Une avocate chinoise fait face à la prison à vie pour sa quête de justice

19 janvier 2016 04:32 Mis à jour: 19 janvier 2016 04:34

Le Parti communiste chinois (PCC) avait l’habitude de qualifier ses présumés adversaires politiques de « contre-révolutionnaires ». De nos jours, c’est l’accusation de « subversion de l’État » qui est apposée à quiconque le Parti juge problématique.

Wang Yu, une avocate des droits de la personne réputée, a été arrêtée parce que soupçonnée de « subversion du pouvoir de l’État », a indiqué son avocat Li Yuhan à plusieurs médias occidentaux.

Une accusation moins sérieuse « d’incitation à la subversion du pouvoir de l’État » a été portée contre son mari, le militant Bao Longjun. S’il est reconnu coupable, Bao pourrait être condamné à cinq ans de prison, tandis que Wang risque la prison à vie.

« C’est une punition très, très sévère », affirme en entrevue téléphonique Teng Biao, un important avocat chinois des droits de la personne, maintenant basé à la Kennedy School de Harvard. « La répression des avocats par le Parti communiste chinois a atteint un niveau démentiel. »

L’arrestation de Wang et Bao est le dernier développement dans la répression des avocats et des militants pour les droits de l’homme par le régime chinois, qui avait débuté en juillet dernier par des arrestations massives. Les avocats chinois affirment que le régime n’a aucun motif d’ordre juridique pour accuser le couple et les autres avocats de subversion politique. Ils affirment aussi que le geste est une tentative de faire taire la communauté juridique, mais que cela pourrait avoir un effet contre-productif pour le régime.

Défense de la population

Wang Yu et Bao Longjun sont actuellement en détention dans la ville portuaire de Tianjin, selon le quotidien hongkongais South China Morning Post. Vingt-trois avocats et militants des 250 ciblés environ sont toujours en détention ou portés disparus, selon Amnesty International.

Wang et les autres avocats ne faisaient que leur travail en « défendant les droits fondamentaux des citoyens selon le droit chinois », estime Teng Biao.

Dans sa carrière d’avocate des droits de la personne, Wang a représenté des individus particuliers comme le militant des droits de la personne Wu Gan et l’universitaire ouïghour Ilham Tohti, de même que des pratiquants de Falun Gong, une discipline spirituelle sévèrement réprimée en Chine. Une semaine avant son arrestation, Wang a été malmenée et expulsée de force d’un palais de justice dans la province du Hebei parce qu’elle insistait pour représenter son client, un pratiquant de Falun Gong.

L’emprisonnement et la poursuite de ces avocats sont une « violation du droit chinois et des traités internationaux en matière des droits de la personne dont la Chine est signataire », ajoute Teng. La Chine est actuellement liée par six traités des droits de l’homme des Nations Unies, dont les conventions contre la discrimination envers les femmes et contre l’usage de la torture.

De plus, l’accusation de subversion politique « ne tient pas la route », puisque la « subversion ne peut venir que d’une lutte armée ou d’opérations militaires […] ou d’une rébellion », selon Zhang Zanning, un avocat et maître de conférence à la faculté de droit de la Southeast University de Nankin.

« Wang Yu n’a pas la capacité, l’influence ou l’audace de subvertir l’État », affirme Zhang en entrevue téléphonique. « Elle n’a fait que mettre en pratique la loi du pays en défendant la population. »

« Un pas vers l’avant, deux pas vers l’arrière »

Zhang Zanning explique que l’accusation de subversion de l’État a remplacé l’accusation de « crimes contre-révolutionnaires » dans le lexique du Parti pour étiqueter ceux qu’il considère comme ses adversaires politiques.

Depuis le temps de Mao Zedong à 1997, « traiter quelqu’un de contre-révolutionnaire est l’accuser d’un crime politique », explique-t-il. « Maintenant, la subversion de l’État est une accusation politique. »

« Ceux considérés par les dirigeants comme empiétant un peu sur leur autorité » seraient désormais accusés de « subversion du pouvoir de l’État », ajoute Zhang.

La volonté grandissante d’utiliser des accusations politiques aussi sévères contre des militants pacifiques qui cherchent seulement à travailler au sein du système légal actuel représente « un pas vers l’avant, deux pas vers l’arrière » pour le développement de l’État de droit en Chine, estime Zhang.

(Le pas vers l’avant se réfère aux « grands accomplissements » de réduire le seuil pour l’acception de plaintes criminelles par les organismes de poursuite du régime et la refonte des camps de travail ces dernières années.)

Répression « inutile »

Teng Biao, ex-avocat des droits de la personne, trouve que le citoyen chinois moyen n’est pas porté à se montrer sympathique à la cause de Wang Yu, de son mari et d’autres parce que le régime censure strictement internet et entache la réputation des militants dans les médias.

Par exemple, lorsque des centaines d’avocats ont été arrêtés en juillet 2015, les médias officiels les ont accusés de « déranger gravement l’ordre social » et de profiter de leurs entreprises en tant que « cartel de la défense des droits ».

Mais les sympathisants de ces avocats augmentent en nombre malgré cette « machine de propagande », mentionne Teng. Et « plusieurs braves avocats de défense des droits ont continué à se lever » dans le contexte de répression actuelle.

Yu Wensheng, avocat des droits de la personne à Pékin, a indiqué à Epoch Times que de « 20 à 30 avocats au moins ont rejoint les rangs des défenseurs des droits » après la répression du mois de juillet, appelée par la communauté de défense des droits chinoise « l’incident 709 ».

« Alors je crois que la répression est inutile et ne fera qu’inspirer plus d’avocats à prendre le chemin de défendre les droits de l’homme », commente Yu au téléphone.

« Je crois que les avocats sont la pierre angulaire de la primauté du droit dans une société », affirme le célèbre dissident pékinois Hu Jia en entrevue téléphonique, s’emportant dans une diatribe contre le régime chinois et ses violations des droits de la personne.

« Au XXIe siècle, le cinquième de la population mondiale vit sous une tyrannie dans laquelle leurs droits sont constamment piétinés. Je pense que ce n’est pas seulement le problème de la Chine, mais du monde entier », affirme Hu Jia. « L’Occident devrait se pencher davantage sur cette question. »

Version originale : Chinese Lawyer Faces Life in Prison for Pursuing Justice

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