Comment l’Iran utilise le minage de bitcoins pour contourner les sanctions commerciales

Par Epoch Times
20 juin 2025 16:52 Mis à jour: 21 juin 2025 06:04

L’Iran et Israël sont en guerre depuis le 13 juin, mais cela fait longtemps que Téhéran, ainsi que d’autres grandes villes iraniennes, sont confrontées à des coupures d’électricité fréquentes, et ce malgré les immenses réserves de pétrole et de gaz du pays.

L’Iran fait partie des plus grands pays mineurs de bitcoins au monde, une activité qui consomme d’énormes quantités d’électricité.

Matthew Tasooji, professeur en gestion des opérations et de la chaîne d’approvisionnement à la California State University de San Marcos, a déclaré à Epoch Times que le gouvernement iranien se servait du bitcoin pour contourner les sanctions internationales.

« C’est une stratégie très habile de la part du gouvernement iranien. Il ne peut pas vendre son pétrole, mais il peut le convertir en électricité, puis en bitcoins, » a expliqué Matthew Tasooji. « Les recettes générées par le minage de bitcoins sont apparemment directement reversées aux Gardiens de la Révolution islamique (IRGC). »

« Objectifs militaires légitimes »

Jurgita Lapienyte, rédactrice en chef du site Cybernews, a expliqué à Epoch Times : « Le bitcoin est produit par des ordinateurs qui entrent en compétition pour résoudre des problèmes cryptographiques extrêmement complexes, comme des énigmes. Cela demande énormément d’électricité, car ces serveurs doivent effectuer d’innombrables calculs en parallèle. »

En récompense de la résolution de ces problèmes mathématiques, les mineurs reçoivent des bitcoins.

Matthew Tasooji a indiqué que s’il tentait de miner du bitcoin depuis son propre ordinateur personnel, ses chances de succès seraient « un trillion de fois moindres » que de gagner à la loterie Powerball.

« C’est quasiment impossible. Il faut des grappes entières d’ordinateurs dotés de circuits spécialisés, » a-t-il précisé.

On utilise pour cela des circuits intégrés spécifiques à une application ou ASIC, capables de résoudre les calculs nécessaires à la création d’un bitcoin.

Matthew Tasooji estime que l’Iran dispose d’environ 180.000 machines ASIC dédiées au minage, et qu’un grand nombre de ressortissants chinois y sont employés pour faire fonctionner les fermes de minage.

A bitcoin logo is displayed on a screen as delegates listen to speakers during the Interpol World Congress in Singapore on July 4, 2017. (Dominic Gwinn/AFP via Getty Images)
Une image du logo du bitcoin lors du Congrès mondial d’Interpol à Singapour, le 4 juillet 2017. (Dominic Gwinn / AFP via Getty Images)

L’Iran souffre d’une grave pénurie de devises étrangères et il ne peut plus vendre librement son pétrole sur les marchés mondiaux.

Les réserves iraniennes en devises étrangères sont passées de 122 milliards de dollars en 2018 à 13,6 milliards en 2020, avant de remonter légèrement à 33 milliards cette année, selon les autorités américaines.

Matthew Tasooji explique que le régime a puisé dans ses réserves en devises étrangères, désormais largement épuisées, ce qui l’a poussé à se tourner vers le minage de cryptomonnaies.

Traffic flows on a main road past electricity transmission towers in Tehran on Dec. 16, 2024. (Atta Kenare/AFP via Getty Images)
Des pylônes électriques à Téhéran, le 16 décembre 2024. (Atta Kenare / AFP via Getty Images)

En septembre 2022, Catherine Perez-Shakdam a remis un témoignage écrit au Parlement britannique, affirmant que « près de 4,5 % de tout le minage de bitcoins dans le monde a lieu en Iran. »

Cette semaine, Catherine Perez-Shakdam, directrice du Forum for Foreign Relations, a déclaré à Epoch Times : « En 2025, ce chiffre est probablement bien plus élevé. »

Elle précise que les Gardiens de la Révolution islamique dirigent une économie parallèle, dont le minage de bitcoin fait partie intégrante.

« Le régime n’a plus les moyens de financer le Hamas, le Hezbollah et les autres groupes affiliés. Il utilise donc le bitcoin pour cela, afin de renflouer ses caisses, » dit-elle.

Selon Matthew Tasooji : « C’est très ingénieux, ce qu’ils font, mais c’est illégal et, pour un pays comme l’Iran, c’est un gaspillage. Il y a des pannes d’électricité quotidiennes dans tout le pays, allant de deux à huit heures. »

Les médias d’État iraniens, comme l’agence IRNA, couvrent rarement la crise énergétique. Mais en février 2025, elle a publié un court article citant le vice-ministre de l’Industrie, des Mines et du Commerce, Hossein Farhidzadeh, qui évaluait les pertes du secteur industriel dues aux coupures de courant à 108 millions de dollars (environ 94 millions d’euros) par jour.

Selon Jurgita Lapienyte, les cryptomonnaies sont principalement utilisées à grande échelle par des pays cherchant à échapper aux sanctions, notamment l’Iran et la Corée du Nord.

« C’est l’un des principaux moyens de contourner les sanctions économiques, » dit-elle.

Le concept du bitcoin repose sur une volonté de décentralisation et d’indépendance vis-à-vis des banques et des gouvernements. Mais il est aussi devenu un moyen pour les acteurs criminels ou étatiques d’échapper à la surveillance du système financier international.

L’Iran convertirait ainsi son électricité en bitcoins, utilisables ensuite dans des échanges avec des pays comme la Russie, la Chine ou la Corée du Nord, voire avec des entités non étatiques.

En avril 2025, la Judge Business School de l’Université de Cambridge, en Angleterre, a publié un rapport indiquant que le minage de bitcoin consommait environ 138 TWh d’électricité par an, soit 0,5 % de la consommation mondiale.

Selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), le minage de cryptomonnaies pourrait représenter entre 0,6 % et 2,3 % de toute l’électricité consommée aux États-Unis.

Après plusieurs pannes de courant cette année, le ministre iranien de l’Énergie, Abbas Aliabadi, a déclaré à la presse qu’un grand nombre de ces interruptions étaient dues à du minage illégal de bitcoins, et a promis une récompense à toute personne le signalant.

Le mois dernier, le site IranWire a rapporté que le ministère de l’Éducation iranien avait décidé d’ouvrir les écoles à 6 h et de les fermer à 13 h afin d’économiser de l’électricité pendant les mois d’été, où la climatisation fait exploser la demande.

Le minage de bitcoins est légal en Iran, mais le régime impose un système de licences très strict, fermant en 2019 plusieurs fermes illégales.

Selon Matthew Tasooji, le guide suprême, Ali Khamenei, a approuvé le minage de bitcoins en 2021, et de nombreuses fermes sont désormais sous le contrôle des Gardiens de la révolution.

« C’est une activité très rentable si l’électricité est gratuite ou presque. Et en Iran, les Gardiens ne paient pas un sou pour l’électricité », dit-il.

Selon lui l’économie iranienne est dans un état si critique que le rial est devenu quasi sans valeur, et le taux de change sur le marché noir n’a plus rien à voir avec le taux officiel.

Il précise que les implications à long terme du minage de bitcoins dépendent largement de l’évolution du régime.

« Même si cela génère des revenus supplémentaires pour les Gardiens de la révolution et les élites du régime, leur priorité actuelle n’est probablement pas financière, mais liée à leur sécurité personnelle et à la survie du régime », a-t-il déclaré.

« Les cryptomonnaies peuvent aider à contourner les sanctions et faciliter des transactions discrètes, mais cela reste un objectif secondaire par rapport à leurs préoccupations existentielles. »

Chris Summers a contribué à la rédaction de cet article. 

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