detention Center à New York, le 14 juillet 2020. (Arturo Holmes/Getty Images)

Selon l’acte d’accusation, Ghislaine Maxwell s’est liée d’amitié avec certaines des victimes mineures d’Epstein avant leur abus. Elle a dans certain cas pris soin de questionner les victimes sur leur vie, leur école et leur famille. D’autres fois,  Ghislaine Maxwell et Jeffrey Epstein emmenaient la victime faire du shopping ou au cinéma, payaient ses frais de voyage ou sa scolarité.

« Après avoir établi un lien avec la victime, Ghislaine Maxwell essayait de banaliser l’abus sexuel de la victime mineure, notamment en discutant de sujets sexuels, en se déshabillant devant la victime, en étant présente lorsque la victime mineure était déshabillée et/ou en étant présente lors d’actes sexuels impliquant la victime mineure et Epstein », indique le document judiciaire.

L’acte d’accusation poursuit qu’afin de « maintenir et d’augmenter son stock de victimes », Jeffrey Epstein, Ghislaine Maxwell et certains de leurs employés rémunéraient parfois les victimes elles-mêmes afin qu’elles recrutent d’autres filles pouvant être abusées.

En s’intéressant à la vie de Ghislaine Maxwell, en lisant comment elle avait perdu son père, dont elle était très proche, et rencontré Epstein peu de temps après, Teresa Helm a essayé de comprendre ce qui l’avait poussée à tout faire pour que des filles soient traumatisées à jamais

Mme Helm partage qu’elle a également perdu son propre père de façon inattendue il y a presque 7 ans.

« Il me manque encore incroyablement, et je ne suis pas là pour faire du mal aux gens. Il n’y a pas de préjudice, ou de tragédie qui justifie une telle déviation pour devenir littéralement un monstre. »

Les avocats de Ghislaine Maxwell n’ont pas répondu à une demande de commentaires d’Insight.

Jeffrey Epstein a évité les poursuites pénales pendant des années, ce qui soulève des questions quant à sa protection par les élites mondiales. En septembre 2007, il a conclu un accord de non-poursuite lui donnant l’immunité face aux nombreuses accusations de  crimes sexuels dans le district sud de la Floride.

Dans le cadre de cet accord, en 2008, il a finalement plaidé coupable face aux accusations de proxénétisme sur mineur et a été enregistré comme délinquant sexuel. Il a passé 13 mois en prison mais a bénéficié d’un placement à l’extérieur à raison de 12 heures par jour, 6 jours par semaine.

Les étapes du conditionnement

La préparation et le recrutement constituent des étapes cruciales dans l’industrie du trafic sexuel.

« Si le processus de conditionnement n’est pas réussi, il n’y a pas d’abus, car l’enfant ne va pas jusque-là », explique Mme Helm.

Jennifer Hill, directrice exécutive adjointe du Children’s Assessment Center de Houston, affirme que son organisation voit chaque année 5 000 enfants qui ont été victimes d’abus sexuels, que ce soit par des membres de leur famille ou par le biais du trafic.

Et il ne s’agit là que des enfants qui parlent. « Je pense que la plupart des gens ne le disent jamais, jamais. Et c’est ce qui est tragique », déplore-t-elle.

Jennifer Hill déclare qu’il est difficile de discerner combien d’enfants ne signalent pas les abus, mais les statistiques montrent qu’une fille sur quatre et un garçon sur six seront victimes d’abus sexuels avant l’âge de 18 ans.

Des événements courants – le divorce des parents, une rupture, l’intimidation ou le décès d’un membre de la famille – peuvent tous rendre un enfant vulnérable. De nombreux enfants victimes de la traite proviennent du système de placement en famille d’accueil. Mais les abus sexuels sont la source de vulnérabilité la plus courante pour les enfants victimes de la traite sexuelle – 70 à 90 % de ces enfants ont des antécédents d’abus sexuels, selon l’organisation anti-traite Path2Freedom.

Selon Jennifer Hill, le processus de conditionnement et de recrutement prend différentes formes, mais il implique d’être en contact avec la victime et de gagner sa confiance afin qu’elle accepte d’écouter cette personne et que celle-ci ait un certain contrôle sur son comportement.

Pour les enfants, il peut s’agir d’acheter des cadeaux, d’écouter leurs problèmes ou de les aider d’une manière ou d’une autre. De nos jours, une grande partie se fait en ligne par le biais d’applications de messageries, de médias sociaux ou de plateformes de jeux. Après l’abus, les enfants peuvent être menacés pour qu’ils gardent le silence.

Mme Hill espère que le procès Maxwell incitera d’autres victimes de traite et d’abus sexuels à se manifester. En tant qu’ancienne procureur dans des affaires d’abus sexuels sur des enfants, elle a déclaré que beaucoup d’abuseurs sont des enseignants ou des adultes de confiance dans la communauté, ce qui peut être intimidant pour les victimes.

Son organisation dispense des formations de sensibilisation aux forces de l’ordre, aux professionnels de la santé, aux professionnels de la santé mentale, aux enseignants et à la communauté sur la façon de reconnaître et de signaler la traite.

Selon Mme Helm, de nombreuses leçons peuvent être tirées de l’affaire Maxwell, « comme le fait qu’il peut s’agir d’une femme ».

« Cette femme m’a parfaitement préparée, magnifiquement. Et ce processus de conditionnement est si crucial pour que les parents puissent identifier que c’est ce qui arrive à leurs enfants. Ou pour qu’un enfant pense que cela pourrait lui arriver. Parce que ce processus de conditionnement est un tel transfert de pouvoir [et] une porte d’entrée vers l’abus. »

Au cours de l’année 2019, la ligne d’assistance américaine pour  les victime de la traite d’êtres humains a reçu des rapports sur 11 500 cas de traites d’êtres humains, représentant plus de 22 000 victimes. La Californie, le Texas et la Floride sont identifiés comme les trois États ayant les taux les plus élevés en matière de traite d’êtres humains. Rien qu’au Texas, plus de 79 000 enfants sont victimes du trafic sexuel, selon une étude de l’université du Texas à Austin.

« Il n’y a pas un seul code postal dans cette nation, pas un seul qui soit exempt du trafic », a déclaré Mme Helm.

« Cela se passe dans les milieux les plus riches, dans les milieux les plus pauvres et dans tous les milieux intermédiaires, ça a explosé en ligne. »

Une résidence appartenant à Jeffrey Epstein sur East 71st St, dans l’Upper East Side de Manhattan, à New York, le 8 juillet 2019. (Kevin Hagen/Getty Images)

La menace en ligne

Selon Tammy Toney-Butler, consultante en matière de lutte contre la traite des êtres humains pour Path2Freedom, aux États-Unis 55 % des victimes de la traite des êtres humains entrées dans la vie active à partir de 2015 ont rencontré leur trafiquant via une application mobile, un site Web ou par SMS.

Pendant la pandémie, les enfants travaillaient de chez eux en ligne du fait de la fermeture des écoles. Selon le National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC), les prédateurs sexuels ont saisi cette occasion pour intensifier leurs tentatives d’attirer des mineurs par Internet et une hausse spectaculaire du matériel pédopornographique a été attestée.

Le nombre de signalements de matériel pédopornographique en ligne remontés au NCMEC au cours des 6 premiers mois de 2020 a augmenté de 90 %. Ce qui représente plus de 12 millions se signalements, selon le centre. Les signalements de prédateurs attirant des mineurs ont augmenté de 93 % pour atteindre plus de 13 200.

Selon le rapport annuel du Human Trafficking Institute sur la traite des êtres humains, Facebook a été utilisé pour la plupart (59 %) des recrutements en ligne dans les affaires de traite sexuelle en cours en 2020.

Cela fait de Facebook « de loin le site Web ou l’application le plus fréquemment référencé dans les sources publiques liées à ces poursuites, ce qui était déjà vrai en 2019 », selon le rapport.

En juin, la Cour suprême du Texas a statué que Facebook pouvait être tenu pour responsable si des trafiquants sexuels utilisaient la plateforme pour s’attaquer à des enfants, estimant que le site de médias sociaux n’était pas un « no man’s land sans loi ».

Cette décision a été prise à la suite de trois procès intentés dans la région de Houston impliquant des adolescents victimes de trafic sexuel. Ceux-ci ont affirmé avoir rencontré leurs agresseurs par le biais du service de messagerie de Facebook. Les procureurs ont également déclaré que Facebook avait fait preuve de négligence en ne faisant pas davantage pour empêcher les trafiquants.

Le tribunal a statué que les victimes pouvaient poursuivre Facebook, estimant que la compagnie avait violé le Texas Civil Practice and Remedies Code (code civil texan) approuvé en 2009.

Selon Mme Toney-Butler, le revenu que les trafiquants peuvent tirer d’une seule victime peut atteindre les 400 000 dollars par an, et des survivantes ont déclaré avoir été contraintes d’avoir des rapports sexuels plus de 20 fois par jour alors qu’elles étaient enceintes de six à sept mois. Passées les 18 ans, les jeunes femmes sont souvent considérées par la société comme des « prostituées toxicomanes » plutôt que comme des victimes de trafic sexuelle, a-t-elle ajouté.

Un enfant, après avoir été entraîné dans le trafic sexuel, « ne vit que 7 ans avant de succomber à une telle situation », a déclaré Toney-Butler. Le suicide, l’overdose ou la violence sont les causes les plus fréquente de leur mort.

Teresa Helm (le plus à droite) avec trois autres victimes du trafic sexuel, (de gauche à droite) Cathy Hoffman, Sabrina Lopez et Nissi Hamilton, à Houston le 24 avril. (Kathleen O. Ryan)

L’avenir

Aujourd’hui âgée de 41 ans, Mme Helm garde espoir. En plus de s’occuper de ses enfants, elle défend farouchement les intérêts d’autres survivantes et leur sert de mentor. Elle est également consultante auprès d’organisations et d’hommes politiques pour s’assurer que les lois et les programmes sont axés sur les victimes.

« Aider les autres est la récompense ultime. Je n’ai pas été complètement brisée pour toujours. J’ai été brisée et je me suis reconstruite plus forte », explique-t-elle.

Elle fait référence à une ancienne forme d’art japonais appelée kintsukuroi, ou « réparer avec de l’or », qui consiste à réparer des céramiques cassées avec de l’or, les rendant ainsi plus solides et plus belles qu’auparavant.

« Et c’est un peu comme ça que je me vois, dans la mesure où je peux transformer cette douleur en un but et aider les autres – c’est l’ultime chose pour moi, être capable d’être assez forte pour aider les autres, les aider à changer leur vie, les aider à retrouver leur vie et leur force. »


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