La ministre allemande des Affaires étrangères a franchi les lignes rouges de Pékin

Le Parti communiste chinois n'a eu d'autre choix que de ravaler sa fierté

Par Ben Liang et Sean Tseng
26 avril 2023 19:11 Mis à jour: 26 avril 2023 19:11

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a reçu un accueil de très haut niveau lors de sa récente visite en Chine. Pourtant, elle a franchi la ligne rouge de Pékin lors de plusieurs discours, notamment sur la question de Taïwan et la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

La position inflexible de Mme Baerbock sur les valeurs universelles a été un casse-tête pour la direction du Parti communiste chinois (PCC). Toutefois, compte tenu de la stature internationale de l’Allemagne et de la détérioration de l’économie chinoise, l’État-parti chinois n’a eu d’autre choix que de ravaler sa fierté.

Face aux défis internes et externes croissants, Pékin est soucieux de rétablir ses relations avec les pays occidentaux.

La ministre allemande s’est rendue en Chine du 13 au 15 avril à l’invitation du conseiller d’État et ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, le deuxième plus haut diplomate du pays. Elle a été reçue par trois hauts responsables du PCC, dont le vice-président Han Zheng, ce qui a été largement perçu comme une pratique exceptionnelle.

Le 14 avril, lors de sa conférence de presse conjointe avec Qin Gang, Annalena Baerbock a appelé Pékin à ne pas recourir à la force contre Taïwan.

Elle a insisté sur le fait que « modifier unilatéralement le statu quo dans le détroit de Taïwan – et, en particulier, par la force – serait, pour nous en tant qu’Européens, inacceptable » et a appelé toutes les parties à « ne pas faire monter la tension ».

Annalena Baerbock et Qin Gang participent à une conférence de presse conjointe à la maison d’hôtes de l’État de Diaoyutai, le 14 avril 2023, à Pékin. (Suo Takekuma /Pool/Getty Images)

Le régime chinois revendique Taïwan comme une province chinoise, bien que Taïwan soit un pays indépendant de facto, doté d’une armée, d’un gouvernement démocratiquement élu et d’une constitution. Pékin n’a jamais exclu le recours à la force pour placer l’île sous son contrôle.

Le 15 avril, lors de sa rencontre avec Mme Baerbock, le principal responsable des Affaires étrangères du PCC, Wang Yi, a demandé à l’Allemagne de soutenir la réunification de la Chine continentale et de Taïwan, affirmant que le PCC avait soutenu à l’époque « l’unification de l’Allemagne de l’Est et de l’Allemagne de l’Ouest ».

Cependant, la mention de Wang de la « réunification allemande » et de « l’unification pacifique » de Taïwan a été largement considérée comme un lapsus, contredisant l’affirmation publique du régime chinois qu’il pourrait s’emparer de Taïwan par la force.

Outre les sujets d’actualité tels que la situation dans le détroit de Taïwan, Mme Baerbock a clarifié la position de l’Allemagne sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine et sur les questions relatives aux droits de l’homme en Chine.

« Pour la première fois, [Mme Baerbock] a été en mesure d’énoncer clairement les fondements de la nouvelle stratégie chinoise de l’Allemagne », a déclaré Mikko Huotari, directeur exécutif de l’Institut Mercator pour les études sur la Chine (MERICS), un groupe d’experts basé à Berlin, a rapporté radio RFI.

Hu Xizhen, ancien rédacteur en chef du journal d’État chinois Global Times, a dû reconnaître la droiture et la fermeté de la position de la ministre allemande des Affaires étrangères.

« Le comportement de Mme Baerbock en Chine était justifié, car elle a exprimé son désaccord avec [la position de Pékin sur] Taïwan, les droits de l’homme et l’Ukraine, mais son langage n’a pas été menaçant pour Pékin », a-t-il écrit sur le site chinois Weibo le 16 avril.

« La Chine respecte l’Allemagne, notamment notre conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères Qin Gang qui s’est rendu à Tianjin pour accompagner Mme Baerbock lors de ses visites d’entreprises allemandes et a pris le train à grande vitesse avec elle jusqu’à Pékin, jouant pleinement son rôle d’hôte », a ajouté M. Hu, laissant de côté ses commentaires habituellement agressifs de la diplomatie des « loups guerriers ».

Membre du parti des Verts

Annalena Baerbock, âgée de 42 ans, est membre du Bundestag, le parlement fédéral allemand, depuis 2013. Au cours de son premier mandat, elle a été membre de la commission des affaires économiques et de l’énergie ainsi que de la commission des affaires européennes. En 2018, elle a été élue, avec Robert Haberke, l’un des deux coprésidents du parti des Verts,.

En 2021, après que les Verts ont obtenu 14,8% des voix aux élections fédérales, ce parti est entré dans le nouveau gouvernement de coalition avec le FDP et les sociaux-démocrates. Mme Baerbock est devenue la première femme ministre des Affaires étrangères du pays.

Lors de sa visite en Pologne en décembre 2021, elle a soutenu les efforts de Varsovie pour empêcher les migrants en provenance de la Biélorussie d’entrer dans l’Union européenne.

Après le retrait de l’armée américaine d’Afghanistan en 2021, Annalena Baerbock a promis d’accélérer l’évacuation de 15.000 employés afghans et membres de leurs familles, y compris ceux qui travaillaient pour le gouvernement allemand. « Nous ne pouvons pas permettre que des centaines de milliers d’enfants meurent parce que nous ne voulons pas agir », a-t-elle martelé.

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la ministre allemande s’est opposée à l’exclusion de la Russie du réseau SWIFT, ce qui aurait privé la Russie de sa capacité à échanger des devises étrangères. Elle a également refusé de fournir des armes allemandes à l’Ukraine, estimant que la crise devait être résolue par des moyens diplomatiques.

Cependant, elle a changé sa position sur les deux sujets après qu’il a été révélé que l’armée russe avait tué en masse des civils ukrainiens en avril.

Annalena Baerbock prononce un discours lors des débats au Bundestag sur la politique de l’Allemagne à l’égard de l’Ukraine, à Berlin, le 27 janvier 2022. (Sean Gallup/Getty Images)

Annalena Baerbock prône une politique étrangère de l’UE plus ferme et plus unifiée à l’égard de la Russie et du régime communiste chinois. Elle soutient l’élargissement de l’OTAN et espère renforcer la coopération avec les États-Unis.

Mme Baerbock a également critiqué la position de la Chine sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine, affirmant qu’en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine a une responsabilité particulière et qu’il serait inapproprié pour Pékin de se retrancher dans un rôle soi-disant neutre.

Contraste franco-allemand : mollesse et fermeté

La visite en Chine d’Annalena Baerbock contrastait avec la récente visite du président français Emmanuel Macron, au cours de laquelle ce dernier a semblé se plier aux exigences de Pékin.

Le chef d’État français a suscité de fortes réactions en appelant l’Union européenne à réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis et à éviter de prendre activement position contre la position agressive et belliqueuse du régime chinois à l’égard de Taïwan démocratique.

« Le paradoxe serait que (…) nous nous mettions à suivre la politique américaine, par une sorte de réflexe de panique », a déclaré Emmanuel Macron lors de sa visite en Chine. « La question qui nous est posée à nous Européens est la suivante (…) Avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise. »

Ses propos ont été accueillis par un raz-de-marée de critiques.

Le dirigeant chinois Xi Jinping serre la main du président français Emmanuel Macron lors de la cérémonie officielle de son accueil à Pékin, le 6 avril 2023. (Ng Han Guan/Pool/AFP via Getty Images)

Contrairement à M. Macron, Mme Baerbock s’est fermement opposée au recours à la force dans le détroit de Taïwan et a averti que toute tentative du régime communiste chinois de contrôler Taïwan serait inacceptable pour l’Europe.

Elle a souligné que « les conflits ne peuvent être résolus que de manière pacifique ».

« Cinquante pour cent du commerce mondial traverse quotidiennement le détroit de Taïwan et une escalade militaire serait le pire scénario possible pour le monde (…), en particulier pour un pays industrialisé comme l’Allemagne », a-t-elle déclaré lors de sa conférence de presse à Tianjin, selon Voice of America.

Position à l’égard de la Chine

En décembre 2021, Annalena Baerbock a déclaré au journal allemand Die Tageszeitung que l’UE avait besoin d’une « politique européenne envers la Chine »commune unifiant ses 27 États membres, plutôt que la situation où l’Allemagne, le plus grand État membre de l’UE, définit sa propre politique envers le régime communiste chinois, comme elle l’a fait dans le passé.

Selon Mme Baerbock, la politique étrangère et ses valeurs sont une combinaison de dialogue et d’affirmation de soi.

Le 29 décembre 2021, Mme Baerbock a annoncé qu’elle ne participerait pas aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin.

« La façon dont les dirigeants de Pékin ont traité la joueuse de tennis Peng Shuai ou le journaliste chinois Zhang Zhan, qui a été arrêté, montre qu’il est vraiment nécessaire d’examiner de près ces Jeux olympiques », a-t-elle lancé, ajoutant que le journalisme n’est pas un crime et que Zhang Zhan devrait être libéré.

Peng Shuai est une star du tennis chinois qui a disparu en novembre 2021 après avoir accusé l’ancien vice-premier ministre Zhang Gaoli d’agression sexuelle. Zhang Zhan est un journaliste chinois qui a été condamné pour avoir fait un reportage sur la pandémie du Covid en Chine.

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