De juge respecté à ennemi d’État en Chine

2 mai 2016 08:59 Mis à jour: 10 mai 2016 11:52

Le 31 décembre 2011, Zhong Jinhua, un ancien juge et avocat chinois réputé, est devenu ennemi d’État. « Si dans les cinq années à venir, l’impossibilité pour d’autres partis politiques d’exister dans ce pays et les contraintes qui bloquent la presse ne sont pas levées…, le peuple et les intellectuels n’accepteront plus cette situation », a-t-il simplement écrit sur le microblog Sina Weibo ce jour-là. « Je serai le premier à annoncer ma démission du Parti communiste chinois et j’organiserai des partis politiques démocratiques pour renverser la dictature ! », avait-il ajouté.

Zhong Jinhua, ancien juge et avocat en Chine, dans les rues de Manhattan le 12 avril 2016. Avant d'arriver aux États-Unis en août 2015, Zhong avait exercé comme juge en Chine pendant plus d'une décennie. Il était aussi devenu un avocat défenseur des droits civiques durant de nombreuses années, avant d'être contraint à l'exil. (Benjamin Chasteen/Epoch Times)
Zhong Jinhua, ancien juge et avocat en Chine, dans les rues de Manhattan le 12 avril 2016. Avant d’arriver aux États-Unis en août 2015, Zhong avait exercé comme juge en Chine pendant plus d’une décennie. Il était aussi devenu un avocat défenseur des droits civiques durant de nombreuses années, avant d’être contraint à l’exil. (Benjamin Chasteen/Epoch Times)

En quelques heures, l’importante base de sympathisants de Zhong sur Weibo, a eu vite fait de partager les commentaires du magistrat des milliers de fois. Il a ainsi reçu un flot de louanges et de commentaires positifs, avant de voir son post supprimé. Les mécanismes de contrôle et de suppression du Parti ont réagi immédiatement : les agents de la sécurité l’ont appelé sur son téléphone portable pour lui ordonner de rentrer à Shanghai. Le directeur de son cabinet d’avocats a essayé de trouvé un moyen pour le renvoyer. Si Zhong a finalement pu conserver son emploi, le mal était fait : il était maintenant devenu un « ennemi du Parti ».

Le juge Zhong Jinhua, devenu par la suite avocat et activiste, a rejoint sur le tard le mouvement Weiquan de défense des droits en Chine. Mais l’histoire de son exercice juridique des deux côtés du banc du tribunal, puis la manière dont le Parti l’a rudement frappé et forcé à l’exil montre la difficulté de pouvoir défendre les droits en Chine. Son histoire donne un aperçu aux Chinois de la ligne à ne pas franchir en faveur d’un État de droit et des efforts faits par le régime pour les contenir.

Zhong s’en est sorti sans faire de concession, mais il a été mis sous étroite surveillance. Son ami au cabinet – un adjoint local de la cellule du Parti – est devenu son surveillant, chargé de suivre ses rencontres et ses activités en ligne, et de le rappeler à l’ordre dès lors qu’il postait des messages « sensibles » sur Weibo ou WeChat.

Pendant des mois, il a fait l’objet de pressions grandissantes l’incitant à quitter son cabinet. Nombre de ses collègues qui s’étaient opposés à son licenciement au début, l’exhortaient à présent à démissionner. « Il faut repartir à Wenzhou », lui disaient-ils. « Ta place n’est plus ici, à Shanghai ».

Zhong n’a pas quitté la ville, mais il a effectivement quitté le cabinet « à l’amiable », suite à un chantage qui menaçait de le radier. Tant qu’il acceptait de partir, il pourrait conserver sa licence de droit.

Cette période a été marquée par son étroite surveillance : de fréquents piratages informatiques, une surveillance voulue visible par des gardes de sécurité travaillant dans sa résidence, des visites importunes d’inspecteurs « du ménage » et des rencontres informelles aléatoires avec des femmes du comité du quartier – qui surveillent les lotissements.

« La justice dans la peau »

Deng Xiaoping, l’ancien patriarche du Parti, avait estimé au début des années 1980 que puisque la Chine allait faire des affaires avec le reste du monde, le régime avait besoin d’un système juridique qui inspire confiance aux investisseurs étrangers. Année après année, les facultés de droit ont commencé à accueillir des milliers de jeunes Chinois impatients de devenir les nouveaux avocats et juges de demain.

En 1990, le jeune Zhong débute à 20 ans sa formation juridique à l’université Minzu de Pékin. Diplômé en 1994, il trouve un emploi comme commis dans la division de la première instance pénale de la Cour intermédiaire populaire de Wenzhou, dans la province côtière du Zhejiang. Il ne tarde pas à devenir juge en chef, poste qu’il occupe jusqu’en juillet 2008.

 

Zhong JinHua, ancien juge de la ville de Wenzhou, dans sa robe de magistrat. (Courtesy of Zhong Jinhua)
Zhong JinHua, ancien juge de la ville de Wenzhou, dans sa robe de magistrat. (Courtesy of Zhong Jinhua)

« J’ai la justice dans la peau », a déclaré Zhong dans une interview accordée à Epoch Times. Pourtant il trouvait de plus en plus difficile de concilier son travail de juge intègre – il refusait sèchement les cigarettes et les vins onéreux qui lui étaient offert – et la nécessité de ramener à la maison un revenu suffisant pour nourrir sa famille.

« À un moment de leur carrière, pratiquement tous les fonctionnaires gouvernementaux sont soudoyés », a constaté Zhong. « Ceux qui sont irresponsables et corrompus abusent de leur position ». Zhong affirme n’avoir jamais agi de la sorte, préférant expliquer aux parties que ses décisions étaient uniquement basées sur le mérite.

Après avoir rejoint le bureau de la Yingke Law Firm, à Shanghai, le second plus grand cabinet en Chine, il pensait enfin pouvoir exprimer sa vision des choses, en particulier sur les questions de justice.

Le premier couac est survenu fin 2011 avec l’affaire Beihai dans le Guangxi, dans le sud de la Chine lorsque les avocats ont eux-mêmes été poursuivis puis détenus par les autorités parce qu’ils défendaient cinq personnes accusées de meurtre et estimaient que les preuves manquaient cruellement L’affaire résume l’essence de la politique et du droit en Chine, estime Zhong : « Les affaires pénales deviennent des affaires politiques lorsqu’elles suscitent trop d’attention ».

 

Zhong Jinhua (en arrière au centre), ancien juge et avocat en Chine, en compagnie d'autres avocats des droits humains qui ont défendu l'affaire Beihai fin 2011. Les avocats qui ont défendu les cinq personnes accusées d'assassinat dans la ville côtière du sud-ouest de Beihai, ont été poursuivis et détenus par les autorités chinoises. (Courtesy of Zhong Jinhua)
Zhong Jinhua (en arrière au centre), ancien juge et avocat en Chine, en compagnie d’autres avocats des droits humains qui ont défendu l’affaire Beihai fin 2011. Les avocats qui ont défendu les cinq personnes accusées d’assassinat dans la ville côtière du sud-ouest de Beihai, ont été poursuivis et détenus par les autorités chinoises. (Courtesy of Zhong Jinhua)

Depuis 2009, Zhong suivait de près les questions relatives aux droits de l’homme et sa déception n’a cessé de croitre contre les injustices perpétrées par le régime communiste. Il était aussi frustré par l’incapacité du Parti à se réformer. En repensant à l’affaire Beihai et aux autres cas d’injustices, Zhong a senti une vague de tristesse et de colère l’envahir. Dans un moment de témérité, il a annoncé publiquement sa volonté de quitter le Parti, à la veille de 2012.

La surveillance d’un « ennemi du parti »

Lorsque Zhong a posté son message fatidique sur Weibo, il a commencé à voir ce dont le Parti communiste était capable.

À l’époque, il était en Mongolie intérieure sur une affaire et pendant les premières heures il a reçu des appels frénétiques du département de la sécurité intérieure de Shanghai, du Bureau de la justice de Shanghai et même de son propre cabinet d’avocats. On lui ordonnait de rentrer immédiatement. Craignant d’être détenu, il a discrètement pris un vol pour sa région natale du Wenzhou, où il a fait profil bas pendant une semaine, louant des chambres d’hôtels avec des cartes d’identités empruntées à ses amis. Il n’est revenu à Shanghai qu’après s’être assuré qu’il ne serait pas purement et simplement arrêté.

La première personne avec laquelle il s’est entretenu était le secrétaire du Parti du Bureau de la Justice du district de Zhabei de Shanghai, qui est venu accompagné de voyous locaux du Parti. La rencontre a eu lieu dans la salle de conférence de l’entreprise. Zhong se rappelle la scène : « Avocat Zhong du Bureau de la justice du Parti à Zhabei, Shanghai » s’était-il présenté de sa voix de stentor. « Ils se comportaient de manière tellement sérieuse et formelle, que j’ai dû faire des blagues pour rompre la tension et les amener à se détendre ».

Les efforts de Zhong pour introduire une certaine légèreté n’ont pas atténué la gravité de la situation. On lui a dit que, s’il ne signait pas des aveux et des excuses, il serait considéré comme un « ennemi du Parti » et devrait en subir « de graves conséquences ». Il a été harcelé de questions sur le vrai « instigateur » qui l’aurait poussé à écrire son message et l’identité des « forces extérieures » qui le soutenaient.

Plus tard, lors d’une séance d’interrogatoire, les cadres semblaient particulièrement furieux que la bombe lâchée par Zhong sur Weibo, ait été reprise en quelques heures par New Tang Dynasty Television, chaîne de télévision en langue chinoise partenaire d’Epoch Times et basée à New York.

Trois femmes se déclarant membres de la commission du quartier de la zone où résidait Zhong JinHua, lui rendent visite à son domicile pour une inspection inopinée de son appartement à Shanghai en décembre 2015 (Courtesy of Zhong Jinhua)
Trois femmes se déclarant membres de la commission du quartier de la zone où résidait Zhong JinHua, lui rendent visite à son domicile pour une inspection inopinée de son appartement à Shanghai en décembre 2015 (Courtesy of Zhong Jinhua)

Pendant les deux années suivantes, Zhong a travaillé sous une surveillance oppressante et sous le fardeau psychologique d’être privé de toute affaire de défense des droits humains. Son nouveau cabinet, Jingheng étant directement mis en quarantaine par les autorités judiciaires du Parti, Zhong ne devait obtenir aucun dossier « sensible ».

Les deux années durant, Zhong s’est occupé de publicité et d’affaires pénales. Il a réussi à défendre avec succès une jeune femme accusée à tort de transporter de la drogue. Et petit à petit, la surveillance s’est relâchée. « Mais je n’en pouvais plus », explique-t-il. « Je me sentais concerné et impliqué dans la résolution des cas d’injustices dans la société ». Et d’ajouter qu’il voulait tout simplement agir contre l’injustice. « Quand on voit des gens être injustement traités, il est naturel de vouloir intervenir. C’est aussi simple que cela ».

Zhong s’apprêtait à lancer son propre cabinet en 2014 pour retrouver une autonomie sur ses affaires juridiques, lorsqu’il reçut une offre opportune de partenariat venant du Cabinet de droit Ganus, basé à Shanghai.

« Ils n’avaient pas fait de vérifications approfondies de mes antécédents », a précisé Zhong avec un sourire. « Du coup ils m’ont laissé m’occuper de dossiers relatifs aux droits de l’homme ».

Défendre les droits humains

Zhong Jinhua est un acteur tardif sur la scène des droits de l’homme et il n’a par conséquent pas remarqué quelques-uns des signaux d’alerte, lorsqu’il refusait les pots-de-vin.

Comme par exemple, le tumulte national provoqué par la maltraitance et la mort de Sun Zhigang, un ouvrier migrant en 2003. Trois juristes, Teng Biao, Xu Zhiyong et Yu Jiang ont soumis une pétition aux législateurs du régime pour changer le système de garde et de rapatriement – un moyen arbitraire utilisé par la police pour les détentions – et avant qu’ils ne reçoivent de réponse officielle à leur pétition, ce système abusif a finalement été aboli.

Zhong avait également manqué l’agitation importante créée en 2005 et 2006 par Gao Zhisheng (un avocat des droits humains) lorsque ce dernier avait brisé l’interdit du Parti, en apportant une aide juridique aux pratiquants de Falun Gong, une discipline spirituelle persécutée. Dans trois lettres ouvertes adressées aux hauts dirigeants du Parti, Gao avait appelé le régime à mettre fin à la répression du Falun Gong, avant d’annoncer plus tard publiquement sa démission du Parti communiste. Enlevé en 2006, il a été sévèrement torturé à maintes reprises et a passé la majeure partie de la dernière décennie sous une forme ou une autre de détention.

 

Gao Zhisheng dans son bureau de Pékin, le 2 novembre 2005 (VERNA YU/AFP/Getty Images)
Gao Zhisheng dans son bureau de Pékin, le 2 novembre 2005 (VERNA YU/AFP/Getty Images)

En 2009, lorsque Weibo – la version chinoise de Twitter – est apparue, Zhong Jinhua a soudainement eu la possibilité d’en apprendre davantage sur les violations des droits à travers le pays et de contacter à volonté les autres défenseurs des droits du pays.

Pour Zhong, la possibilité d’entrer en contact avec la communauté Weiquan (des défenseurs des droits) a été un tournant, « l’influence la plus importante » dans son dévouement à devenir un avocat des droits de l’homme. « Ils étaient tous entrain de faire des choses justes, alors j’ai décidé de les rejoindre ».

« Les médias sociaux ont eu un impact crucial pour les avocats des droits civiques et sur leur capacité à se connecter les uns aux autres : tous les avocats les plus actifs se connaissaient entre eux et étaient connectés sur WeChat », se souvient Teng Biao, maintenant avocat des droits de l’homme en exil et invité d’honneur à l’Institut de droit Amérique-Asie de l’université de New York (NYU).

Teng Biao, avocat chinois des droits de l'homme et co-fondateur de l'Open Constitution Initiative, au Capitol Hill de Washington le 18 septembre 2015. Il s’exprime devant une audience de la Commission exécutive du Congrès sur la Chine. (Nicholas Kamm/AFP/Getty Images)
Teng Biao, avocat chinois des droits de l’homme et co-fondateur de l’Open Constitution Initiative, au Capitol Hill de Washington le 18 septembre 2015. Il s’exprime devant une audience de la Commission exécutive du Congrès sur la Chine. (Nicholas Kamm/AFP/Getty Images)

Dans un entretien téléphonique avec Epoch Times, Teng a expliqué que « Weibo permettait aux autres avocats partageant les mêmes points de vue d’être au courant des actions communes et d’exprimer leur soutien. Weibo nous a vraiment permis d’élargir notre audience ».

Dans une interview accordée à la New York Review of Books en 2014, Teng estimait à 20, voire 30, le nombre d’avocats Weiquan, au moment du lancement du mouvement en 2003. En 2014, environ 200 avocats des droits humains étaient très actifs et environ 600 ou 700 autres défendaient des affaires de droits de l’homme. L’objectif principal de cet activisme dans la défense des droits est d’établir un État de droit en Chine. Car le Parti n’est pas lié à la Constitution chinoise et il fonctionne souvent hors la loi.

Pour forcer le Parti à respecter les lois, les avocats et les militants des droits civils utilisent la loi chinoise à la lettre pour défendre les droits de la population. Dans un État de droit, c’est le fondement de tout travail juridique. En Chine toutefois, essayer d’appliquer la loi dans des domaines déclarés politiques – particulièrement ceux impliquant les droits fondamentaux des personnes – est considéré comme profondément subversif, parce que cela revient à mettre en cause le monopole du Parti sur le pouvoir.

Depuis 2003 et l’incident Sun Zhigang, les avocats Weiquan ont affronté le régime sur plusieurs fronts. Entre autres questions, ils ont fait leur cheval de bataille des affaires impliquant des militants populaires pro-démocratie, les persécutions politiques, religieuses, la politique de l’enfant unique, la liberté d’expression, les expulsions forcées, la sécurité alimentaire, la brutalité des fonctionnaires, les tortures, la rééducation par le travail et les condamnations injustifiées.

Être impliqué

Dans son troisième cabinet d’avocats Ganus, Zhong avait enfin l’occasion de retrousser ses manches. « Voir des avocats être arrêtés sans raison valable, me rendait fou », a-t-il confié. C’est pourquoi lorsqu’en décembre 2014, Zhang Keke a été éjecté du tribunal en plein milieu de sa plaidoirie, Zhong est entré en action. Lui et l’avocat Feng Yanqiang de Shandong ont bravé la neige de la province de Jilin, dans le nord de la Chine où l’incident a eu lieu, pour déposer une plainte en justice contre le bureau de la sécurité publique de Jilin, contre le tribunal et l’association locale des avocats.

Zhong Jinhua (d), ancien juge et avocat en Chine, aux côtés de l'avocat des droits de l'homme Zhang Keke (g) devant un centre de détention de la ville de Liaoyuan, province de Jilin, en décembre 2014. Zhang avait précédemment été éjecté de la salle d'audience alors qu’il défendait un pratiquant du Falun Gong qui avait été torturé dans ce centre de détention. (Courtesy of Zhong Jinhua)
Zhong Jinhua (d), ancien juge et avocat en Chine, aux côtés de l’avocat des droits de l’homme Zhang Keke (g) devant un centre de détention de la ville de Liaoyuan, province de Jilin, en décembre 2014. Zhang avait précédemment été éjecté de la salle d’audience alors qu’il défendait un pratiquant du Falun Gong qui avait été torturé dans ce centre de détention. (Courtesy of Zhong Jinhua)

En Chine, l’affaire était très sensible parce que Zhang défendait des pratiquants de Falun Gong. Alors même que Zhang présentait sa défense devant le tribunal, le juge a fait signe aux membres du bureau de la sécurité intérieure de jeter l’avocat hors de la salle d’audience.

Le département local de recueil des plaintes a accepté le dépôt de la plainte, avant de l’annuler sous prétexte que Zhong et Feng n’avaient pas de preuves suffisantes pour lancer des poursuites. « Ils appartiennent tous à la même bande », a commenté Zhong.

Quittant la froideur du Nord, Zhong s’est rendu à Shenzhen dans la province subtropicale du Guangdong pour aider l’avocat local des droits humains Fan Biaowen. Fan avait défendu des ouvriers, des militants de la place Tiananmen et des chrétiens persécutés. Les autorités de Shenzhen ont fait pression sur le cabinet d’avocats qui employait Fan, pour résilier le contrat de ce dernier, et il semblait y avoir une conspiration pour s’assurer que Fan n’exercerait plus comme homme de loi dans la ville de Shenzhen.

Fan Biaowen (au centre, costume bleu marine) tient une bannière portant l’inscription :« Je veux un emploi », dans la ville de Shenzhen en Chine en décembre 2014. Zhong Jinhua (6e à partir de la droite) et une douzaine d'autres avocats sont venus soutenir Fan après que les responsables locaux aient poussé son cabinet d'avocats à le licencier (Courtesy of Zhong Jinhua)
Fan Biaowen (au centre, costume bleu marine) tient une bannière portant l’inscription :« Je veux un emploi », dans la ville de Shenzhen en Chine en décembre 2014. Zhong Jinhua (6e à partir de la droite) et une douzaine d’autres avocats sont venus soutenir Fan après que les responsables locaux aient poussé son cabinet d’avocats à le licencier (Courtesy of Zhong Jinhua)

Après une semaine d’enquête, Zhong a clairement déterminé que les autorités locales du Parti tiraient les ficelles de l’affaire, en recourant à des moyens illégaux pour empêcher l’avocat de représenter ses clients – eux-mêmes accusés par le biais de processus illégaux.

Les autorités judiciaires de Shanghai étaient furieuses de voir Zhong s’impliquer à nouveau dans des affaires « sensibles ». Elles l’ont menacé : « Faites bien attention aux conséquences de vos agissements ou vous risquez de graves ennuis ». Le directeur du cabinet et les partenaires de Ganus avaient également été harcelés.

 

Répression et exil

Zhong n’a pas tenu compte des avertissements jusqu’à ce que le régime chinois lance en juillet 2015, une vaste répression sur les avocats des droits civiques à travers le pays.

Les avocats de la défense des droits civiques sont comme l’homme de Tiananmen qui s’était tenu devant un char, à la seule différence qu’ils ont un diplôme de droit. Ils se mettent directement sous les coups de la répression du régime, armés seulement de leur courage et de leurs principes.

D’éminents avocats des droits comme Li Heping, Teng Biao, Tang Jitian et l’avocat autodidacte non-voyant Chen Guangcheng ont pris la défense de ceux qui ont été privés de leurs droits par le Parti et ont subi ensuite la cruauté irrationnelle de l’appareil de sécurité du Parti.

En 2007, pour avoir défendu des chrétiens, Li Heping s’est retrouvé avec un sac noir sur la tête, déshabillé, battu et électrocuté avec des matraques électriques dans un centre de détention. En 2011, les agents de sécurité de l’État ont mis un sac sur la tête de Teng Biao, avant de la battre et de le menotter 24 heures sur 24 pendant 36 jours sur une période de détention de 70 jours.

Li Heping, avocat des droits de l’Homme. (Chinachange.org)
Li Heping, avocat des droits de l’Homme. (Chinachange.org)

Tang Jitian et trois autres avocats enquêtaient sur un centre de détention illégal servant à détenir et torturer les pratiquants de Falun Gong dans la région nord-est de Jiansanjiang en 2014 avant d’être eux-mêmes arrêtés et torturés.

Une fois, la police a attaché Tang à une chaise métallique avant de le frapper à la tête avec une bouteille d’eau en plastique jusqu’à ce qu’il perde pratiquement conscience ; une autre fois, la police l’a cagoulé et l’a menotté les bras dans le dos, avant de le suspendre par les poignets et de le rouer de coups de matraques.

L’avocat Tang Jitian à Pékin le 29 avril 2010. (OLLI GEIBEL/AFP/Getty Images)
L’avocat Tang Jitian à Pékin le 29 avril 2010. (OLLI GEIBEL/AFP/Getty Images)

Même les militants handicapés ne sont pas épargnés. En 2011, environ 80 hommes ont fait irruption dans la maison de Chen Guangcheng, le militant des droits et défenseur des femmes victimes de la campagne de contrôle des naissances du régime. Les intrus ont agressé et torturé l’avocat aveugle et sa femme pendant plus de deux heures.

Zhang Jinhua (d), un ancien juge et avocat en Chine, en compagnie de l’activiste non-voyant des droits humains Chen Guangcheng (g), à un forum sur la Chine à Washington D.C. le 5 novembre 2015 (Courtesy of Zhong Jinhua)
Zhang Jinhua (d), un ancien juge et avocat en Chine, en compagnie de l’activiste non-voyant des droits humains Chen Guangcheng (g), à un forum sur la Chine à Washington D.C. le 5 novembre 2015 (Courtesy of Zhong Jinhua)

Toutefois, la répression de juillet 2015 était l’action la plus concertée des forces de sécurité du Parti pour éliminer la grogne croissante des défenseurs des droits. Elle a consisté en plusieurs centaines d’arrestations coordonnées en une nuit dans tout le pays. Selon Amnesty International, environ 250 avocats et militants des droits ont été ciblés ce jour-là et 17 ont été officiellement arrêtés.

Le 9 octobre 2015, des militants se sont rassemblés devant le bureau de liaison de la Chine à Hong Kong, pour appeler à la libération des avocats emprisonnés en Chine continentale (Philippe Lopez/AFP/Getty Images)
Le 9 octobre 2015, des militants se sont rassemblés devant le bureau de liaison de la Chine à Hong Kong, pour appeler à la libération des avocats emprisonnés en Chine continentale (Philippe Lopez/AFP/Getty Images)

Craignant de recevoir à son tour la visite d’intrus, Zhong a annoncé sur WeChat qu’il s’opposerait par la force à toute tentative d’irruption à son domicile. Au final, il n’a reçu que des appels téléphoniques lui demandant de se taire.

Craignant pour son épouse et ses deux jeunes enfants, Zhong a alors décidé de quitter la Chine et de s’installer aux États-Unis.

À l’aéroport de Shanghai, alors qu’il était sur le point d’embarquer pour Dallas, Zhong a été retenu par des dizaines d’agents de la sécurité publique pendant près de trois heures. Il n’a été autorisé à embarquer qu’au dernier moment.

Zhong vit maintenant dans le New Jersey avec sa femme, sa fille de 9 ans et son fils de 2 ans. Il a obtenu un poste d’un an en tant que chercheur invité à l’université de New York (NYU), grâce à Jerome A. Cohen, directeur de l’US-Asia Law Institute et professeur de droit à la NYU.

 La famille Zhong. (Courtesy of Zhong Jinhua)
La famille Zhong. (Courtesy of Zhong Jinhua)

« Nous aimons créer un melting-pot de personnes venant d’horizons différents », a déclaré Jerome A. Cohen après un récent déjeuner à NYU. « Zhong Jinhua est un avocat brillant ». À l’heure actuelle, en Chine, le mouvement Weiquan « a pris un coup sévère » avec l’arrestation et les investigations de centaines d’avocats des droits humains, a expliqué Jerome Cohen.

Jerome A. Cohen, professeur à la Faculté de droit de l'Université de New York, assiste à une conférence de presse à Taipei le 24 juin 2013 (Mandy Cheng/AFP/Getty Images)
Jerome A. Cohen, professeur à la Faculté de droit de l’Université de New York, assiste à une conférence de presse à Taipei le 24 juin 2013 (Mandy Cheng/AFP/Getty Images)

« C’est très mauvais pour la réputation de la Chine dans le monde, et c’est une mauvaise chose pour les avocats des droits de l’homme et leurs clients dans le pays », a-t-il ajouté. En concluant : « Ce ne sont pas des jours heureux ».

Article rédigé avec la contribution de Matthew Robertson.

Version anglaise : From Respected Judge to State Enemy in China

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.