Jiang Zemin pourrait bientôt être arrêté, selon un ancien haut cadre du Parti

6 juin 2016 11:39 Mis à jour: 8 juin 2016 13:44

Xu Jiatun, un ancien très haut cadre du Parti communiste chinois aujourd’hui centenaire, est un transfuge qui choisit ses mots avec soin. Depuis son exil il y a deux décennies –  il a fait défection après le massacre du 4 Juin 1989 – il n’a accordé qu’une poignée d’interviews aux médias de Hong Kong et a évité jusqu’ici de dire quoi que ce soit d’inédit ou de sensationnel.

Toutefois, après son passage aux urgences dans un hôpital de Los Angeles, Xu a estimé que le moment était venu pour lui d’exprimer ses pensées et ses espoirs vis-à-vis de la politique actuelle du Parti. Il a choisi de parler à un célèbre journaliste de Hong Kong.

Au cours des huit dernières années, Simon Kei Shek Ming, gagnant du prix de la prestigieuse Société des éditeurs pour le journaliste de l’année en Asie en 2009, a déjà eu une douzaine d’entrevues informelles avec Xu. Avec Yazhou Zhoukan, un magazine en langue chinoise réputé, Kei avait préalablement pris contact avec Xu à Los Angeles pour obtenir l’accord du centenaire de partager ses réflexions sur la campagne anti-corruption de Xi Jinping, actuel chef du Parti.

Entre la fin des années 1970 et les années 1980, Xu a occupé des postes de premier plan au sein du régime chinois : membre d’élite du Comité Central du Parti Communiste, gouverneur de la province du Jiangsu, porte-parole en chef du Parti pour Xinhua à Hong Kong et représentant de facto du Parti dans la colonie britannique à l’époque. Il s’est exilé aux États-Unis en 1990 suite à son opposition au massacre de la place Tiananmen. Lorsque Ziang Zemin, chef du Parti a eu vent de cette défection, Xu a été exclu du Parti en 1991.

Étonnement, pendant son exil, Xu est resté un farouche défenseur du Parti, mais n’a eu aucune complaisance pour les fonctionnaires du parti jusqu’à récemment. Xu est installé à Los Angeles, dans Chino Hills.

« En une trentaine d’années de réformes et d’ouverture, la Chine a de manière surprenante atteint un niveau de développement que l’Occident n’a atteint qu’au bout de 300 ans d’industrialisation », a fait remarqué Xu à Simon Kei. L’interview a été publiée sur The Initium, un nouveau site d’information installé à Hong Kong.

« Malheureusement, Jiang Zemin et Li Peng ont placé leurs intérêts personnels au dessus de tout », s’est attristé Xu. Jiang l’ancien chef du Parti et Li l’ex-Premier ministre chinois ont « formé des cliques et se sont engagés dans des activités de corruption en famille avec leurs enfants. Dans tous les recoins du pays, ils ont semé des bandes de tigres et de mouches ».

Au début de sa campagne anti-corruption en 2013, Xi Jinping a inventé le terme de « tigres et mouches » pour désigner les fonctionnaires vénaux et corrompus – des hauts aux petits fonctionnaires.

Les critiques de Xu contre Jiang et Li sont fondées. Ces héritiers et propagateurs du capitalisme bureaucratique recommandé par Deng Xiaoping, ont atteint des sommets avec l’utilisation du pouvoir politique pour leur enrichissement personnel.

Au cours de son mandat, Jiang a construit un réseau politique tentaculaire. Plus d’une décennie après avoir quitté ses fonctions, il a continué à influencer la politique chinoise. (Il n’a cédé sa présidence militaire que trois ans plus tard). Jiang Mianheng, le fils ainé de Jiang s’est servi du prestige de son père pour construire un empire de télécommunication pendant que son jeune frère Jiang Miankeng, à Shanghai, s’accaparait l’industrie des transports et des travaux publics.

Pendant de nombreuses années, Li Xiaolin, la fille de l’ancien premier ministre Li Peng, a été magnat de l’électricité de l’État et, jusqu’à l’année dernière, elle occupait encore le poste de PDG de la China Power International, filiale de l’une des cinq plus grandes compagnies d’électricité de l’empire du Milieu, basée à Hong Kong.

En 2015, le Consortium international des journalistes d’investigation a révélé que Li Xiaolin et son mari détenaient un compte bancaire suisse avec près de 2,5 millions de dollars dessus. D’autre part, selon les révélations de Panama Papers, Li Xiaolin posséderait une société offshore dans les îles Vierges britanniques; ces sociétés offshore servent généralement de paradis fiscaux pour les personnes fortunées.

À l’inverse, Xu Jiatun garde de l’estime pour Hu Jintao, le successeur immédiat de Jiang, et pour Wen Jiabao le Premier ministre de ce dernier. Dans une interview de 2008 avec le journaliste Kei, Xu explique que Hu et Wen ont « face à la catastrophe, montré ‘une gouvernance humaine’ en respectant les droits et les valeurs du peuple et se sont appropriés la philosophie ‘servir le peuple’ ».

« Je ne suis pas le seul, à avoir une haute estime pour eux, c’est le cas pour beaucoup d’autres personnes sans parti pris », s’est-il réjoui. Xu garde la même estime pour Xi Jinping

Xu apprécie qu’« après le 18e Congrès National, la direction du Parti sous Xi Jinping ait non seulement nettoyé les rangs et restauré les vertus nationales et traditionnelles de la Chine, mais qu’elle ait aussi procédé à l’arrestation des tigres et des mouches. À l’image des arrestations de Bo Xilai et Zhou Yongkang, tout comme celles de Xu Caihou et Gu Junshan dans l’armée, les tigres ont été arrêtés malgré leurs positions politiques privilégiées; ils ont tous été purgés, exclus du Parti et traités conformément à la loi ».

Dans la toile politique tissée par Jiang Zemin, Bo, Zhou, Xu Caihou et Gu Junshan étaient des pièces maitresses.

Jiang Zemin voulait que Bo Xilai, l’ancien chef de la mégalopole de Chongqing et Zhou Yongkang comme tsar de la sécurité prennent le contrôle sur l’important conclave politique de 2012 – et maintiennent le contrôle de Jiang. Cependant, la machination a été dévoilée lorsque Wang Lijun, ancien chef de la police de Chongqing, a démasqué le complot de Bo et Zhou et révélé, lors de sa tentative de défection au consulat américain de Chengdu, que l’objectif final était de destituer Xi Jinping de la tête du Parti.

Quand le moment fut venu de frapper les militaires restés fidèles à Jiang, les enquêteurs anti-corruption sont repartis avec plusieurs camions remplis des biens mal acquis accumulés par le défunt Xu Caihou, ancien commandant en second du corps militaire dirigeant du Parti, et Gu Junshan, l’ancien général de la logistique militaire. Pour Xu, la purge est loin d’être terminée.

« Maintenant, c’est l’heure d’aller cueillir de plus gros tigres », a confié Xu au journaliste Simon Kei.

Étant donné l’ampleur atteinte déjà par la campagne anti-corruption, il n’y a plus autant de « plus gros tigres » qui restent. Les seuls hommes qui correspondent à cette description sont probablement Jiang Zemin et Zeng Qinghong, son homme fort et ancien vice-président chinois.

L’année dernière, le Quotidien du Peuple a publié un éditorial appelant les aînés du Parti à cesser toute interférence dans les affaires politiques actuelles et l’agence anti-corruption a condamné le « noble Manchu mort depuis longtemps », pour designer l’assurance de fonctionnaires convaincus que leur position politique privilégiée les mettait à l’abri d’enquête pour corruption. (Ces deux messages ont été interprétés par les observateurs comme des avertissements publics visant Jiang et Zeng.)

À Pékin, une grande stèle en pierre portant la calligraphie de Jiang Zemin a également été brutalement retirée de l’entrée de l’École centrale du Parti, le terrain d’entrainement idéologique du régime. Pour taire les fortes spéculations du public qui y voit un coup contre Jiang, les responsables de l’école ont dit avoir simplement déplacé la stèle à l’intérieur du campus — ce qui n’a pas pu être confirmé.

Les allusions menaçantes ont continué cette année. Dans les discours recueillies dans un livre et dans les médias d’État, Xi Jinping a identifié Bo Xilai, Zhou Yongkang, le général Xu Caihou et deux autres patrons du clan Jiang, comme coupables d’avoir « conduit des conspirations politiques pour diviser et ruiner le Parti ». Il a pointé du doigt certains aînés du parti qui ont joué au « Taishang huang », autrement dit à tirer les ficelles dans les coulisses du pouvoir.

Cette année, les médias chinois ont été inondés de rapports d’enquêtes, conduits par les inspecteurs disciplinaires internes du Parti, sur les ministères et les entreprises liées aux fils de Jiang à Shanghai. Les inspecteurs de la lutte anti-corruption ont récemment enquêté sur deux dizaines d’organismes gouvernementaux dans la ville, longtemps bastion imprenable du groupe de Jiang.

Version anglaise : Elder Party Cadre in Exile Suggests That Former Leader Jiang Zemin May Be Arrested

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