« On ne veut pas des mercis, on veut des pardons » témoigne un infirmier anesthésiste de Strasbourg

Par Léonard Plantain
14 avril 2020 13:21 Mis à jour: 14 avril 2020 13:21

Christian Prud’homme est infirmier anesthésiste et secrétaire général FO à l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg – un soignant engagé à améliorer les conditions de travail de ses collègues.

Interrogé par France3-région, il témoigne : « Je suis devenu militant quand j’ai vu les conditions de travail de mes collègues. Les inégalités criantes, les problèmes de sécurité. Moi, j’ai toujours été révolté par l’injustice. Je voulais protéger mes collègues et l’hôpital public. Ne serait-ce que pour conserver nos acquis. Une lutte de tous les jours. »

Avec son engagement dans cette lutte, il avait dû quitter ses fonctions d’infirmier anesthésiste, il y a trois ans, « Je ne pouvais plus tout faire ». Mais depuis le 15 mars, il a repris ses fonctions d’infirmiers pour aider ses collègues à faire face au coronavirus de Wuhan.

Il explique : « Je me suis porté volontaire quand j’ai vu qu’à partir du 11 mars, le nombre de malades à Strasbourg doublait tous les quatre jours. Je me suis dit que ça allait être très compliqué. Déjà en janvier j’avais tiré la sonnette d’alarme, j’étais inquiet sur les capacités de l’hôpital. J’étais juste réaliste. Je ne pouvais pas ne pas y aller. »

« Il y a énormément de boulot. On doit aller au front, c’est évident, mais pas à n’importe quelles conditions (…) Tout le monde est sur le pont, tous les jours, toutes les semaines. C’est inimaginable le travail fourni en ce moment », explique-t-il.

Pour lui, si l’épidémie cause autant de difficultés et de dégâts, c’est avant tout car le système est malade. En effet, pour rattraper des déficits de plusieurs millions d’euros, les hôpitaux ont sans cesse réduit le nombre de lits et de salariés : « Maintenant, on le paie. »

Il poursuit : « L’ennemi ici, c’est l’État. Exécuteur d’une logique marchande implacable (…) qui vise à réduire ou à éliminer toutes les activités non rentables d’une entreprise. Depuis la T2A, la tarification à l’activité, à l’acte, on a vu nos services décliner. Tout est compté: en terme de matériel, de jours. Pour une appendicite, c’est deux jours. Pas un de plus. C’est du calibrage. D’autant que l’enveloppe allouée aux hôpitaux est insuffisante. Même avec une augmentation de 2,3% l’année dernière, on a commencé en janvier en étant dans le rouge. »

Pour l’heure, il faut s’occuper du virus, mais l’infirmier anesthésiste reste lucide pour la suite : « Ce qui m’agace le plus c’est l’attitude du gouvernement. Leurs mercis à tout-va. Ils doivent nous dire pardon, pas merci. Pardon pour avoir fait la sourde oreille ou quasi. Trop longtemps. (…) Ils nous ont snobés, dénigrés malgré les démissions, les droits d’alerte, la détresse. Pendant des années. Ils ne peuvent pas dire qu’ils ne savaient pas. »

Il poursuit : « A chaque fois, quand il y a des événements exceptionnels comme l’accident du TGV, ils débarquent, nous félicitent pour notre travail et… rien. Ça fait depuis novembre 2018 que les urgences sont en grève. Y’en a marre, on veut être écoutés. Si on fait des grèves, si on s’agite c’est pas pour rien merde. »

« Il faudra trancher: soit un vrai service public de qualité, soit un modèle à l’américaine, facturé. Pas les deux. C’est un choix de société. Tout est question de budget, c’est simple. Il faut le calculer en fonction des maladies, non l’inverse. Il faut davantage de personnel, revaloriser les salaires », explique-t-il.

En plus de la détresse dû aux difficultés de travail, Christian indique que « les salariés des hôpitaux publics ont perdu 18% de leur pouvoir d’achat. Le point d’indice est gelé. Nous, on demande une revalorisation de 20% de tous les salaires, moi perso, j’irais jusqu’à 25%. On y réfléchit », conclut-il. Il faudra alors revoir toutes les dépenses inutiles dans la politique de dépenses de l’État pour rendre ça possible.

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