La mosquée des Bleuets de Marseille de nouveau dans le collimateur des autorités préfectorales

L'imam de la mosquée des Bleuets, l'imam Ismail Bendjilali (à g.), s'entretient avec des habitants du quartier après sa conférence de presse, à Marseille, le 9 septembre 2024.
Photo: MIGUEL MEDINA/AFP via Getty Images
La mosquée des Bleuets, située dans les quartiers Nord de Marseille, se retrouve une nouvelle fois au cœur d’une polémique administrative. Les autorités préfectorales brandissent à nouveau la menace de fermeture, estimant que l’imam Ismail Bendjilali, de son vrai nom Smaïn Bendjilali, persiste dans une approche radicale de l’islam.
Cette situation fait écho à celle d’il y a douze mois, lorsque la préfecture de police des Bouches-du-Rhône avait déjà envisagé de fermer cet établissement religieux. À l’époque, l’imam s’était engagé à obtenir un diplôme universitaire sur la laïcité pour maintenir l’ouverture du lieu de culte.
Un parcours suivi de près par la justice
Fidèle à sa promesse, l’imam Ismail a effectivement validé son diplôme universitaire avant de retrouver ses fonctions en juin dernier. Cependant, ce retour s’est effectué dans un contexte judiciaire tendu : juste après sa condamnation par le tribunal correctionnel de Marseille à six mois de prison avec sursis pour apologie du terrorisme.
Cette condamnation fait suite à un retweet d’un message sur X (anciennement Twitter) en lien avec l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël. Si un appel est actuellement en cours, le parquet n’a pas obtenu l’interdiction définitive d’exercer qu’il réclamait au sein de la mosquée des Bleuets.
Une influence controversée dans les quartiers Nord
L’imam jouit d’une popularité certaine auprès des jeunes musulmans des quartiers Nord de Marseille. Selon un rapport récent sur les Frères musulmans, sa sensibilité « plutôt salafiste mais usant des codes du frérisme » et sa maîtrise des réseaux sociaux expliquent en partie cette influence.
Cette popularité inquiète toutefois les autorités, qui voient dans son discours un terreau favorable à la radicalisation des jeunes de ces quartiers déjà fragiles socialement.
Des publications « appelant à la haine, à la violence ou à la discrimination »
Dans un courrier daté du 15 septembre, dont l’AFP a obtenu copie, la préfète déléguée à la police dans les Bouches-du-Rhône évoque explicitement « la fermeture temporaire » de la mosquée. Les reproches sont multiples et précis.
Les autorités pointent notamment la persistance en ligne de publications « appelant à la haine, à la violence ou à la discrimination », déjà signalées lors de la première procédure. Elles dénoncent également une publication Facebook de mai dernier faisant référence à un ouvrage « prisé de la mouvance salafo-frériste ».
Pour la préfecture, la reprise des fonctions d’imam au lendemain de sa condamnation pour apologie du terrorisme constitue « un élément majeur » justifiant l’engagement d’une nouvelle procédure contradictoire.
« Un acharnement administratif » selon la défense
Me Sefen Guez Guez, avocat représentant à la fois l’imam et la mosquée, dénonce fermement cette nouvelle procédure. Il y voit « clairement une forme d’acharnement » et accuse le préfet Georges-François Leclerc de faire « de la communication politique ».
L’avocat conteste également les accusations concernant les publications en ligne. Selon lui, si les contenus litigieux ont bien été supprimés de X et Instagram, leur maintien sur Facebook ne constitue pas un élément probant « car plus personne ne les consulte ».
Face à cette situation, Me Guez Guez se dit prêt à saisir le tribunal administratif pour contester toute décision de fermeture.
Un préfet déjà confronté à des dossiers similaires
Il convient de noter que Georges-François Leclerc, préfet de Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis janvier, a déjà été confronté à des dossiers similaires. En 2023, lorsqu’il était préfet du Nord, il avait retiré le contrat d’association avec l’État du lycée musulman Averroès de Lille.
Cette décision avait finalement été annulée par le tribunal administratif en avril dernier, qui avait rétabli le contrat d’association. Ce précédent pourrait jouer en faveur de la mosquée des Bleuets si l’affaire venait à être portée devant la justice administrative.
La question de l’islam et de la radicalisation
Cette nouvelle menace de fermeture s’inscrit dans un climat national tendu autour de la question de l’islam et de la radicalisation. Entre respect de la liberté de culte et impératifs de sécurité, les autorités naviguent dans des eaux troubles, tentant de trouver un équilibre délicat entre fermeté et proportionnalité.
L’issue de cette affaire sera scrutée de près, tant par les fidèles de la mosquée que par les observateurs de la politique religieuse française.
Avec l’AFP

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