Gaza : le calvaire du retour des Palestiniens dans une ville « fantôme »

Des personnes marchent le long d'une route détruite devant des bâtiments lourdement endommagés dans le centre de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 10 octobre 2025.
Photo: OMAR AL-QATTAA/AFP via Getty Images
Profitant du cessez-le-feu entré en vigueur samedi, des centaines de Palestiniens entreprennent un voyage éprouvant vers leurs foyers. L’espoir de retrouver leur maison se mêle à l’angoisse de découvrir l’étendue des destructions. Leurs visages reflètent une détermination teintée d’appréhension.
Les mots de Saher Abou al-Atta résonnent comme un écho douloureux face à l’ampleur du désastre. Depuis mi-septembre, Gaza-ville a subi une offensive terrestre d’envergure menée par l’armée israélienne contre ce qui était présenté comme l’un des derniers bastions du Hamas dans la bande de Gaza.
« Destruction, destruction et encore destruction »
La métropole qui abritait près d’un million d’habitants en août, selon l’ONU, n’offre plus qu’un paysage de désolation. Les immeubles éventrés, les façades sans fenêtres et les bâtiments réduits en poussière dessinent une géographie de l’apocalypse. Dans les artères envahies par le gris omniprésent des gravats, des silhouettes progressent lentement, principalement des hommes, dépourvus pour la plupart de leurs biens personnels.
L’hôpital Rantissi, autrefois refuge pour les enfants et les patients atteints de cancer, n’est plus qu’un champ de ruines. Les salles de soins se transforment en cimetières d’équipements médicaux : lits renversés, plafonds effondrés, matériel dispersé dans un chaos indescriptible.
Quinze kilomètres d’épuisement et de peur
Des milliers de Gazaouis remontent la route côtière Al-Rachid vers le nord, à pied ou entassés dans des véhicules surchargés de matelas et de couvertures. Le retrait de l’armée israélienne sur des positions convenues permet enfin ce mouvement de population tant attendu.

Des Palestiniens marchent sur la route Al-Rashid en direction de la ville de Gaza depuis Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 10 octobre 2025. (BASHAR TALEB/AFP via Getty Images)
Raja Salmi fait partie de ces déplacés qui bravent l’épuisement. Elle témoigne de la difficulté du trajet entre Khan Younis et Gaza-ville : « Nous avons marché pendant des heures, et chaque pas était empreint de peur et d’angoisse pour ma maison. » Plus de quinze kilomètres séparent les deux villes, une distance qui devient un marathon d’inquiétude.
Un responsable de la Défense civile de Gaza estime qu’environ 250 000 personnes ont regagné le nord du territoire palestinien depuis l’entrée en vigueur de la trêve vendredi à 9h00 GMT.
Quand la maison devient un tas de décombres
L’arrivée au quartier d’Al-Rimal marque pour Raja Salmi la fin d’un périple physique mais le début d’une épreuve psychologique. « Je n’ai pas réussi à trouver ma maison. Elle n’existe plus, elle n’est plus qu’un tas de décombres », confie-t-elle, la voix brisée par l’émotion.
Debout face aux ruines, elle pleure sur des souvenirs transformés en poussière. Son expérience reflète une réalité statistique glaçante : l’ONU estimait au printemps que 92% des bâtiments résidentiels de la bande de Gaza avaient été endommagés ou détruits depuis le début du conflit.
Une cité méconnaissable après deux ans de guerre
« Tout en nous semble mort », résume Raja Salmi. La guerre, déclenchée par l’attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, a métamorphosé Gaza en un territoire méconnaissable.
Sami Moussa, 28 ans, est revenu seul pour évaluer l’état de sa maison familiale. Bien qu’encore debout mais endommagée, ce constat positif ne peut masquer le choc ressenti dans le reste de la ville. Depuis le camp de réfugiés d’al-Chati, il livre un témoignage saisissant : « J’ai eu l’impression d’être entré dans une ville fantôme, pas à Gaza : les rues sont détruites et rasées, il y a du sable partout, et de nombreuses maisons sont effondrées ou complètement vidées. »
L’odeur de la mort plane sur les décombres
Sami Moussa évoque « l’odeur de la mort » qui imprègne l’atmosphère et une destruction si totale qu’il ne parvient plus à reconnaître les lieux familiers. « Nous avons perdu la belle Gaza et nous avons encore peur de ce qui va arriver », confie-t-il.
Cette inquiétude persiste malgré l’accord entre Israël et le Hamas sur la première phase du plan en 20 points proposé par le président américain Donald Trump pour mettre fin au conflit.
Une situation humanitaire catastrophique
La veille du cessez-le-feu, le Bureau des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha) décrivait une situation « catastrophique » dans le nord de la bande de Gaza. La famine y a été déclarée il y a deux mois dans cette région « pratiquement coupée de l’aide alimentaire » depuis près d’un mois.
Le retour des habitants s’effectue donc dans un contexte de détresse humanitaire extrême, où la reconstruction des maisons ne suffira pas à effacer les cicatrices d’une guerre qui a bouleversé à jamais le visage de Gaza.
Avec AFP

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