EXCLUSIF – L’ancien agent du FBI qui a refusé de perquisitionner un suspect du 6 janvier met en garde contre l’instrumentalisation de l’agence

Les objections constitutionnelles de Stephen Friend du 6 janvier l'ont conduit à quitter le bureau

Par Joseph M. Hanneman
29 avril 2023 13:45 Mis à jour: 29 avril 2023 18:03

Les circonstances extraordinaires appellent des mesures extraordinaires, a-t-on dit à Stephen Friend.

Pourquoi ne voudrait-il pas – comme agent spécial du FBI – traquer et emprisonner les émeutiers qui ont tué des policiers au Capitole le 6 janvier 2021 ?

La question, ses motifs et son bien-fondé étaient tout aussi troublants lorsqu’ils ont été formulés à Stephen Friend par un supérieur du FBI le 23 août 2022.

« J’ai répondu qu’aucun policier n’avait été tué par l’un des individus accusés de violences au Capitole le 6 janvier », se souvient-il.

Stephen Friend, qui venait d’être transféré de l’Iowa au FBI en Floride, venait de déposer une plainte contre ce qu’il considérait être une tactique musclée contre les suspects liés aux événements du 6 janvier en Floride. Assis avec un agent spécial adjoint du FBI, il a senti qu’il devait corriger certaines informations erronées utilisées pour justifier ces tactiques.

Stephen Friend, ancien agent spécial du FBI, lors d’une interview accordée à Epoch Times pour un documentaire à paraître sur les événements du 6 janvier. (Paulio Shakespeare/Epoch Times)

« Il a marqué une pause de quelques secondes, comme s’il s’agissait d’une nouvelle information pour lui », a déclaré M. Friend à Epoch Times. « Cela ne lui a jamais traversé l’esprit. »

Il n’est jamais facile d’être un objecteur de conscience.

Stephen Friend a pris ce chemin de traverse car il était inquiet des véritables motifs du FBI derrière le recours à une équipe tactique pour arrêter un suspect ayant commis un délit mineur le 6 janvier. Un tel recours à la force contre un sujet non violent soulevait des questions constitutionnelles dans son esprit.

« J’ai prêté serment »

« J’ai dit que j’avais prêté serment », a déclaré M. Friend lors du tournage d’un documentaire d’Epoch Times sur les événements du 6 janvier 2021. « Et même si je suis conscient qu’un mandat d’arrêt est un ordre légal émanant d’un juge, j’ai prêté serment de protéger la Constitution. »

« J’ai eu le sentiment que le fait de ne pas suivre les règles de la procédure [usuelle du FBI] constituait une violation potentielle du sixième amendement relatif à la régularité de la procédure. »

La personne arrêtée en question avait déjà été en contact avec le FBI. Il a été interrogé par des agents du FBI. Pourtant, les plans pour son arrestation étaient de la plus haute intensité.

« Il y a toute une série de méthodes que l’on peut utiliser pour mettre quelqu’un en garde à vue sans faire appel à une équipe tactique », explique M. Friend. « Il s’agit vraiment du niveau le plus élevé de l’application de la loi. »

On aurait accusé M. Friend d’être un « mauvais membre de l’équipe » et demandé de ne pas se présenter au travail le lendemain. Il a ensuite été considéré comme « absent sans permission » (AWOL). En peu de temps, son habilitation de sécurité a été suspendue. Le 19 septembre 2022, il a été suspendu de son emploi. Ses revenus sont tombés à zéro. Il n’est pas autorisé à chercher du travail à l’extérieur.

Ses convictions allaient être sérieusement mises à l’épreuve.

L’objection relative à l’usage de la force n’a été que le début des problèmes de M. Friend avec le FBI. Il avait déménagé sa famille en Floride principalement pour travailler sur des enquêtes relatives au trafic d’êtres humains, un sujet qui lui tenait à cœur.

Le trafic sexuel des mineurs et des jeunes adultes est devenu une crise nationale urgente, a-t-il déclaré. Cependant, il a été réaffecté à la Force opérationnelle de lutte contre le terrorisme (Joint Terrorism Task Force, JTTF), chargée d’enquêter et de traquer les suspects liés aux événements du 6 janvier.

L’ancien agent spécial du FBI Stephen Friend à son domicile de Daytona Beach, en Floride, le 28 octobre 2022. (Paulio Shakespeare/Epoch Times)

Il a également dénoncé ce qu’il considère être un écart vis-à-vis des protocoles réguliers de gestion des cas par le FBI. Selon lui, il y a instrumentalisation pour créer l’illusion que le « terrorisme domestique » est un problème beaucoup plus important qu’il ne l’est en réalité.

« Ils ont choisi d’ouvrir des centaines de dossiers et de les répartir dans tout le pays », a déclaré M. Friend. « Cela donne l’impression que le terrorisme domestique est une menace nationale. En réalité, les chiffres avancés par le FBI proviennent d’un seul incident survenu un jour donné. »

« C’est un problème pour le pays », a-t-il ajouté. « Le FBI est censé défendre la loi et l’ordre, mais au lieu de cela, nous alimentons des tensions. »

M. Friend affirme qu’il peut s’asseoir à la même table qu’une personne ayant des opinions politiques opposées et avoir une conversation respectueuse sur l’impôt sur les sociétés ou sur un autre sujet.

« Cette personne n’aura jamais cette conversation avec moi si elle pense que je suis un membre des talibans », a-t-il déclaré. « Le FBI contribue à cette division en faisant croire au reste du pays que la moitié de ses citoyens sont des terroristes domestiques. Nous ne serons jamais en mesure d’avoir les conversations nécessaires pour aborder des questions vraiment importantes. »

Au moment de publier l’article, les responsables du FBI n’ont pas répondu à une demande de commentaire sur l’affaire de M. Friend formulée par Epoch Times.

Le FBI a toutefois exprimé de sérieuses inquiétudes concernant le livre à paraître de Stephen Friend, intitulé « True Blue : My Journey from Beat Cop to Suspended FBI Whistleblower » (Véritable loyauté : mon parcours, de policier à lanceur d’alerte du FBI suspendu, ndr).

Dans une lettre envoyée par courrier électronique à M. Friend le 21 avril, le FBI a demandé la rétraction de 36 pages de son livre, y compris l’entièreté des pages 85 à 110. M. Friend affirme qu’il n’a pas l’intention de rétracter des sections de son livre.

« Votre manuscrit a été examiné conformément aux dispositions de la [politique d’examen avant publication] et nous avons conclu que certaines des informations présentées relèvent d’une zone de divulgation restreinte », a écrit Joseph E. Bender Jr, chef par intérim de la section Record/Information Dissemination (diffusion des dossiers et des informations) du FBI.

« L’approbation de la prépublication est subordonnée à la suppression des informations caviardées, comme indiqué dans la version ci-jointe. Il n’y a pas d’objection au reste de votre travail, tel que présenté. »

La procédure mène systématiquement à la punition

M. Friend se dit également troublé par la façon dont la « procédure » traitant des cas liés au 6 janvier aboutit à une punition de tous les suspects avant même qu’ils ne comparaissent devant un tribunal.

« Pour de nombreuses personnes interrogées par le FBI, il n’y a pas de dossier à monter contre elles si leur cas est lié aux événements du 6 janvier », a-t-il déclaré. « Il peut s’agir d’une source anonyme, pour lequel il n’y a pas d’informations GPS sur le téléphone portable, ni de logiciel de reconnaissance faciale. Le FBI frappe tout de même à la porte de cette personne. C’est un stress excessif pour n’importe qui [se trouverait dans cette situation]. »

Stephen Friend a interrogé un suspect qui a assisté au discours du président Donald Trump à l’Ellipse le 6 janvier 2021, puis s’est rendu à pied au Capitole. Il a demandé à la police du Capitole s’il pouvait entrer et on lui a répondu que c’était possible.

« Il n’a même pas dépassé la corde de velours rouge », a déclaré M. Friend. « Il a marché jusqu’au Capitole pendant quelques minutes et est sorti. Nous lui avons demandé : ‘Avez-vous pris quelque chose ?’ Il nous a dit, en s’excusant, qu’il avait pris une brochure gratuite mise à la disposition des personnes qui visitaient le Capitole. Il l’avait prise comme souvenir. »

« Cet homme m’a raconté cette histoire à l’intérieur d’un cabinet d’avocats, ce qui, j’en suis sûr, n’a pas été gratuit pour lui. Il nous a également dit que c’était la plus grosse erreur de sa vie parce que cela lui a fait perdre son emploi. Il n’ira peut-être jamais en prison, et s’il y va, la peine sera probablement minime. »

« Mais même s’il n’est jamais incarcéré, même s’il n’est jamais accusé d’un crime, il a été puni. Pour moi, c’est une erreur. »

« Un mélange toxique »

La plupart des agents du FBI considèrent le cas de certaines personnes liées aux événements du 6 janvier 2021 comme une affaire criminelle, a déclaré M. Friend.

« Nous sommes tous parfaitement conscients qu’il y a eu une tendance à inculper excessivement, à acculer les gens au pied du mur et à essayer d’attraper tout le monde », a-t-il déclaré. « Le message que nous avons entendu est que le FBI veut inculper le plus grand nombre de personnes possible en raison de la gravité de ce qui s’est passé le 6 janvier. »

« Il s’agit d’une mauvaise affectation des ressources », a déclaré M. Friend. « Je pense que c’est ce qui arrive lorsque l’agenda politique s’allie à l’opportunisme. Il y a quelques personnes qui croient réellement, quelques personnes qui pensent sincèrement, que le 6 janvier a été le pire jour de l’histoire du pays. D’autres estiment qu’il n’a s’agit que d’une perturbation de quatre heures. »

« Ceux qui y croient réellement se sentent investis d’une mission juste. Pour d’autres, il s’agit de mener l’affaire la plus importante qu’ils auront à traiter au cours de leur carrière au FBI. Et il leur incombe de s’en saisir s’ils veulent être promus, récompensés, ou autres. »

« Lorsqu’il y a un incitatif [financier ou professionnel], combiné à des individus persuadés [de ce narratif], cela conduit à un mélange toxique. »

Pour Stephen Friend, être agent spécial du FBI était le métier de ses rêves. Après avoir obtenu un diplôme à l’université de Notre Dame, il a trouvé sa voie dans les forces de l’ordre en 2009. Il a travaillé comme officier de police assermenté à Savannah et Pooler, en Géorgie, pendant quatre ans avant de rejoindre le FBI en 2014.

Pendant sept ans, il a enquêté sur des crimes violents dans les réserves indiennes du nord-est du Nebraska avant d’être muté à Daytona Beach, en Floride, pour enquêter sur des crimes commis contre des enfants.

« C’est tout ce que j’ai toujours voulu faire », a déclaré M. Friend. « Et pendant huit ans, j’ai pu le faire. J’ai vraiment l’impression d’avoir fait du bon travail. Je ne suis certainement pas un employé perturbateur qui cherche à brûler le pont derrière lui en passant la porte. »

M. Friend a déclaré avoir toujours tenu la politique à l’écart de son travail de police. Toutefois, au début de l’année, la politique de Washington l’a interpellé.

En février, il a été invité à participer à un entretien transcrit avec la sous-commission de la Chambre des représentants sur l’armement du gouvernement fédéral. M. Friend a démissionné du FBI le jour de son témoignage, ce qui lui a permis de partager ses préoccupations au Congrès.

Selon M. Friend, la majorité républicaine lui a permis de raconter son histoire et de partager ses préoccupations au sujet du FBI. La minorité démocrate a accusé Stephen Friend et d’autres personnes, d’épouser des « théories du complot » plutôt que d’apporter des preuves, comme l’indique par la suite leur rapport de 300 pages, dont des sections « triées sur le volet » ont été divulguées à des médias amis.

Une commandite, un livre, une escroquerie ?

On a qualifié M. Friend d' »escroc », car, après avoir perdu son salaire à six chiffres au FBI pendant sa suspension, il a reçu une allocation de 5000 dollars d’une organisation caritative dirigée par Kash Patel, ancien collaborateur de Trump et personnalité d’Epoch TV.

Un avocat démocrate a présenté à Stephen Friend une photo d’un suspect lié aux événements du 6 janvier portant un casque et un gilet pare-balles. Il lui a demandé : « Pensez-vous que cette personne est allée là-bas ce jour-là pour faire quelque chose de bien ? », se souvient M. Friend.

Stephen Friend, ancien agent spécial du FBI, a déclaré que travailler au FBI était le métier de ses rêves. (Avec l’aimable autorisation de Stephen Friend)

« Il a l’air mauvais », a répondu M. Friend à la commission. « Il a probablement fait de très mauvaises choses ce jour-là. Il devrait probablement être arrêté et inculpé pour cela. Ce serait vraiment dommage de perdre un procès parce que nous avons violé ses droits civils ».

M. Friend a déclaré qu’il s’agissait de son « moment de triomphe » devant le Congrès.

« J’aurais aimé que cela se fasse lors d’une audience publique », a déclaré M. Friend. « Vous savez, j’en étais vraiment fier. »

M. Friend espère revenir témoigner publiquement devant la sous-commission sur l »Armement », aux côtés de ses collègues dénonciateurs du FBI, Kyle Seraphin, Garret O’Boyle et George Hill.

Stephen Friend a écrit un livre sur son expérience, qui devrait paraître en juillet aux éditions Post Hill Press. Il a commencé un nouveau travail en tant qu’analyste au Center for Renewing America, où il a déjà publié un article intitulé « Top 10 Systemic Issues Within the FBI » (Les 10 principaux problèmes systémiques au sein du FBI).

M. Friend a déclaré avoir fait de son mieux pour être en paix avec le fait de quitter le FBI. Il s’est entretenu avec son avocat quelques jours avant sa suspension.

« Nous avons en quelque sorte eu un entretien des plus sérieux », a déclaré M. Friend. Il m’a demandé : « ‘Avez-vous accepté le fait qu’ils ne vous réembaucheront jamais ?’ Et j’ai répondu : ‘Oui’. »

Il m’a dit : « Parce que c’est un problème que je rencontre avec beaucoup de mes clients dénonciateurs. En fin de compte, ils veulent retrouver leur emploi. Et vous devez savoir que cela n’arrivera pas. »

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