Les responsables du lait en poudre contaminé réintégrés dans la fonction publique

27 juillet 2015 13:00 Mis à jour: 26 octobre 2015 18:09

 

Personne n’a oublié le scandale du lait en poudre qui a empoisonné des centaines de milliers de bébés et a provoqué une demi-douzaine de décès de nourrissons. Pourtant, Pékin a récemment annoncé qu’un certain nombre d’anciens responsables de la sécurité alimentaire, condamnés dans cette affaire, ont obtenu de nouveaux postes.

Le scandale a éclaté en 2008 lorsque de la mélamine, un produit chimique industriel, a été découvert dans de grandes quantités de lait déshydraté vendu à travers le pays et même à l’étranger. Révélée début 2008, l’affaire a été étouffée jusqu’à la fin des Jeux olympiques de Pékin en août, pour ne pas mettre le gouvernement dans une situation embarrassante.

Une poignée de fonctionnaires ont alors été sanctionnés, une façon pour les autorités chinoises de montrer leur engagement en faveur de la sécurité alimentaire.

« Les fonctionnaires qui sont prêts à se sacrifiés au nom du Parti dans le cas d’un incident social apportent une réelle contribution au Parti», a commenté Xia Ming, professeur de sciences politiques à l’université de Staten Island, lors d’un entretien téléphonique.

« Quand ils sont politiquement fiables, quand ils coopèrent pleinement avec le Parti, cela leur ouvre la voie pour redevenir fonctionnaires un jour », continue Xia Ming.

Cette analyse des faits amène à interpréter la propagande anti-corruption actuelle, qui est régulièrement relayée dans les médias d’État, comme une chose particulièrement cynique.

Le sentiment de frustration généré par « les copinages de l’État » refait surface à cause des dernières nouvelles concernant la réintégration dans la fonction publique de personnes jugées responsables du lait contaminé.

On savait déjà depuis un certain temps que certains des fonctionnaires reconnus responsables avaient réintégré de nouveaux postes. Mais les récentes annonces diffusées en boucle donnent un éclairage différent, en particulier dans le contexte de la campagne anti-corruption du chef du Parti, Xi Jinping, qui s’est engagé à effacer complètement la corruption au sein du Parti communiste.

Le 10 Juillet, Sun Xianze, un ancien fonctionnaire de la coordination de la sécurité alimentaire au sein de l’administration des denrées alimentaires et des médicaments (China Food and Drug Administration CFDA) a même été promu au poste de chef adjoint de cette même organisation.

Deux jours plus tard, c’était au tour de Wang Zhicai, un ancien haut fonctionnaire du ministère chinois de l’agriculture, d’être promu au poste de chef du bureau du ministère de l’élevage. Wang Zhicai avait pourtant lui aussi été rétrogradé de nombreuses années auparavant en raison de sa négligence envers la réglementation.

La nouvelle de la nomination de Wang Zhicai a été diffusée suite à sa participation à une conférence en tant que chef du bureau du ministère de l’élevage.

Une question de logique interne ?

Une recherche approfondie sur le sujet montre qu’il n’est pas rare pour des fonctionnaires sanctionnés pour corruption, de retrouver, plus tard et en toute sérénité, un nouveau poste, une fois la colère publique retombée.

Un cas de ce genre bien connu s’est déroulé fin 2005. L’ancien dirigeant du bureau de la protection de l’environnement, Xie Zhenhua, âgé de 56 ans, a été limogé après l’explosion de l’usine de pétrochimie dans la province de Jilin, une explosion qui avait déversé 100 tonnes de toxines dans la rivière Songhua. Un an plus tard, il a été nommé directeur adjoint de la Commission nationale du développement et de la réforme, un travail simple qui permet d’obtenir d’importantes sommes d’argent grâce aux projets d’infrastructure.

La logique interne du Parti communiste chinois dicte presque littéralement le cours des événements, selon Xia Ming.

« À chaque grande crise sociale ou de santé publique, le niveau supérieur du gouvernement n’effectue que des tâches superficielles. Il décide si un fonctionnaire est qualifié ou non en jugeant sa loyauté envers le Parti », déclare ce dernier.

« Une façon d’évaluer cette fidélité est de vérifier que la personne est prête à être sacrifiée pour le Parti », ajoute-t-il. Ainsi, après une sévère réprimande publique et une punition apparente en cas de crise, les fonctionnaires sont immédiatement éloignés puis transférés à des postes réservés.

«Les entreprises gérées par l’État et les hauts fonctionnaires ont formé des groupes d’intérêt, et ils se protègent mutuellement », explique Xia Ming, en ajoutant que la croissance du PIB est le facteur déterminant de perspective de carrière des fonctionnaires.

« Le gouvernement chinois ne craint pas que les citoyens meurent à cause des aliments contaminés, mais il craint la colère et la protestation des citoyens quand ils voient les articles des médias à ce sujet », poursuit-il.

Des citoyens sanctionnés
Alors que le scandale du lait frelaté avait provoqué 300 000 infections (signalées), plus de 50 000 hospitalisations d’enfants avec des calculs rénaux ou d’autres troubles et au moins 6 décès, les citoyens qui cherchent à soulever la question des responsables réintégrés, sont persécutés.

Zhao Lianhai, un ancien employé du secteur de la sécurité alimentaire devenu un militant pour les parents de bébés empoisonnés, a été condamné à deux ans et demi de prison en 2010 pour le motif de « trouble de l’ordre social ». Il avait en fait créé un site internet baptisé « La Maison des Bébés qui ont des Calculs Rénaux », dans le but de réunir les victimes du lait contaminé. Il avait également publié des documents accusant le régime d’avoir ordonné aux fonctionnaires de ne pas déclarer les cas de calculs rénaux et les sommes ridicules d’indemnisation des victimes.

Lire l’article original: Chinese Officials Responsible for Poisoned Milk Powder Get New Jobs

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