Le virologue congolais Jean-Jacques Muyembe, d’une épidémie à l’autre

Par Epoch Times avec AFP
10 avril 2020 14:45 Mis à jour: 10 avril 2020 15:09

Si la lutte contre l’épidémie est une guerre, lui est un général d’armée sur deux fronts à la fois: en République démocratique du Congo, le Dr Jean-Jacques Muyembe s’apprête à célébrer lundi une victoire contre Ebola, une parenthèse dans la course contre le nouveau coronavirus.

A 78 ans, le virologue congolais est passé d’une épidémie à l’autre, avec en prime une polémique sur les vaccins contre le Covid-19 que ce « digne fils du pays » a lui-même provoquée.

« Expert de la gestion des épidémies »

Sa déclaration sur de possibles essais en RDC a brouillé auprès d’une partie des Congolais l’image de ce « grand expert de la gestion des épidémies » comme le qualifie son compatriote, le gynécologue Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.

Cet homme discret, modeste et souriant, qui fait facilement 10 ans de moins que son âge avec ses éternels favoris et ses chemises Vichy, travaille sur la maladie à virus Ebola depuis son identification en 1976 dans son pays, près de la rivière du même nom.

Depuis juillet 2019, il coordonne la « riposte » à la dixième épidémie de cette fièvre hémorragique sur le sol congolais, avec succès: l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) doit officiellement en proclamer la fin lundi, après bien des déboires.

La deuxième plus grave épidémie d’Ebola

Avec 2.273 morts, c’est la deuxième plus grave épidémie d’Ebola depuis la découverte du virus, à laquelle le Dr Muyembe a contribué, au sein d’une équipe internationale.

En septembre 1976, le jeune docteur en virologie, diplômé de l’université de Louvain (Belgique), est envoyé dans le nord de l’ex-Zaïre pour étudier une maladie encore inconnue qui frappe la région de Yambuku.

« Nous travaillions à mains nues, sans vêtements de protection. J’ai prélevé des échantillons de foie sur deux cadavres, à l’aide d’une tige métallique. Si je ne m’étais pas lavé les mains, je serais mort », raconte-t-il.

Il s’intéresse plus particulièrement à l’une des malades, une religieuse belge, dont un échantillon sanguin est envoyé à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, en Belgique, dans un simple thermos remplie de glace (l’une des deux éprouvettes se cassera pendant le voyage).

« Isole pour la première fois le virus Ebola »

« C’est à partir de l’échantillon de cette religieuse que le Dr Peter Piot a isolé pour la première fois le virus Ebola », affirme le docteur congolais.

Envoyé à Kinshasa, le chercheur belge Peter Piot relate dans ses mémoires avoir croisé dès son arrivée dans une réunion « Jean-Jacques Muyembe, un brillant jeune professeur zaïrois de microbiologie, pour lequel je développerai un profond respect par la suite ».

« Consacre toute sa vie à lutter contre Ebola »

Depuis 1976, les épidémies d’Ebola ont rythmé la vie de l’actuel directeur de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) de Kinshasa: « J’ai été présent pour chacune d’elles. J’ai consacré toute ma vie et toute ma carrière à lutter contre Ebola ».

A la réapparition du virus en 1995 à Kikwit (sud-ouest), le professeur Muyembe tente une expérience: « Mon équipe a prélevé du sang chez des survivants et l’a administré à huit patients infectés par le virus. Sept d’entre eux ont guéri ».

Lorsque se déclare l’actuelle épidémie d’Ebola en août 2018, le directeur de l’INRB travaille d’abord dans l’ombre du ministre de la Santé de l’époque, le Dr Oly Ilunga, un médecin de la diaspora aujourd’hui condamné pour détournement de fonds et qui clame son innocence depuis sa cellule de prison en accusant l’un de ses collaborateurs.

Face au nouveau coronavirus, dont le premier cas est déclaré le 10 mars en RDC, c’est tout naturellement que le président Félix Tshisekedi fait de nouveau appel à celui qu’il appelle un « digne fils du pays ».

Rodé à l’exercice, le professeur Muyembe reprend alors d’interminables réunions avec les bailleurs de fonds, effaçant très rapidement le nouveau ministre de la Santé Eteni Longondo.

Personne ne contestait l’autorité du patriarche des épidémies, jusqu’à sa petite phrase il y a une semaine.

« Nous sommes candidats pour faire les essais ici chez nous »

« Le vaccin sera produit soit aux États-Unis, soit au Canada, soit en Chine. Nous, nous sommes candidats pour faire les essais ici chez nous », a-t-il dit.

Marche arrière toute dans les heures qui suivent, devant l’indignation d’une partie des Congolais et des Africains déjà très remontés après le propos « provocateur » d’un médecin français suggérant de faire du continent un vaste terrain d’étude.

« Mon intention n’était pas d’affirmer que nous allons commencer la vaccination en RDC, sans qu’il soit testé en Amérique ou ailleurs. Je suis moi-même congolais et je ne permettrais jamais qu’on utilise les Congolais comme cobayes », tente de corriger le « général » Muyembe. La RDC a officiellement déclaré 215 cas de nouveau coronavirus, pour 20 décès et 13 guérisons.

 

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