« Pourquoi le libéralisme a échoué » du professeur de sciences politiques Patrick J. Deneen

Par Jean Dutreuil
17 août 2021 09:56 Mis à jour: 17 août 2021 09:56
Pour Patrick J. Deneen, professeur de sciences politiques à l’université Notre-Dame de l’Indiana, le libéralisme qui se prétend non idéologique est en réalité une idéologie aussi puissante que le communisme ou le fascisme; ce qui est difficile à percevoir du fait qu’il s’est distillé doucement au sein de l’Occident, sans l’aide d’un État dictatorial. Comme ces utopies du XX eme siècle, le libéralisme désire façonner un Homme nouveau, libéré de toutes contraintes familiale, culturelle, ethnique, religieuse et sexuelle. Cependant, selon Deneen, cette émancipation est un dévoiement de la liberté authentique définie par les philosophes classiques tels qu’ Aristote ou Platon et chrétiens tels qu’ Augustin ou Thomas d’Aquin.

Selon ces philosophes, la liberté consiste en la maîtrise de soi. On l’acquiert par la pratique des vertus cardinales (courage, prudence, tempérance et justice), auxquelles s’ajouteront avec le christianisme les vertus théologales (charité, foi et espérance), et par les us et coutumes qui nous sont imposées par la famille, la tradition et la religion. Une communauté composée d’individus qui se maîtrisent engendre un gouvernement qui s’auto-limite comme ce fut le cas par exemple dans la cité antique d’Athènes.

La liberté moderne a été conçue par des philosophes tels que John Locke ou Thomas Hobbes. Selon eux, l’être humain était pur à l’état sauvage. C’est la vie en société qui l’a corrompu. Par conséquent, pour retrouver son intégrité, il doit se libérer de toutes entraves imposées. Ainsi, il sera libre de faire ce qu’il veut du moment qu’il n’empiète pas sur la liberté d’autrui. C’est pour cette raison qu’il doit transférer sa sécurité à un État Léviathan qui garantira ses libertés contre les assauts d’autres individus.

Selon Deneen, cette conception moderne de la liberté est catastrophique. Émanciper l’individu de toute obligation lui permet de faire ce qu’il souhaite. Or il veut souvent assouvir des passions insatiables telles que la concupiscence, la cupidité, le goût du pouvoir, etc. Se croyant libre, il est en réalité esclave de ses passions qui détériorent et distendent les liens entre les gens. Pour assurer la stabilité d’une société devenue chaotique à cause de rapports humains fragilisés, l’État transformé en mastodonte technocratique doit s’immiscer juridiquement, économiquement, socialement et sécuritairement dans tous les interstices de la vie.

Pour Deneen, le conservatisme n’est que le revers du progressisme d’une même médaille libérale. Les progressistes désirent l’émancipation individuelle tout en protégeant la nature. À l’inverse, les conservateurs apprécient le développement économique et la liberté de commerce qui nécessitent des moyens financiers, diplomatiques et militaires considérables tout en voulant préserver l’écologie humaine. Cependant, le libéralisme étant une dynamique d’affranchissement, c’est le pire du progressisme, soit l’émancipation individuelle et le pire du conservatisme, soit la croissance économique saccageant la nature, qui prédominent.

Par conséquent, pour Deneen, la conquête du pouvoir par les conservateurs n’enraillera pas la décadence occidentale car les sociétés modernes se fondent sur une erreur anthropologique destructrice. Séduit par le « pari bénédictin » de Rod Dreher, il appelle les chrétiens et les conservateurs à mettre un pas de côté vis-à-vis de la société moderne et à créer des familles et constituer des communautés religieuses relativement autonomes afin de se préserver des conséquences de l’effondrement prochain d’une civilisation en voie de désagrégation et de jeter les bases d’un futur plus sain.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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