ENTRETIEN – Le 10 mai, à Évian-Les-Bains, un pompier a été renversé par un automobiliste lors d’un rodéo urbain. Le suspect, Charly B. a été interpellé le même jour, mis en examen pour tentative de meurtre et placé en détention provisoire. Thierry Colomar est président de la Fédération nationale des policiers municipaux de France. Il répond aux questions d’Epoch Times sur le fléau des rodéos urbains.
Epoch Times : À quand remonte ce phénomène de rodéos urbains et comment s’est-il considérablement développé ?
Thierry Colomar : Ces rodéos urbains ont commencé il y a des années. J’ai intégré la police municipale en 2003 et à l’époque, le phénomène existait déjà. Il n’y avait pas forcément de grands rassemblements, mais dans certains quartiers, des individus circulaient sans casque et sans plaque d’immatriculation et cherchaient à nous provoquer afin qu’on les prenne en chasse.
Ils nous testaient pour savoir si nous étions en mesure de les poursuivre, ce que nous ne faisions pas la plupart du temps puisque s’il arrivait quelque chose à un individu poursuivi, le policier était automatiquement accusé et interrogé.
Ensuite, au fur et à mesure, les jeunes ont compris que les forces de l’ordre ne pouvaient pas réellement agir contre ces rodéos et le phénomène s’est accentué.
N’étant pas suffisamment protégés juridiquement, nous n’intervenons qu’en cas de risque grave pour la population.
Maintenant, des jeunes se réunissent en bande avec leurs engins motorisés et multiplient ces rodéos urbains qui font vivre un calvaire aux policiers et aux gendarmes, mais aussi aux habitants.
Quel est le profil des auteurs de rodéos urbains ?
Ce sont des individus qui ont entre 12 et 30 ans. Dès qu’ils sont en âge de piloter un deux-roues, ils s’adonnent à ce genre d’actes.
Il s’agit très souvent de jeunes déscolarisés ou qui ne trouvent pas de travail et qui par conséquent s’ennuient. Je ne veux en aucun cas leur trouver une excuse, mais j’essaye d’expliquer les origines de ces rodéos urbains.
Et comme nous avons pu le constater avec ce qui est arrivé au pompier à Évian, nous avons affaire à des jeunes qui ne comprennent plus les interdictions. À partir du moment où ils voient un représentant de l’État et un uniforme, ils désobéissent et cherchent même à porter atteinte à son intégrité physique.
Ce que nous croyions impossible il y a des dizaines d’années a lieu actuellement au sein de la société et de plus en plus souvent.
Pourquoi la loi de 2018 « renforçant la lutte contre les rodéos motorisés » n’a-t-elle pas permis d’endiguer ce phénomène ?
Tout simplement parce que les policiers qui interviennent ne sont pas protégés juridiquement. Il faudrait qu’il y ait, pour les agents qui prennent en chasse les auteurs de rodéos urbains, une vraie présomption d’innocence.
Encore une fois, aujourd’hui, si la personne est blessée lors d’une interpellation et qu’elle décide de porter plainte contre la police, l’agent en question devra faire face à des poursuites judiciaires.
Ce qui va compter pour la justice, c’est que la victime, quelle qu’elle soit, même si elle a commis une faute, soit indemnisée. De plus, ces individus ne sont que très peu sanctionnés et ne passent que très rarement par la « case prison ».
Nous marchons complètement sur la tête !
Aujourd’hui, d’un point de vue matériel, la police municipale ne dispose pas de moyens suffisants pour lutter contre ces rodéos urbains ?
Nous disposons exactement des mêmes moyens que la police nationale ou la gendarmerie, autrement dit, pas grand-chose. Nous sommes complètement démunis.
Que préconisez-vous pour donner un coup d’arrêt à ce fléau ? En octobre 2024, la députée UDR Christelle d’Intorni avait déposé une proposition de loi permettant notamment aux policiers d’utiliser la méthode du « contact tactique » pour arrêter les deux-roues lors des poursuites. Qu’en pensez-vous ?
Il faudrait nous laisser travailler et nous protéger juridiquement.
Pour ma part, je pense que la méthode britannique dite du « contact tactique » pourrait être importée en France, sans évidemment qu’elle conduise à des dérapages. Il ne s’agit pas de foncer sur un individu en fuite et de le blesser, mais de former des agents à cette méthode qui pourrait nous être utile.
Maintenant, est-ce que cette technique verra le jour en France ? Je n’en suis pas certain. Nous n’avons pas cette culture de l’interpellation brutale.
Ensuite, appliquons les lois. L’arsenal juridique existe ! Qu’attendons-nous ?
Tout au long de ma carrière, j’ai vu ce fléau des rodéos urbains prendre de l’ampleur sur l’ensemble du territoire national. Il est désormais temps qu’il soit endigué.
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