[Édito] Trois jours au soleil

Par La Rédaction
5 septembre 2021 19:14 Mis à jour: 29 avril 2023 18:22

La cité qui, en 2021 et suite à la visite présidentielle, devient un « laboratoire » du travail gouvernemental sur l’école, la sécurité, et contre le trafic de drogues est née il y a plus de 2500 ans comme colonie d’anciens Grecs chassés par l’Empire perse.

Marseille, belle, blanche par ses calanques, sa basilique et son soleil, a malheureusement enterré sous le béton les traces de ce grand passé en même temps que, paraît-il, beaucoup de ceux qui gênaient la pègre locale. Elle qui était l’une des grandes places du commerce mondial – lorsque le monde était la Méditerranée – et quand Paris n’était encore qu’un village de paysans, elle qui voyait toutes les cultures se croiser et s’enrichir, est devenue, après des décennies de corruption et de clientélisme, un endroit à éviter. Depuis bien longtemps, la bourgeoisie-chic va vivre à Aix où, voyez-vous, l’on peut circuler sans croiser de dealers et où les écoles instruisent des enfants bien peignés.

Le président Macron, toujours en campagne, a inauguré début septembre un format d’intervention particulièrement novateur en passant trois jours complets dans la deuxième ville de France. Il y a évoqué successivement l’insécurité, l’urbanisme, la mixité sociale, l’école, la défense de l’environnement… Ses futurs concurrents à la présidentielle de 2022 n’ont pu que subir et tenter de suivre le rythme, chacun évoquant un « hasard du calendrier » pour justifier sa présence dans la cité phocéenne. Tout le monde est allé se faire voir à Marseille.

Malgré cela, le président a réussi ce que les Américains appelleraient un home run, c’est-à-dire un carton plein : s’il a bien, comme il se doit dans chaque déplacement d’un grand élu en fin de mandat, été un peu hué, il n’est pas arrivé comme un ennemi dans la ville rebelle. Louis XIV avait, lui, dû l’assiéger pour pouvoir y pénétrer, mais c’était avant l’invention du football. Supporter affiché de l’OM, Emmanuel Macron avait quasiment déjà les clés de la ville entre les mains tant le club est charnellement lié au cœur des Marseillais. Le président, que certains décrivaient comme usé et fébrile, a encore une fois pris tout son monde à contre-pied, avec une maîtrise aiguë de la manipulation des symboles : il ne pouvait rêver meilleur oratoire que Marseille, éternelle adversaire de Paris, berceau des Raoult et autres pourfendeurs de l’ordre établi. Parler depuis Marseille, c’était parler à toute la partie de la France qui n’en peut plus des « nantis du 7e arrondissement » de Paris. Investir à Marseille, c’était dire à la France des gilets jaunes qu’elle existe, qu’elle est importante … et qu’elle vaut 1,5 milliard d’euros.

Le grand « plan banlieue » de Marseille sera donc probablement un reflet amoindri de celui que Jean-Louis Borloo avait proposé de déployer au niveau national, et dont les recommandations avaient rejoint la montagne des rapports d’experts commandés, puis oubliés.

On pourrait voir trop de sens tactique dans l’instant marseillais d’Emmanuel Macron, s’interroger sur les motivations cachées du Président. Mais celles-ci sous-tendent, après tout, tous les discours politiques : on les trouve à l’extrême-gauche où Jean-Luc Mélenchon comme Florian Philippot cherchent une « chimie de cristallisation » qui rassemblerait les mécontents autour d’eux. Elles sont à droite aussi, où tous guettent la chute annoncée de Marine Le Pen en espérant devenir à leur tour le « seul espoir de salut » des patriotes et des libéraux.

La tactique est partout, qu’elle serve donc à ceux qui vivent par elle. Tournons-nous plutôt vers une des annonces du président Macron, loin des quartiers Nord de Marseille et de leurs kalachnikov : les zones marines protégées sur la côte méditerranéenne seront multipliées par 20 d’ici à 2027. L’océanographe François Sarano, un ancien de chez Cousteau, ne boude pas son plaisir et visiblement trouve l’annonce bien plus importante que celle des futures lignes du tramway marseillais. Sur France info, ses mots parlent au cœur (ajoutez un peu d’accent chantant) : « Il faut que les gens se reconnectent avec la nature. Comment voulez-vous que quelqu’un puisse penser changer de mode de vie, arrêter de jeter des plastiques et protéger les espèces s’il ne les connaît pas ? Ce sera aussi une bonne école de la vie en société, parce que la rencontre avec un animal sauvage est tellement difficile qu’elle vous apprend à rencontrer tout le monde, à aimer tout le monde. » Réapprendre à vivre connecté avec le monde vivant, ce serait donc là la solution, y compris pour les quartiers Nord de Marseille ? On aurait presque envie de crier : Sarano, Président !

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