« On ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau »

29 septembre 2015 13:03 Mis à jour: 9 mars 2016 20:44

Sur la question du départ de Bachar al-Assad, les partis politiques français se divisent. La France, au Conseil des Nations Unies qui s’est tenu à New York, a réaffirmé qu’il était absolument impossible de former une coalition contre Daech avec Bachar al-Assad. Une position pas forcément suivie par l’ensemble de la classe politique française.

Le 28 septembre, lors de son discours à la tribune des Nations Unies, Barack Obama déclarait : « C’est en Syrie qu’est véritablement testée notre croyance en l’ordre mondial. Quand un dictateur massacre des dizaines de milliers de gens au sein même de son peuple, ce n’est plus une question d’affaires internes, cela met la souffrance humaine, à une échelle qui nous affecte tous ».

Un message clair de la première puissance militaire et économique mondiale, adressé à toutes les dictatures du monde (la Chine en fait partie, elle a massacré plusieurs dizaines de milliers de civils, des prisonniers de conscience, depuis 1999) et pointant plus précisément la nécessité du départ de Bachar al-Assad.

Cette question internationale « nous affectant tous » divise pourtant la classe politique française. Certains, plutôt affiliés à la droite et à l’extrême droite, défendent une coalition militaire avec le tyran syrien, au nom de la lutte contre le terrorisme. D’autres, à l’exemple de François Hollande lors de son discours aux Nations Unies, énonce clairement le refus catégorique d’une coopération avec Bachar al-Assad, ne transigeant pas avec la Russie sur son départ du pouvoir syrien.

« Bachar al-Assad est à l’origine du problème, il ne peut pas faire partie de la solution » François Hollande.

Cette différenciation d’idéaux politiques laisse augurer une séparation naissante en France : d’un côté, l’ancienne real-politik – mettant les droits de l’homme à la porte au nom « d’un principe supérieur », souvent économique ou idéologique ; de l’autre une politique plus humaniste plaçant au contraire ces valeurs humanitaire comment étant la raison supérieure. Une différence peut être mince dans les mots, mais une compréhension de notre civilisation bien plus réaliste.

Le contexte politique international autour de la question de Bachar al-Assad

À l’échelle internationale comme en France, on retrouve ces deux camps s’opposant quant à la question du départ de Bachar al-Assad.

D’un côté, la plupart des pays qui souhaitent une coalition avec le dictateur syrien, sont eux-mêmes des dictatures voulant défendre leur propre régime. On y retrouve la Chine et la Russie, ceux-là même qui avaient apposé leur véto en 2012 pour le départ du dictateur syrien. Il est peut être étonnant de voir une certaine partie de l’aile politique française partager cet avis – mais rappelons-nous le lapsus de Nicolas Sarkozy lors de discours le 5 septembre à la Baule : « La France a toujours été du côté des dictateurs ».

Le président américain Barack Obama lors de son discours devant les Nations Unies le 28 septembre à New York. (TIMOTHY A. CLARY/AFP/Getty Images)
Le président américain Barack Obama lors de son discours devant les Nations Unies le 28 septembre à New York. (TIMOTHY A. CLARY/AFP/Getty Images)

Et il y a les pays démocratiques, qui pensent que cette politique de l’autruche ne règle finalement en aucun cas les conflit, guerres ou massacres de population, et que 70 ans après la création des Nations Unies, l’institution a les mains liées pour défendre des populations civiles massacrées. Ce discours se retrouve dans les interventions du président américain Barack Obama et du président français François Hollande.

Barack Obama a en effet accusé Bachar al-Assad d’être un « tyran » qui « massacre des enfants innocents ». Dans une référence implicite à la position de Moscou, il a dénoncé la logique consistant à soutenir « des tyrans comme Bachar al-Assad » sous prétexte que l’alternative « serait pire ».

Le président américain a pointé du doigt implicitement Moscou et la Chine, ces « grandes puissances dont la conduite contrevient au droit international  ».

« Nous observons une érosion des principes démocratiques et des droits de l’homme qui sont indispensables à la mission de cette institution ; l’information est strictement contrôlée, l’espace de la société civile érodé. On nous dit qu’un tel recul est nécessaire pour combattre le désordre, que c’est la seule façon d’éradiquer le terrorisme ou de prévenir des ingérences extérieures. En suivant cette logique, nous devrions soutenir des tyrans tel que [le président syrien] Bachar al-Assad, qui largue des barils d’explosifs pour massacrer des enfants innocents, car l’alternative serait encore pire. » a t-il déclaré devant les presque 200 nations présentes.

Un refus définitif à une coalition avec Bachar al-Assad, marqué par le fait qu’aucune raison supérieure ne pourait justifier un massacre de population civile. Une position également appuyée par François Hollande lors de son discours : « Bachar al-Assad est à l’origine du problème, il ne peut pas faire partie de la solution ». La position de la France sur le conflit syrien Dans son discours, le président français a en effet indiqué qu’il fallait combattre de front « l’alliance du terrorisme et de la dictature. »  « Ce n’est pas parce qu’un groupe terroriste massacre lui aussi qu’il y aurait finalement une forme de pardon ou d’amnistie pour le régime qui a créé cette situation », a t-il précisé. En parlant du discours de Vladimir Poutine, François Hollande a répondu : « J’en vois qui déploient tous leurs efforts pour incorporer Bachar al-Assad à l’avenir de la Syrie ». Une telle hypothèse est inenvisageable pour le président français, qui estime qu’« on ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau ».

François Hollande a également annoncé qu’il engageait la France à ne jamais utiliser son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU en cas de massacre de masse – ce qu’avaient fait la Russie et la Chine concernant la Syrie en 2012. « La France veut que les membres permanents du Conseil de sécurité ne puissent plus recourir au droit de veto en cas d’atrocités de masse. Comment admettre que l’ONU, encore aujourd’hui, puisse être paralysée lorsque le pire se produit ? », s’est adressé le président devant les nations.

Retrouvez le discours du président du 29 septembre aux Nations Unies : Intervention devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies.

Les réactions politiques en France
En France, sur la question du dossier syrien et du départ de Bachar al-Assad, la droite et l’extrême droite semblent se retrouver dans le même camp, préférant un maintien d’une certaine « real-politik ».

Pour Florian Philippot du Front National, focalisant son attention sur Daech, « il serait assez chaotique que Bachar al-Assad s’en aille. Je ne sais pas ce qui le remplacerait. Et je crains que ce soit bien pire que mieux. ».

La position est presque semblable pour l’ancien Premier ministre François Fillon : « Quand on a sur le terrain deux forces qui s’opposent, le régime de Bachar el-Assad et en face l’État islamique et ses affidés, on est bien obligé de choisir son camp (…) Si on veut combattre l’État islamique sur le terrain, il faut le combattre avec l’autre camp », a-t-il estimé.

Une position que l’on retrouve de manière générale chez Les Républicains (Xavier Bertrand, Bruno Lemaire, etc), même si Nicolas Sarkozy a déclaré le 26 septembre son soutien au départ du dictateur syrien, mais restant favorable à une position de relaxe envers le gouvernement russe, notamment sur la Crimée.

L’émergence d’une nouvelle classe politique française ?
Cette actualité internationale de la question syrienne et du départ de Bachar al-Assad (cause du déplacement de population en Europe) semble montrer l’émergence d’une nouvelle ligne politique en France, plus humaniste.

La France peut-elle tolérer le massacre de populations civiles par un régime autoritaire en ne s’y opposant pas fermement ?

L’écrémage politique français – pas seulement politique mais aussi médiatique – pourrait se baser sur le positionnement des élites sur cette question, et certains pourraient être déjà en train de s’en mordre les doigts.

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