Les ouvriers migrants au cœur de la croissance économique chinoise

9 juin 2016 17:13 Mis à jour: 10 juin 2016 07:07

Les marchés financiers se satisfont généralement d’une vision à court terme: ils se concentrent sur des indicateurs tels que la croissance économique trimestrielle, les taux de changes ou encore les flux de capitaux. C’est tout particulièrement vrai dans la Chine d’aujourd’hui.

Mais de temps à autre, il est judicieux de prêter attention aux indicateurs à long terme, comme la croissance de la population ou la disponibilité des ressources humaines. Ces données permettent de se faire une idée de l’évolution de l’économie pour les décennies à venir.

Exemple typique: le Bureau National des Statistiques (NBS) de Chine produit un rapport annuel analysant le statut des ouvriers migrants. Celui de 2015 vient d’être rendu public.

Ces ouvriers migrants travaillent généralement sans contrat formel et ce dans des secteurs économiques sensibles, comme le bâtiment ou la production. De ce fait, les variations de salaires et des taux d’emplois au sein de cette population fournissent une image instantanée assez exacte de la réalité économique du terrain. Ces populations ont en effet grandement contribué au développement rapide de l’économie chinoise.

Les tendances à long terme au sein des populations migrantes donnent donc une idée du potentiel de croissance économique par salarié, alors que ceux-ci migrent des campagnes vers les villes et passent d’emplois à faible valeur ajoutée à des emplois à forte valeur ajoutée. C’était particulièrement vrai au cours des deux dernières décennies en Chine.

(Capital Economics)
(Capital Economics)

Les travailleurs chinois migrants totalisent 277 millions de personnes, soit un tiers de la masse salariale du pays. Tandis que certains d’entre eux migrent vers d’autres provinces chinoises dans l’espoir de jours meilleurs, d’autres restent dans leur province natale, mais y travaillent dans des métiers autres que l’agriculture. Ils sont néanmoins aussi classés comme migrants dans le système Huji.

Le système Huji, tel que mis en œuvre par le PCC, permet à l’état de contrôler les flux de migrations rurales et urbaines. Le contrôle est maintenu en limitant l’accès aux soins, logements et rations aux personnes opérant en dehors de la zone géographique qui leur est assignée. Pour être en règle, les travailleurs migrants doivent obtenir un « passeport interne » appelé « hukou ».

À court-terme, le rapport confirme que l’état de l’économie chinoise empire, comme d’autres enquêtes de terrain l’ont confirmées tout au long de l’année 2015 et pour le premier trimestre 2016.

L’augmentation de salaires est passée de 9,9% en 2014 à 5,6% en 2015 en moyenne. Les baisses les plus franches ont été observées dans les secteurs du bâtiment et de la production.

Le nombre d’ouvriers payés en retard a augmenté de 2,8 millions sur cette période, la grande majorité d’entre eux étant issue de ces deux secteurs. En moyenne, le retard s’élevait à trois mois.

À long-terme, l’exode rural, facteur majeur de la croissance économique rapide de la Chine pendant ces 20 dernières années, pourrait bien se tarir.

« Il y a plusieurs changements démographiques en cours. Notamment, la population active vient d’atteindre un pic et n’augmentera plus » explique Capital Economics à ses clients.

En 2010, le nombre de travailleurs migrants en Chine avait atteint un pic. L’augmentation du nombre d’ouvriers s’élevait alors à 12 millions de personnes. En 5 ans, ce nombre a presque été divisé par trois, pour atteindre 3,5 millions en 2015. D’après Capital Economics et d’autres chercheurs, la Chine a atteint son tournant de Lewis (moment où la main-d’œuvre disponible dans une région cesse d’être virtuellement illimitée).

Le régime chinois voudrait pourtant augmenter le nombre de travailleur migrants de 35% en 2014, à 45% d’ici 2020. Une astuce bureaucratique pourrait voir ce projet réussir.

(Capital Economics)
(Capital Economics)

« Depuis 2010, le gouvernement a accordé davantage de hukou urbains aux travailleurs migrants. Une fois son hukou urbain en poche, les migrants sont reclassifiés comme travailleurs urbains et supprimés du registre des migrants, » explique Capital Economics.

Bien que positif pour les statistiques, cela n’impacte pas la réalité économique du terrain, puisque seuls les migrants vivant déjà en ville peuvent obtenir un hukou urbain.

Et dans les campagnes, la population ne migre plus puisque le salaire des agriculteurs a augmenté et que le pays fait face à une importante pénurie de certaines denrées alimentaires, comme le porc.

« Le nombre de travailleurs en zone rurale a tout sauf diminué. Simplement, l’augmentation rapide des salaires ne les incite plus à émigrer aussi facilement, » détaille Capital Economics.

Bénéfices urbains
Le cabinet de conseil McKinsey va quant-à lui à l’encontre de ces estimations et suggère que le nombre de consommateurs urbains âgés de 15 à 59 ans va augmenter de 100 millions d’ici à 2030.

Dans le Urban World Global Consumer Report, McKinsey établit que « d’ici 2030, le nombre de consommateurs sur ce segment aura augmenté de 20%. … Le capital de consommation par personne devrait plus que doubler et passer de 4 200 euros à 9 500 euros. Cette tranche d’âge contribuera à hauteur de 12% à la consommation urbaine mondiale. » Aucun détail ni source sur ces chiffres n’ont été communiqués.

Le graphe ci-dessous montre la croissance de la tranche 15-59 ans prévue par Mckinsey dans la plupart des zones urbaines chinoises.

(McKinsey)
(McKinsey)

Cette prévision a été faite malgré le fait que le nombre de personnes de ce segment ait décliné de presque 5 millions sur toute la Chine en 2015, d’après des données officielles. D’autres institutions comme la Banque Mondiale prévoient quant-à elle une baisse de la population active de 10% d’ici à 2040.

Version anglaise: China’s Migrant Workers—at the Heart of Economic Growth

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