Paris : l’université de médecine René Descartes dissimulait un véritable charnier

Par Suzanne Durand
28 novembre 2019 12:06 Mis à jour: 29 novembre 2019 10:29

Selon les effroyables révélations de L’Express, des corps légués à la science auraient été accueillis dans des conditions indignes à l’Université Paris-Descartes. Des corps et des membres auraient même été vendus à des entreprises privées, en violation des règles éthiques.

Dans une enquête publiée par L’Express, l’Université de médecine René Descartes de Paris, réputée pour être l’un des meilleurs établissements de médecine en France, a réceptionné des milliers de dépouilles léguées à la science dans des conditions indécentes.

Faute de chambres froides climatisées, l’hebdomadaire décrit par le biais de photos insoutenables datant de la fin de l’année 2016 au Centre du don des corps (CDC) de l’université, des corps d’hommes et femmes entassés, abîmés, démembrés et décomposés, dévorés par des vers et des souris. Des photographies que L’Express, par respect pour les défunts et leurs familles, n’a pas publiées.

Le matériel et les installations y sont décrits comme « vétustes, inadaptées, ne respectant pas les obligations légales » avec « des chambres froides non hermétiques, avec des pannes à répétition (…), une absence de ventilation dans les différents espaces de travail et des canalisations d’évacuation des eaux bouchées ».

« Une atteinte à la dignité et à l’intégrité de la personne »

Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML) accuse : « Une atteinte à la dignité et à l’intégrité de la personne. De son vivant, la personne a dit : je lègue mon corps à la science. Et son corps n’a pas été utilisé, soit parce qu’il a été mangé par des rats ou des souris ou qu’il a pourri avant qu’on l’utilise, soit parce qu’il a été dirigé vers d’autres missions comme celle de crash-tests ! ».

Il déplore que « les gens qui n’ont rien dit, qui ont laissé faire, sont à mon sens totalement coupables et cette affaire déconsidère profondément cette profession, je crains que cela déconsidère la profession et l’anatomie française ».

Des locaux créés en 1953

Ce charnier qui se trouve dans des locaux au cinquième étage de la faculté de médecine Paris-Descartes dans la rue des Saints-Pères ont été créés en 1953 par le Pr André Delmas. La particularité du CDC est de mettre à disposition des « corps frais », c’est-à-dire non formolés, non congelés et conservés plusieurs semaines après le décès. Au travers des dons, l’argent récolté est utilisé pour prendre en charge le corps dans de bonnes conditions jusqu’à son utilisation.

Les photos que l’hebdomadaire a pu consulter sont issues d’un document de 27 pages, que le directeur de l’époque du CDC, le Pr Richard Douard, a fait parvenir au président d’alors de l’université Paris-Descartes, Frédéric Dardel, aujourd’hui conseiller de la ministre de la Recherche Frédérique Vidal.

Face à l’inaction des pouvoirs publics, le Pr Douard finit par démissionner en 2017. Des travaux de rénovation, d’un montant de 8 millions d’euros, ont depuis été votés. Ils ne seront effectifs qu’au premier trimestre 2020 et prévoient notamment le stockage des morts au sous-sol avec tiroirs individuels, comme dans les morgues.

Des témoins déclarent à L’Express que la situation a changé. Les souris ont disparu, la température des chambres froides est constante et les corps qui n’auront jamais servi à la science ont tous été incinérés.

Des « pièces » humaine monnayées

Mais ce n’est pas tout, le quotidien révèle un autre scandale. En violation de toutes les règles éthiques liées au don du corps à la science, des membres et organes humains sont monnayés.

Aujourd’hui encore, des cadavres sont réservés à des enseignants, des laboratoires, des entreprises privées, qui paient pour avoir accès aux dépouilles. « Les pièces anatomiques sont utilisées en majorité par la formation continue et acquises par des organismes privés », confie un audit réalisé par le cabinet KPMG, cité par L’Express.

Les tarifs pour un travail sur place au CDC vont de 900 euros pour un corps entier et de 400 euros pour un membre. Un système voté en 2011 par le conseil d’administration de l’université est défendu par Frédéric Dardel : « Les corps représentent un coût marginal, il est normal que ceux qui les utilisent paient. Et les prix ne sont pas scandaleux ».

Le professeur Guy Vallancien, directeur du CDC de 2004 à 2014 explique à L’Express que ce système a aussi entraîné la mise en place d’un trafic : « Les préparateurs revendaient des pièces le samedi matin à des chirurgiens, qui les emportaient. Tout s’achetait ».

Un syndicat de médecins porte plainte

Jérôme Marty a annoncé mercredi que son syndicat va déposer plainte : « Ceux qui se sont rendus coupables de ce scandale salissent la médecine de France et son anatomie. Nous ne devons pas laisser à penser que d’autres situations similaires existent (ce que nous savons ne pas être le cas), les doyens des facultés doivent parler », a-t-il tweeté.

Contacté par LCI, Jérôme Marthy confirme que ces révélations lui ont fait froid dans le dos : « La première réaction que l’on a, en lisant l’article de L’Express, c’est de se dire que ce n’est pas possible. Nous sommes en 2019, pas au Moyen-Âge. J’ai pris mon téléphone, j’ai appelé les personnes nommées dans l’enquête et m’ont tous dit que ce qui était écrit était vrai, à la virgule près. Tous les témoignages concordent. L’Union française pour une médecine libre a saisi l’Ordre des Médecins ce mercredi, tant c’est à l’opposé de ce que doit être un médecin ».

« Fermeture administrative provisoire » du Centre

Un communiqué diffusé sur le site de l’université Paris-Descartes déclare que le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a décidé de « diligenter une inspection ». Elle  souligne également que le ministère a ordonné « la fermeture administrative provisoire » de son Centre pour le don des corps « pour que l’inspection s’opère dans les conditions nécessaires à sa bonne tenue ».

« Ces mesures permettront d’établir la réalité des faits ainsi que la marche à suivre afin d’envisager une réouverture du site dans les meilleures conditions », écrit l’établissement.

Une ligne téléphonique a été mise en place pour répondre aux questions des familles des donneurs (01 42 86 20 48).

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