Budget de la Sécu : Sébastien Lecornu écarte l’hypothèse d’un 49.3 malgré les demandes
Sébastien Lecornu a clairement fermé la porte à un recours au 49.3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale, malgré des appels de plus en plus pressants, exhortant les députés à la « cohérence » et à la « responsabilité » pour arracher un compromis in extremis.

Photo: THOMAS SAMSON/AFP via Getty Images
Le Premier ministre est intervenu dans l’après-midi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, alors que plusieurs composantes de la fragile coalition censée soutenir le gouvernement menacent de ne pas voter le texte.
Après le leader d’Horizons, Édouard Philippe, mardi, le patron des Républicains, Bruno Retailleau, a appelé mercredi Sébastien Lecornu à « assumer » le recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet l’adoption d’un texte sans vote si aucune motion de censure n’est adoptée. « Je suis persuadé que jamais les socialistes ne voteraient une censure. Donc pourquoi n’utilise-t-il pas ce que la Constitution lui permet ? », s’est-il interrogé.
Sébastien Lecornu a toutefois renoncé début octobre à recourir à cet outil constitutionnel afin de redonner la main au Parlement, un geste alors adressé aux socialistes qui, depuis, ne le réclament plus vraiment. « Il n’y aura pas d’utilisation du 49.3 de la Constitution et d’engagement de la responsabilité du gouvernement. Ça veut donc dire que vous avez la responsabilité finale de cette copie », a confirmé le chef du gouvernement aux députés.
Une majorité introuvable à l’Assemblée
Le Premier ministre a appelé les « différents présidents de groupes parlementaires » à « un moment de cohérence » pour parvenir à contenir le déficit de la Sécu « autour de 20 milliards d’euros », « ce qui est déjà absolument colossal ». Les députés, a-t-il mis en garde, ne peuvent pas vouloir « des dépenses » ou « refuser de faire des économies » tout en multipliant les niches fiscales « qui par définition vont priver la Sécurité sociale de recettes », pointant les demandes contradictoires des groupes censés chercher un compromis.
Les points de friction demeurent nombreux, à gauche comme à droite, et même au sein du camp présidentiel. Les députés repartent de la copie du Sénat, qui a profondément remanié le texte en écartant la suspension de la réforme des retraites, concédée par le gouvernement en échange de la non-censure du PS. Si cette suspension devrait être réintégrée à l’Assemblée, un autre sujet crispe les débats : la hausse de la CSG sur les revenus du capital, à laquelle LR et Horizons s’opposent.
La CSG sur le capital au cœur des tensions
« Un budget dans lequel il y a des augmentations d’impôts, je ne le voterai pas », a affirmé le chef des députés LR, Laurent Wauquiez, sur TF1. Les socialistes défendent au contraire cette mesure, qui rapporterait 2,8 milliards d’euros et permettrait de financer certaines dépenses, y compris la suspension de la réforme des retraites. « Augmenter la CSG sur les revenus du capital, c’est mettre à contribution le patrimoine plutôt que le travail pour épargner les retraités, les malades, les personnes en situation de handicap », a répliqué le président des députés PS, Boris Vallaud, à son homologue LR.
Sébastien Lecornu a néanmoins assuré ne pas vouloir « que les petits épargnants soient touchés dans le cadre de ce débat sur le patrimoine », demandant à Bercy de trouver des aménagements en ce sens. Cette ligne de crête complique un peu plus la recherche d’un accord, pris en étau entre la volonté de préserver les plus modestes et les exigences de rigueur budgétaire.
Retraites gelées et risque de vide budgétaire
Autre piste évoquée par la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon : un gel de la revalorisation d’une partie des retraites, au-dessus de 1400 euros, comme l’a voté le Sénat, alors que les députés avaient validé un dégel total en première lecture. Mais rien ne garantit que l’Assemblée s’en satisfera. Un cadre socialiste jugeait ainsi mardi « non négociable » un « dégel total des retraites », tout comme la cheffe de file des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, pour qui « le gel partiel des retraites, c’est non ». Pas sûr, non plus, que les députés LR se rallient à la position de leurs homologues sénateurs.
L’Assemblée doit se prononcer mardi sur l’ensemble du texte, mais l’heure de vérité pourrait survenir plus tôt, les députés devant d’abord voter sur la partie recettes, potentiellement dès jeudi. Si celle-ci était rejetée, elle emporterait l’ensemble du projet de loi, laissant peu d’espoir de voir un budget de la Sécu adopté avant le 31 décembre. En l’absence de budget, le déficit de la Sécurité sociale pourrait filer jusqu’à 30 milliards d’euros, prévient le gouvernement. C’est pourquoi, pour le président du groupe MoDem, Marc Fesneau, « la meilleure solution reste le 49.3 car personne ne veut assumer ce budget ».

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