Uber perd la bataille en Chine et cède sa filiale locale

6 août 2016 10:31 Mis à jour: 6 août 2016 14:40

Après avoir subi de lourdes pertes dans sa quête de part de marché en Chine, le géant américain de réservation de voiture avec chauffeur, Uber Technologies Inc., basé à San Francisco, vient de reconnaître sa défaite dans l’empire du milieu.

L’entreprise a annoncé le 1er août la vente de sa filiale chinoise à son grand rival local, Didi Chuxing (Beep Beep Travel en anglais), dans une transaction qui valoriserait l’association des deux entreprises à hauteur de 35 milliards de dollars.

La plupart des gens, à qui nous avions demandé des conseils, ont estimé que nous étions soit naïfs, soit idiots — voire les deux.

Travis Kalanick, CEO, Uber.

« Je me suis rendu en Chine avec un petit groupe de personnes il y a trois ans de cela, pour évaluer la possibilité d’y lancer Uber », a déclaré Travis Kalanick, PDG et co-fondateur d’Uber, dans une lettre ouverte publiée sur le site de l’entreprise.

« La plupart des gens, à qui nous avions demandé des conseils, ont estimé que nous étions soit naïfs, soit idiots — voire les deux. »

Et voilà qu’aujourd’hui Uber Chine, en seulement deux ans, a dépassé les rêves les plus fous de Kalanick.

En contrepartie des actifs chinois de l’entreprise, Uber recevra 5,89 % du capital-actions privilégié de la nouvelle société, équivalent à 17,7 % des parts sociales de Didi, selon un communiqué de presse de cette dernière. En outre, le moteur de recherche chinois Baidu et les autres actionnaires de Uber Chine recevront 2,3 % de part du capital de Didi.

(Source : CB Insights)

En Chine, les entreprises de réservation de véhicule avec chauffeur ont connu une croissance très rapide, mais elles ont aussi subi de lourdes pertes en raison de la féroce concurrence. Selon les rapports des médias, en deux ans de présence sur le territoire chinois, Uber aurait perdu 2 milliards de dollars. Aujourd’hui, Uber cède ses activités en Chine contre 7 milliards de dollars de partde capital de Didi, ce qui est loin d’être une mauvaise affaire pour les actionnaires de l’entreprise américaine.

Lors de sa dernière levée de fonds, Uber Technologies Inc., avait atteint une valorisation de 62,5 milliards de dollars, ce qui avait fait de la société la plus grosse start-up au monde. L’appel de fonds de Uber Chine en janvier dernier, lui avait permis de porter sa valorisation à 7 milliards de dollars.

Dans le cadre de l’accord, Didi Chuxing investira à son tour 1 milliard de dollars dans l’entreprise Uber monde.

En comparaison la levée de fonds de Didi Chuxing auprès d’investisseurs, dont Apple, Alibaba et SoftBank en juin a atteint une valorisation de 28 milliards de dollars. Avec l’acquisition d’Uber Chine pour 7 milliards de dollars, Didi élève son capital à 35 milliards de dollars.

Dans le cadre de l’accord, Didi Chuxing investira à son tour 1 milliard de dollars dans l’entreprise Uber monde. Ainsi Cheng Wei, fondateur et président de Didi, se joindra au conseil d’administration de Uber, tandis que Travis Kalanick, lui se joindra au conseil d’administration de Didi. De son côté Uber Chine resterait une marque indépendante avec son activité propre.

Travis Kalanick, CEO de Uber monde à Pékin le 11 janvier 2016. Uber a annoncé qu’il vendait son activité chinoise à son rival locale Didi Chuxing le 1er août. (WANG ZHAO/AFP/Getty Images)

Pourquoi les entreprises américaines de technologie quittent-elles la Chine?
L’annonce du retrait de Uber en Chine, marque la dernière reddition d’une entreprise américaine de technologie devant la férocité de la concurrence qui sévit sur le plus grand marché du monde. Ces dernières décennies, les géantes américaines des technologies, attirées par l’immense population chinoise, ont essayé de s’implanter dans le pays.

Elles y ont investi avec de grands espoirs en prenant des risques qui se chiffrent en milliards de dollars, à l’image de Kalanick. « Si vous avez l’opportunité de mettre sur pieds l’équivalent à la fois d’Amazon et d’Alibaba, vous seriez fou de ne pas essayer », a-t-il expliqué dans sa lettre.

Les géantes américaines des technologies, attirées par l’immense population chinoise, ont essayé de s’implanter dans le pays.

Cependant, une fois qu’elles entrent dans le pays, les géantes entreprises des technologies vivent des moments difficiles. Soit elles sont confrontées à des exigences très strictes du gouvernement, soit elles tombent comme Google Inc. sous le joug de la censure.

Google est entrée en Chine en 2000, mais a dû arrêter ses activités en raison de la censure imposée par le Parti communiste chinois et d’une cyberattaque qu’elle a subit dans le pays. En 2010, Google révélait que des pirates chinois avaient pénétré les comptes Gmail des défenseurs chinois des droits de l’homme aux États-Unis, en Europe et en Chine et qu’ils avaient menacé l’entreprise. Par conséquent, Google a cessé ses activités dans le pays.

Uber et Didi Chuxing investissent des milliards de dollars en Chine et elles ont toutes les deux ont encore à y tirer profit.

Travis Kalanick, CEO, Uber

Depuis les années 2008-2009, la Chine a bloqué l’accès aux réseaux sociaux Facebook et Twitter, ainsi que YouTube.

En outre, les plates-formes américaines de e-commerce comme eBay et Amazon y ont perdu la bataille au profit de leurs rivaux locaux que sont Alibaba et Tencent. Les entreprises locales bénéficient d’un fort financement et les politiques gouvernementales biaisées favorisent souvent les acteurs nationaux.

Ainsi eBay a débarqué en Chinois en 2002, avec l’espoir de devenir un marché dominant du pays. Toutefois, quatre années plus tard, après avoir investi 250 millions de dollars, eBay a dû se retirer du marché, à cause de son incapacité à rivaliser avec Alibaba.

(source : CB Insights)

Est-ce le bon moment pour quitter la Chine?
« Notre croissance a été très rapide et nous effectuons à présent plus de 150 millions de trajets par mois. C’est un réel exploit puisque la majorité des entreprises américaines des technologies peinent à tirer leur épingle du jeu », s’est réjouit Kalanick.

Quitter le marché chinois semble être la meilleure décision stratégique d’Uber, pense Kalanick, compte tenu des défis et de l’énorme coût des dépenses en trésorerie.

« Uber et Didi Chuxing investissent chacune des milliards de dollars en Chine et les deux entreprises n’arrivent pas à être rentables. Réussir à devenir rentable est la seule façon de bâtir une entreprise durable, avec une meilleure qualité de prestation pour les utilisateurs chinois, les chauffeurs et les villes desservies sur le long terme », a-t-il déclaré.

Dans un seul mouvement, le Parti communiste chinois a d’une part légitimé l’industrie et de l’autre l’a placée sous son étroit contrôle.

La décision de vendre Uber Chine fait suite à la publication par le ministère chinois des transports, de règles préliminaires à la légalisation des services de réservation de véhicule avec chauffeurs le 28 juillet. Les règles avantageant l’État au détriment des entreprises de VTC.

Dans un seul mouvement, le Parti communiste chinois a d’une part légitimé l’industrie et de l’autre l’a placée sous son étroit contrôle.

L’article 5 de la nouvelle réglementation exige ainsi que les serveurs physiques des entreprises de VTC soient installés dans le pays et que les données des utilisateurs et des chauffeurs des services soient sur ces serveurs pendant deux ans. Si le ministère chinois des transports n’a publiquement nommé aucune entreprise en particulier, cette disposition semblait viser directement Uber Chine.

Pékin a également annoncé sans fournir de détails, une surveillance et un encadrement des prix. Cette annonce a été interprétée comme une menace contre Uber Chine, dont la stratégie consistait à attirer de nouveaux clients grâce à des prix agressif et inférieurs aux coûts d’exploitation.

Selon le communiqué de presse publié par Didi, « cet accord avec Uber permettra à l’industrie du transport mobile de s’engager dans une voie de croissance plus saine et plus durable et ce à un niveau supérieur. Didi Chuxing engage toute notre énergie à travailler avec les organismes de réglementation, les utilisateurs et les partenaires pour répondre aux défis de nos villes en termes de logistique, d’environnement et d’emploi ».

Le mastodonte Didi Chuxing a été créé en février 2015 par l’alliance des services concurrents de véhicule avec chauffeur des deux géants de l’Internet chinois, Alibaba Group et Tencent Holdings.

Dans son communiqué de presse, Didi revendique 300 millions d’utilisateurs dans plus de 400 villes chinoises. Le cabinet d’études Analysys estime quant à lui que Didi possédait au mois de mai 42,1 millions d’utilisateurs actifs contre 10,1 millions pour Uber Chine.

Version anglaise : Uber Loses China Battle, Sells Chinese Subsidiary

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