Dieselgate : trois associations attaquent l’État français pour inaction

Le pot d'échappement d'une voiture diesel, le 1er mars 2013
Photo: FRED TANNEAU/AFP via Getty Images
Trois organisations de défense des droits – France Nature Environnement (FNE), CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) et ClientEarth – viennent officiellement de saisir le tribunal administratif parisien d’un recours sans précédent visant les carences de l’État français face au scandale des moteurs diesel truqués.
Cette démarche juridique, révélée simultanément par Le Monde et la cellule investigation de Radio France, constitue une première tentative de contraindre judiciairement les autorités françaises à prendre des mesures concrètes dans ce dossier majeur de santé publique et environnementale.
Des exigences fermes avec sanctions financières à la clé
Le recours déposé ne se contente pas de pointer les insuffisances étatiques. Les trois associations formulent des demandes précises et assorties de contraintes temporelles strictes. Elles réclament du tribunal administratif une reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État, accompagnée d’un ordre d’exécution de mesures correctives dans un délai de six mois maximum.
En cas de persistance de l’inaction gouvernementale, les associations proposent l’application d’une astreinte financière considérable : 50 millions d’euros par semestre. Cette proposition vise à créer une pression économique suffisante pour forcer l’action publique.
Un bilan sanitaire et économique catastrophique
Les données chiffrées présentées par les associations dessinent un tableau alarmant de la situation française. Selon une analyse du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), les émissions polluantes illégales auraient provoqué 16 000 décès prématurés sur le territoire national entre 2009 et 2024. Le coût économique associé à cette crise sanitaire s’élève à 101 milliards d’euros.
Ces chiffres prennent une dimension particulièrement préoccupante quand on considère que, d’après les associations, plusieurs millions de véhicules diesel équipés de systèmes de contournement des normes environnementales continuent de circuler quotidiennement sur les routes françaises.
Des bénéfices sanitaires futurs quantifiés
L’analyse prospective menée par les organisations plaignantes révèle l’ampleur des gains sanitaires potentiels. Si l’État imposait effectivement aux constructeurs automobiles une mise en conformité obligatoire des véhicules concernés, il serait possible d’éviter 8 000 décès supplémentaires et 8 000 nouveaux cas d’asthme infantile d’ici 2040.
Ces projections soulignent l’urgence sanitaire et l’enjeu de santé publique que représente une action gouvernementale déterminée dans ce dossier.
L’épuisement des voies de dialogue
Gautier Rolland, conseiller juridique de ClientEarth, justifie le recours à la justice par l’échec des tentatives de concertation : « Cela fait plusieurs années que nous avons engagé des discussions avec le gouvernement, mais ces démarches sont restées vaines. Nous nous tournons désormais vers le tribunal administratif de Paris pour que justice soit faite. »
Cette déclaration illustre la frustration des associations face à ce qu’elles perçoivent comme une forme d’impunité accordée aux constructeurs automobiles par les autorités françaises.
Contexte international et procédures judiciaires en cours
L’affaire Dieselgate trouve ses origines dans les révélations de 2015 concernant Volkswagen. L’agence environnementale américaine avait alors accusé le constructeur allemand d’avoir équipé 11 millions de véhicules d’un logiciel frauduleux, permettant de masquer leur niveau réel de pollution lors des tests d’homologation en laboratoire.
En France, la justice a engagé des procédures contre quatre grands constructeurs : Volkswagen, Peugeot-Citroën, Renault et Fiat-Chrysler. Le parquet de Paris a requis des procès pour tromperie, bien que la décision finale appartienne aux juges d’instruction. Tous les constructeurs visés contestent les accusations portées contre eux.
La Répression des fraudes (DGCCRF) avait documenté dès 2016 des écarts considérables, atteignant 377% pour certains modèles Renault, entre les performances affichées en laboratoire et celles observées en conditions réelles d’utilisation. Un rapport de 2017 sur PSA évoquait même une « stratégie globale visant à fabriquer des moteurs frauduleux, puis à les commercialiser ».
Le Communiqué des associations
« Les trois associations France Nature Environnement, CLCV et ClientEarth demandent au tribunal administratif de Paris de reconnaître la responsabilité de l’État et d’ordonner des mesures suffisantes à mettre en place sous 6 mois, sous peine d’une astreinte de 50 millions d’euros par semestre en cas d’inaction persistante. »
Avec Afp

Articles actuels de l’auteur









