Cinq règles implicites du système légal chinois

17 juillet 2016 13:01 Mis à jour: 25 octobre 2016 04:51

Pour le monde extérieur, le régime chinois semble maintenir un système légal opératif, lui-même renforcé par l’État de droit. Cependant pour quiconque étant passé par ce système, l’impression vécue en est tout à l’opposée.

L’avocat canadien Clive Ansley, un locuteur du mandarin et spécialiste en droit chinois, a raconté à Epoch Times l’histoire d’un juge canadien qui a visité la Chine. Quand ce juge est retourné au Canda, il a raconté à 300 avocats de la Cour comme le système judiciaire chinois « est si loin devant nous » car le Palais de justice qu’il a visité était entièrement orné de marbre avec des écrans plasma.

Ce que le juge n’a pas compris, dit Ansley, c’est que les décisions du Palais de justice sont décidées par les politiques et non par les juges, et ce en dépit des termes de nouvelles lois écrites par le Parti ce en dépit des termes de nouvelles lois promulguées par le Parti communiste chinois (PCC), disant qu’aucune loi ne se tient au dessus du régime.

Ce que les commentaires d’Ansley dénoncent c’est une série de règles non écrites qui sont à la base du système légal chinois. Nous énoncerons ici cinq de ses « lois » comme les ont identifié les avocats chinois en se basant sur leurs expériences personnelles.

1. Les jugements sont décidés avant l’audience

Le professeur He Weifang de l’École de Droit de l’Université de Pékin explique sur son blog comment les audiences, et tout particulièrement les plus importantes, sont des représentations théâtrales.

« Le jugement de certaines affaires importantes a été décidé avant l’audience en accord avec les membres haut placés de la cour, le procureur général et la sécurité publique. L’audience finale n’est qu’un spectacle. »

Zhou Binqing, un célèbre avocat de la propriété intellectuelle sur internet, a dit à Epoch Times : « Lorsque je suis devenu avocat, je préférais les affaires criminelles car elles nécessitent beaucoup de travail. Mais après quelques dossiers, j’ai compris que les avocats étaient inutiles dans ces affaires. Cela se passe souvent de telle façon qu’alors que les avocats sont encore en train de débattre, le verdict a déjà été rendu. Peu importe comment l’avocat est bon devant la cour, l’issue finale a déjà été prédéterminée. »

2. Les plus gros pots-de-vin gagnent

L’avocat Xu Shurong de l’École de Droit de Sichuan Construction a partagé avec Epoch Times qu’il n’avait pris aucun nouvelle affaire sur une longue période, ayant découvert que le système légal était si corrompu qu’il en devient impossible d’y travailler.

« À Chengdu, la capitale du Sichuan, le facteur décisif pour remporter une affaire est de payer aux magistrats impliqués un montant équivalant au tiers de la somme demandée par le plaignant. C’est la règle non exprimée du système légal chinois. Qui paye le plus, gagne. Dans une affaire que j’ai plaidé, la partie civile a donné plus de 200 000 yuan [30 000 €].

3. Les avocats sont défavorisés

Xu explique également comment les avocats en Chine forment une population défavorisée.

« Les avocats chinois font partie de la couche sociale la plus défavorisée, ils n’ont pas de salaire régulier ou d’assurance. Après avoir été payés pour une affaire, ils doivent payer 6,8% de taxe sur l’affaire, le cabinet qui les emploient prend 30% de la somme, et ils leur faut encore payer un impôt sur le revenu sur ce qu’il reste. Ils doivent également supporter par eux-mêmes les coûts d’une affaire, comme l’hébergement et les factures de téléphone, ce qui ne leur laisse au final pas beaucoup d’argent.

Xu a donné l’exemple d’un client qui a refusé de le payer, même après avoir gagné le dossier – qui concernait un refus de payement. Dans cette affaire, il représentait une compagnie privée qui avait fait un projet hydraulique pour l’administration locale mais qui n’a été payé la somme due. « Ils sont allés au tribunal et ont gagné l’affaire, mais ne pouvaient pas toucher l’argent. J’ai pris l’affaire et les ai aidés. La compagnie a pourtant décidé de retenir mon payement, et ne m’a versé que la moitié de la somme. »

L’avocat en propriété intellectuelle Zhou Binqing raconte également comment le dysfonctionnement du système a créé une nouvelle niche. « De nos jours, de nombreux avocats ne peuvent pas avoir de dossiers intéressants – les plus lucratives sont monopolisées par des avocats avec le bagage approprié. Il y a une nouvelle branche d’avocats en Chine s’appelant les « avocats sources ». Au lieu de s’occuper d’un certain type d’affaires, ils font marcher leurs relations publiques pour apporter des affaires aux avocats travaillant pour eux. Ces derniers touchent un salaire versé par les avocats sources.

4. Les relations font gagner les affaires, pas les conseils juridiques

Li Tiantian, un avocat de Shanghai, a reçu sa carte d’avocat en 1997. À l’époque, dit-il, il a eu du mal à démarrer car il n’avait pas d’amis dans la sécurité publique, au parquet ou à la Cour.

Un dossier dont il s’est occupé concernait l’un de ses professeurs à l’université, qui a donné naissance à des jumeaux. Les bébés sont morts en raison de la négligence de l’hôpital. La première décision de la Cour a été de faire payer 100 000 yuan [15 000 €] à l’hôpital. La seconde décision de la cour a demandé à l’hôpital un versement de 30 000 yuan [4 000 €] car, dit-il, l’avocat de l’hôpital aurait été un ancien juge en chef.

Li confie ne plus vouloir être avocat, après avoir vécu de nombreuses déceptions en espérant une justice équitable.

« Pour être un avocat en Chine, les relations sont le plus important, si ce n’est la règle. J’entends souvent des avocats avec de l’expérience dire que le verdict sera favorable si le juge est soudoyé avec de la bijouterie de luxe, » s’est-il exprimé.

5. Les intérêts du Parti sont primordiaux

M. Chen, un avocat de la province du Jiangsu, raconte qu’au cours des dernières années la justice s’est progressivement retirée devant les intérêts du Parti.

« Il y a une injonction venant du Parquet populaire suprême qui dit : « L’intérêt du Parti est le plus important, l’intérêt du peuple est le plus important. » En réalité, une fois que les intérêts du Parti sont considérés comme le plus important, cela ne laisse pas de place pour la justice ou les intérêts du peuple, » explique Chen.

Les directives viennent directement du Ministère de la Justice. « Quand le ministre de la Justice fait un discours, au lieu d’inciter les avocats à appliquer la loi et à protéger la justice, il insiste sur le fait que ceux ci devraient considérer la grande échelle et être aux ordres  Lorsqu’ils font face à des affaires sensibles, comme des soulèvements ou des affaires concernant le Falun Gong, les avocats sont tenus de le rapporter à leurs supérieurs et d’avoir leur accord. En réalité, les avocats ne sont pas autorisés à prendre de telles affaires. »

Chen décrit un dossier sur le Falun Gong qu’il a traité il y a quelques années. Il dit avoir été harcelé pour avoir défendu les pratiquants de cette discipline sprituelle diffamée. Le Falun Gong est interdit par le Parti communiste, qui a créé un organe extrajudiciaire pour en « éradiquer » la pratique, sans qu’il n’y ait de lois écrites à ce sujet dans les livres chinois.

« La Cour a condamné un accusé à 13 ans d’emprisonnement et trois autres à 6 ans, » rapporte Chen. « J’ai été menacé à de nombreuses reprises et on m’a ordonné de ne plus prendre d’affaires sur le Falun Gong. »

Version anglaise : Five Unspoken Rules of China’s Legal System

Version chinoise : 【新纪元 】大陆律师揭行业潜规则

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.