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Notre cœur et notre esprit retiennent chaque moment de colère

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Photo: Illustration par Epoch Times

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Durée de lecture: 13 Min.

John Hunter savait que sa colère pouvait le tuer. Le célèbre chirurgien du 18e siècle a un jour déclaré que sa vie était « entre les mains de tout scélérat qui choisit de m’ennuyer ou de me taquiner ». Il avait raison de s’inquiéter.
John Hunter incarnait la personnalité classique de type A. Homme dynamique qui travaillait de longues heures, il dormait à peine cinq heures par nuit. Il était un chirurgien très prospère et célébré à son époque. Cependant, il était perpétuellement impatient et hostile, selon une étude historique publiée dans The American Journal of Cardiology. À 45 ans, des douleurs thoraciques lui signalaient déjà que son tempérament nuisait à son cœur.
Le 16 octobre 1793, bien que toujours ponctuel, John Hunter arriva en retard à la réunion du conseil d’administration de l’hôpital St. George à Londres.
Quand un collègue le contredit pendant la discussion, John Hunter tenta de retenir ses émotions. Il se rendit dans la pièce voisine, laissa échapper un profond gémissement, et s’effondra, mort, suite à un arrêt cardiaque soudain. Il avait 65 ans.
Le coeur attaqué
Les vaisseaux sanguins se souviennent de chaque moment de colère.
Une étude publiée en mai 2024 dans le Journal of the American Heart Association a révélé les effets dévastateurs de la colère sur la santé cardiaque.
Les chercheurs ont découvert que même de brèves poussées de colère ont un impact négatif sur les vaisseaux sanguins en retardant la relaxation de leur revêtement cellulaire le plus interne, connu sous le nom d’endothélium. La contraction et la relaxation des vaisseaux sanguins sont cruciales pour maintenir une circulation sanguine saine.

(Illustration par Epoch Times)

Les participants à l’étude étaient tous de jeunes adultes en bonne santé, répartis au hasard en quatre groupes : ceux qui induisaient la colère, l’anxiété, la tristesse, ou aucune émotion (un groupe neutre).
Les trois premiers groupes ont été invités soit à se remémorer des souvenirs personnels susceptibles de provoquer de la colère ou de l’anxiété, soit à lire des descriptions qui évoquaient un état dépressif. Le groupe neutre a été invité à compter de un à cent, afin de s’assurer que tout changement physiologique observé était dû à des expériences émotionnelles, plutôt qu’au simple fait de parler.
Les résultats ont indiqué que seulement 8 minutes de remémoration de sentiments de colère diminuaient la capacité des vaisseaux sanguins à se dilater (se relâcher) pendant une période pouvant aller jusqu’à 40 minutes. En revanche, les participants des groupes anxiété, tristesse et neutre n’ont montré aucun changement significatif au niveau des vaisseaux sanguins. L’étude suggère que des poussées de colère répétées peuvent avoir un impact cumulatif à long terme sur la santé cardiaque en endommageant irréversiblement la fonction des vaisseaux sanguins.
 

(Illustration par Epoch Times)

Des recherches antérieures indiquent que le dysfonctionnement endothélial est un stade précoce de l’athérosclérose – une condition dans laquelle la plaque s’accumule dans les artères, entraînant un durcissement et un rétrécissement. Cela restreint la circulation sanguine et augmente le risque d’accident vasculaire cérébral ou de crise cardiaque.
Quand la rage s’empare de la raison
Le mot « colère » est issu du latin « cholera » signifiant « bile » ou « colère ». Autrefois, le mot habituel pour désigner la colère était « ire ». L’ancien philosophe stoïcien Sénèque considérait la colère comme une forme de folie – une fureur qui altère les capacités rationnelles.
Lorsque la colère s’installe, le système d’alarme du cerveau – l’amygdale – s’emballe, tandis que le cortex préfrontal – le centre de pensée rationnelle – se déconnecte. Simultanément, le flux sanguin se détourne des zones responsables de la prise de décision et de la résolution de problèmes.
Une personne en colère réduit considérablement ses chances de surmonter les difficultés, car une colère incontrôlée l’emporte sur la rationalité du cerveau humain, inhibant la délibération éthique et favorisant une pensée irresponsabilité et la prise de risques.
De plus, les personnes en colère ruminent les expériences négatives, ce qui les rend plus sujettes à l’agression. Des recherches menées au fil des ans ont confirmé qu’une colère non maîtrisée peut directement influencer le jugement moral et renforcer l’égoïsme ou les tendances égocentriques, ce qui incite les personnes en colère à faire preuve d’agressivité ou à chercher à infliger des punitions et des représailles plus sévères envers ceux contre qui elles sont en colère.
Les dommages s’étendent au-delà de la personne en colère, affectant ceux contre qui la colère est dirigée. Même une colère verbale « inoffensive » peut altérer de manière permanente le cerveau en développement des enfants, créant des changements de voies neuronales comparables à des abus physiques ou sexuels.
La colère recadrée : le foie en feu
La médecine traditionnelle chinoise (MTC) offre un éclairage différent sur les conséquences de la colère. Selon la théorie de la MTC, les émotions et les organes sont intimement liés par la circulation de l’énergie vitale appelée « qi » (prononcer « tchi »).
La colère cible d’abord le foie, considéré comme le « général de l’armée » du corps, responsable de la bonne circulation de l’énergie dans tout notre système. Jonathan Liu, expert en MTC, explique que la colère chronique crée une « stagnation du qi du foie », qui finit par allumer un « feu du foie ».
Lorsque le foie est en « feu », l’énergie stagnante monte vers le haut, entraînant une hypertension artérielle, des maux de tête, des vertiges et des rougeurs oculaires. Dans les cas graves, cela peut déclencher des symptômes d’accident vasculaire cérébral et de migraine.
« Le foie est généralement la première victime de la colère, mais pas la dernière », a déclaré à Epoch Times Jonathan Liu.
Comme le foie est anatomiquement proche de la rate, de l’estomac et de la vésicule biliaire, un qi du foie stagné peut également affecter leurs fonctions, perturbant la digestion et entraînant un manque d’appétit et des maux d’estomac.
La vésicule biliaire régit le courage, le jugement et la prise de décision, et est associée au foie. Les deux organes doivent être en harmonie – sinon, ils s’affectent mutuellement de manière négative. Une vésicule biliaire saine favorise un état émotionnel stable, et tout déséquilibre peut entraîner des douleurs corporelles et des problèmes de digestion, et refléter des problèmes liés à la colère et au ressentiment.
Selon la théorie chinoise des Cinq Éléments, la colère est liée à l’élément bois. Alors que le bois incarne la croissance et le changement, il représente également l’inflexibilité et la rigidité, tout comme un arbre inflexible qui se brise sous la force du vent.
La sagesse ancienne et moderne croit que l’antidote à la colère est de cultiver des pensées bienveillantes et l’humilité.
Apprivoiser les flammes de la colère grâce à l’humilité
La psychologue et chercheuse Elizabeth Summerell, qui explore des émotions comme la colère et l’agression, a déclaré à Epoch Times que la colère est une émotion négative qui survient généralement en réponse à des menaces perçues, des provocations ou des objectifs bloqués.
En 2020, Elizabeth Summerell et son équipe ont étudié l’impact de l’humilité sur la colère et l’agression.
Les participants ont été invités à penser à un événement passé qui leur avait permis de faire preuve d’humilité et à l’écrire pendant deux minutes. Ensuite, la colère a été induite en leur faisant lire de courtes descriptions de scénarios susceptibles de susciter la colère au volant, tels qu’une personne qui accélère lorsque vous essayez de la dépasser, qui tarde à se garer ou qui ralentit le trafic.
Les résultats ont indiqué que l’humilité induite réduisait significativement l’agressivité par rapport à la condition neutre. L’humilité a apprivoisé leur rage.
Des études antérieures ont démontré que l’humilité s’accroît avec l’augmentation de la gratitude et de l’émerveillement. Les émotions positives associées à la gratitude, comme l’empathie, rendent les individus moins agressifs, tout comme l’humilité suscitée par l’émerveillement diminue la colère.
Bien que la gestion de la colère soit une compétence essentielle dans la vie quotidienne, Mme Summerell met en garde contre le fait que le refoulement de la colère peut avoir des conséquences négatives sur la santé à long terme et peut conduire à un comportement passif-agressif ou à l’hostilité.
De même, « se défouler » en adoptant un comportement agressif, comme frapper un punching-ball ou casser des objets dans des « salles de rage », peut renforcer les voies neuronales associées à la colère et au comportement agressif, a-t-elle dit. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que l’expression de la colère maintient le système nerveux en mode lutte ou fuite, ce qui entraîne une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la pression artérielle et la libération d’hormones de stress dans la circulation sanguine.
Outre le fait de cultiver l’humilité, la réévaluation cognitive est une stratégie efficace de régulation de la colère, selon Mme Summerell. Cela consiste à changer sa façon de penser et d’interpréter les situations qui provoquent la colère, en recadrant ou en envisageant d’autres interprétations. Cette technique permet de prendre du recul et de considérer la situation provoquée de manière plus objective, du point de vue d’une tierce personne.
Par exemple, au lieu de voir le comportement impoli d’un collègue comme une attaque personnelle, on pourrait considérer que la personne est de mauvaise humeur pour des raisons personnelles. Cette technique guide les individus à identifier et à réévaluer leurs schémas de pensée négatifs pour les transformer en schémas positifs.
D’autres pratiques corps-esprit, comme le tai-chi, le qi gong, le yoga, les exercices de respiration et les techniques de pleine conscience, peuvent faciliter la libération du stress et la gestion des émotions négatives, ouvrant ainsi la voie au bien-être. Jonathan Liu affirme qu’adopter un mode de vie où la colère est bien gérée, voire absente, représente « le plus haut niveau de soins de santé ».
Bien que cette sagesse médicale soit arrivee trop tard pour aider John Hunter, l’histoire de sa mort montre que la première victime de la colère est souvent la personne en colère elle-même.