La politique de l’enfant unique était au sommet de la cruauté sous Jiang Zemin, témoigne un défenseur des droits de l’homme

Par Sophia Lam
9 décembre 2022 16:36 Mis à jour: 9 décembre 2022 17:35

La politique de planification familiale menée par le régime chinois, plus connue sous le nom de « politique de l’enfant unique », a entraîné plus de 330 millions d’avortements en quarante ans. Ce plan de contrôle de la population a condamné les femmes à la stérilisation, les avortements forcés et les infanticides forcés, et a entraîné la crise démographique qui menace aujourd’hui la Chine.

Si les horreurs commises dans le cadre de cette politique redoutable ont régulièrement été couvertes par les médias, le rôle joué par le dirigeant chinois Jiang Zemin, récemment décédé, dans la mise en œuvre de cette politique est moins connu.

Selon un militant chinois des droits de l’homme, en seulement six mois, dans une ville de la province du Shandong, au nord-est de la Chine, plus de 130.000 femmes ont été stérilisées de force ou contraintes d’avorter en 2005. Un expert chinois d’outre-mer estime que cette situation résulte des ordres de Jiang Zemin, qui a fait de la planification familiale un élément extrêmement de sa politique intérieure.

Jiang Zemin a été le chef du PCC pendant plus de dix ans à partir de 1989. Une fois officiellement retiré, il a continué à contrôler partiellement le Parti en coulisse grâce à son réseau d’influence et ses partisans (la faction de Shanghai). Il est décédé à Shanghai le 30 novembre.

Yi Fuxian, chercheur principal en obstétrique et gynécologie à l’université du Wisconsin-Madison et auteur de Big Country with an Empty Nest [Le grand pays au nid vide], un livre sur la politique de l’enfant unique en Chine, a écrit dans un tweet le 2 décembre que Jiang Zemin avait « déclenché l’effondrement de la population chinoise », faisant chuter le taux de fécondité de 2,3 en 1990 à 1,22 en 2000.

Une infirmière masse des bébés à l’hôpital pour enfants de Xining, dans la ville de Xining, de la province de Qinghai. Selon un rapport de la Radio nationale chinoise, des hôpitaux de la province du Henan ont passé des annonces pour vendre des bébés non désirés. (Getty Images)

En 1979, le régime chinois a lancé la politique de l’enfant unique. Les couples mariés n’étaient autorisés qu’à un seul enfant. En théorie, la campagne visait à améliorer le niveau de vie et freiner la croissance démographique. En pratique, cette politique a entraîné de nombreux avortements, stérilisations et infanticides forcés.

Après son arrivée au pouvoir, Jiang Zemin a ordonné la mise en place d’un système de responsabilisation en 1991, en vertu duquel les hauts responsables du Parti et du gouvernement local devaient personnellement rendre des comptes quant au déploiement de la planification familiale dans leur juridiction. Ceux qui ne parvenaient pas à contrôler le nombre de naissances faisaient l’objet de sanctions disciplinaires et perdaient leurs opportunités de promotion.

Selon Chen Kuide, directeur exécutif de l’ONG Princeton China Initiative, la politique de l’enfant unique n’a jamais été aussi sévère que sous Jiang Zemin, de 1989 à 2004.

« Les pratiques inhumaines [d’avortements forcés, de stérilisations et d’infanticides] ont été les plus fréquentes à cette époque, ce qui a entraîné une forte baisse du taux de natalité [en Chine] », explique-t-il, interrogé 1er décembre, à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times.

Selon les données du ministère de la Santé citées par les médias chinois, 336 millions d’avortements ont été pratiqués entre 1971 et 2013, 403 millions de femmes ont reçu un dispositif intra-utérin (DIU).

Les vétérans appelés en renfort

Les années 1980 et 1990 ont marqué l’apogée  en Chine rurale des violations des droits de l’homme au nom de la politique de l’enfant unique, selon Chen Guangcheng, avocat chinois et défenseur des droits de l’homme habitant désormais aux États-Unis. Alors qu’il vivait en Chine, Chen Guangchen avait fait campagne pour défendre des femmes condamnées à la stérilisation ou l’avortement forcés, ce qui lui a valu d’être emprisonné pendant quatre ans, puis d’être assigné à résidence. Il s’est évadé dans des conditions terribles aux États-Unis en 2012.

S’exprimant pour l’édition en langue chinoise d’Epoch Times, Chen Guangchen explique qu’en 1992, sous l’administration de Jiang Zemin, le département de propagande du PCC a émis un ordre stipulant qu’il était interdit pour les médias d’État chinois de rendre compte des violations des droits de l’homme relatives au planning familial. Cette interdiction est restée en vigueur jusqu’en 2005. Il était également interdit à la police, aux tribunaux et aux procureurs d’accepter des affaires liées à la planification familiale.

Chen Guangchen est originaire du Shandong, dans l’est du pays. Il raconte que dans sa ville natale, durant une vingtaine d’années, les autorités locales rassemblaient des vétérans, les envoyaient dans les villages pour faire respecter cette politique.

« Ces vétérans vivaient dans les villages, ils étaient logés et nourris. Lorsqu’ils voyaient une femme enceinte d’un deuxième enfant, ils la traînaient immédiatement à la clinique locale pour l’obliger à avorter. »

Les ménages qui avaient un deuxième enfant ou qui en attendaient un étaient punis : amendes, torture, démolition des maisons ou confiscation des biens privés (comme le bétail).

Feng Jianmei est allongée sur un lit d’hôpital après un avortement forcé au cours de son septième mois de grossesse, dans la province du Shannxi, dans le nord-ouest de la Chine, le 4 juin 2012. Les photos d’elle avec son bébé avorté près d’elle sur le lit sont devenues virales en Chine et ont provoqué la colère de la population contre la politique de l’enfant unique du régime et les avortements forcés qui l’accompagnent. (bbs.hsw.cn)

Chen Guangchen et ses amis ont enquêté sur le fonctionnement de cette politique à Linyi, leur ville natale, et leurs conclusions ont été bouleversantes.

En six mois seulement, au cours de l’année 2005, plus de 130.000 femmes de la ville avaient été stérilisées de force ou contraintes de subir un avortement, et plus de 600.000 de leurs proches ou voisins avaient été harcelés ou torturés. Chen Guangchen et ses amis ont exposé leurs conclusions aux médias et les ont signalées aux autorités compétentes, mais ils ont finalement été pris pour cible par le régime.

Infanticides de masse

L’année 1991, l’année à partir de laquelle les cadres du PCC étaient tenus pour responsables du nombre de naissances, a été marquée par des infanticides de masse à travers toute la Chine. Yang Jiangli, un universitaire et militant des droits de l’homme ayant émigré aux États‑Unis, vivait alors dans la province du Shandong.

En 2016, il a écrit un article sur le massacre des bébés perpétré en Chine en 1991 suite aux ordres de Jiang Zemin et l’a publié sur le site Web de Human Rights in China, un groupe de défense des droits de l’homme basé aux États‑Unis et créé par des étudiants et des scientifiques chinois.

Selon l’article, cette année‑là étant l’année de la chèvre suivant le calendrier lunaire chinois, le massacre des nourrissons est désormais appelé « le massacre des chevreaux » dans le pays.

Dans le Shandong, dont il est originaire, les secrétaires du PCC du comté de Guan et du comté de Shen, Zeng Zhaoqi et Bai Zhigang, ont alors lancé la campagne « Cent jours sans enfants ». Entre le 1er mai et le 10 août 1991, les deux secrétaires du Parti ont ordonné l’interruption forcée de toutes les grossesses, ce qui a donné lieu à des avortements et des infanticides de masse. Pas un enfant n’a vu le jour durant cette période. Les jeunes mariés qui avaient leur premier enfant n’ont pas été épargnés. Les bébés nés au cours de cette période ont été étranglés.

En 1991, des politiques similaires ont été déployées dans tout le pays.

Les deux secrétaires du Parti, Zeng Zhaoqi et Bai Zhigang, ont ensuite été promus à des postes plus élevés du fait de leurs « excellentes performances » dans la mise en œuvre de la politique de planification familiale du régime, et aucun d’entre eux n’a jamais exprimé de remords.

Une ironie d’autant plus cruelle que Zeng Zhaoqi a ensuite été nommé directeur adjoint du bureau du Comité de travail de la province de Shandong pour la protection des enfants.

« Je ne suis pas juge, mais si je devais les tenir responsables pour leurs actes, je n’aurais d’autre choix que de les condamner pour ‘crimes contre l’humanité’ au vu de ce qu’ils ont fait à l’époque », a conclu Yang Jiangli.

Dans une ville du Yunnan (sud‑ouest), le directeur de la planification familiale locale a forcé une femme enceinte de 37 ans, dont le bébé devait naître dans les dix jours, à se rendre à hôpital. La femme y est restée trois jours. Un obstétricien lui quotidiennement a administré des médicaments pour tuer l’enfant. Le troisième jour, le médecin a utilisé une seringue de 20 cm pour injecter une dose mortelle dans son utérus, directement dans la tête du fœtus. Elle a donné naissance à un bébé mort la nuit suivant l’injection. L’hôpital a ensuite réclamé 40 yuans (environ 6 euros) pour les frais funéraires du bébé assassiné.

Cette interruption de grossesse, qui s’est déroulée en 2005, est relatée dans un livre intitulé Le fœtus exécuté par la politique nationale chinoise. La femme s’appelle Tang Leqiong. Elle fait partie des 84 cas d’avortements forcés détaillés dans le livre.

En raison de la censure pratiquée par le régime communiste, ce qui a été révélé sur les tragédies causées par la politique de l’enfant unique ne représente que la partie émergée de l’iceberg.

Le régime communiste a mis fin à la politique de l’enfant unique en 2013, autorisant deux enfants. Au mois de mai 2021, il a annoncé que les familles pouvaient avoir trois enfants.

Le taux de fécondité en Chine était de 1,16 en 2021, bien en dessous de la norme de 2,1 de l’OECD (Organisation for Economic Co‑operation and Development) pour une population stable. C’est un des taux les plus bas du monde.

Selon Chen Guangchen, la pratique de l’avortement forcé de sang‑froid va à l’encontre des traditions chinoises qui considèrent la vie humaine comme la chose la plus sacrée. Selon lui, la société chinoise n’accorde plus de valeur à la vie humaine.

« Plus sérieusement, le niveau moral des gens s’est effondré », conclut‑il.

Fang Xiao et Luo Ya ont contribué à cet article.

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